«En général, pour ce qui est de l’orientation scolaire professionnelle dans les écoles, on a gardé le même modèle que lorsqu’elle est apparue au début des années 1920, c’est-à-dire que c’était les enseignantes qui devenaient conseillères d’orientation», affirme André Samson, professeur titulaire à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa.
Il souligne que quelques provinces ont essayé de resserrer l’accès au métier. Le Québec, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick exigent désormais la maitrise, mais seul le Québec compte un ordre des conseillers d’orientation (OCCOQ).
André Samson explique que les enseignants ontariens peuvent poursuivre des études à la maitrise à distance pour transitionner vers le métier de conseiller d’orientation, mais que les salaires n’étant pas plus élevés dans ce domaine qu’en enseignement, peu s’y aventurent.
En 2014, le professeur a mené une étude auprès de 73 conseillers d’orientation de l’Ontario, qui a révélé que ceux-ci se sentent complètement incompétents pour la majorité des principales tâches qui leur incombent, d’après une liste rédigée par l’Association internationale d’orientation scolaire et professionnelle.
«[Les conseilers d’orientation] ne savent même pas que ces tâches sont associées à leurs responsabilités. […] Elles dépendent beaucoup du directeur de l’école, qui va décider grosso modo de ce qu’elles vont faire», révèle le chercheur.
Une transition qui devrait être facilitée par les conseillers d’orientation
«La transition entre le secondaire et l’université est très difficile. Le taux de changement de programme touche 60-70% des étudiants, donc un étudiant qui va commencer un programme universitaire a 30% de chances de persévérer dans son programme», affirme André Samson.
Selon lui, cela est surtout dû au fait que les Ontariens arrivent à l’université jeunes, contrairement à leurs voisins québécois qui peuvent passer par le cégep: «C’est un choc total! Dans le système scolaire secondaire en Ontario, les écoles [encadrent] les élèves […] quand tu arrives à l’université, c’est une autre paire de manches.»
Il ajoute que l’adaptation au milieu universitaire n’est pas le seul problème: «Souvent, [les élèves] n’ont pas choisi un programme en prenant en compte qui ils sont, leurs aptitudes, leurs intérêts et leurs valeurs. […] Ils vont, la plupart du temps, aboutir dans des programmes qui ne correspondent pas du tout à leur personnalité. Ils sont alors abandonnés par les conseillères d’orientation et n’ont pas été accompagnés pour [choisir] un programme réaliste, qui corresponde à qui ils sont».
Gillian Anderson, présidente de la Commission nationale des parents francophones (CNPF), raconte qu’à l’école de sa fille, en Alberta, il y «a une conseillère d’orientation qui vient un demi-jour par semaine pour desservir 38 élèves. Des 38 élèves, il y en a 25 qui s’intéressent à poursuivre des études au postsecondaire. Le 11 janvier, elle a été capable de rencontrer seulement 8 de ces 25 élèves. Ça fait pitié, ce n’est pas acceptable».
«Rendu au mois de janvier, si tu n’as pas fait d’application à l’université et que c’est un programme assez populaire ou avec beaucoup de concurrence, tu n’as aucune chance. Nos élèves ont un désavantage parce qu’on n’a pas les ressources pour les soutenir», déplore encore Gillian Anderson.
«Lorsque le Campus [Saint-Jean] n’est pas capable d’offrir les cours [désirés], où d’autre les élèves peuvent-ils aller chercher leur éducation en français? C’est à qui d’informer nos jeunes? […] Ça prend quelqu’un de vraiment informé, formé, disponible quasiment à temps plein dans chaque école pour s’assurer que nos jeunes reçoivent les informations», conclut la présidente de la CNPF.
La fierté francophone, un moteur puissant
André Samson remarque que «la place de la francophonie est importante dans l’ensemble de la vie de l’école. Les écoles de langue française de l’Ontario que j’ai visitées font beaucoup d’efforts pour construire l’identité ethnolinguistique de leurs élèves».
Encourager les études en français après le secondaire ne fait toutefois pas officiellement partie du mandat des conseillers d’orientation. Comme le souligne André Samson, tout dépend de l’école et de sa direction.
Dans un billet publié sur OrientAction, un blogue dédié au domaine du développement de carrière au Canada, le chercheur déclare qu’après 15 ans de recherche, une chose est sûre à ses yeux: «Plus un jeune est fier d’être francophone, plus il manifestera le désir de poursuivre ses études postsecondaires en français».
La Commission scolaire francophone du Nunavut (CFSN) mise beaucoup sur le travail des conseillers d’orientation. Lors du forum citoyen sur le Nord organisé par la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada dans le cadre des États généraux sur le postsecondaire francophone en situation minoritaire, sa directrice générale, Linda Leclerc expliquait qu’ils ont «une conseillère d’orientation qui agit auprès des élèves de 7e et 8e années. Le but des élèves est de prendre connaissance de soi».
Par la suite, la conseillère peut aussi aider les élèves dans leurs choix de cours, à remplir des demandes de bourses ou encore à trouver l’établissement postsecondaire qui leur convienne.
En parlant à d’autres parents, Gillian Anderson s’est rendu compte que la situation à l’école de sa fille s’étend aussi à d’autres écoles francophones. Elle connait des conseillers d’orientation du côté anglophone qui «sont très bien formés, très connaissants. Lorsque [les élèves] arrivent en 12e année, ils savent quoi faire».
Elle aimerait que ce soit également le cas pour sa fille et pour tous les élèves francophones en milieu minoritaire.