Marine Joly et son ami Anirudh Nandan auront finalement mis une semaine de plus que les cinq heures prévues pour revenir à Vancouver après une fin de semaine passée à Penticton.
Après avoir constaté la fermeture de l’autoroute Coquihalla, entre Kamloops et Abbotsford, le 14 novembre dernier, les deux amis se sont rendus jusqu’à Aspen Grove, où ils ont été à nouveau dirigés vers le chemin menant au Parc provincial Manning. Vers 22 heures, à leur arrivée à ce site touristique, ils ont dû couper le moteur en raison d’éboulements. Ils ne se trouvaient alors qu’à deux heures de voiture de Vancouver.
Résignés, ils ont d’abord tenté de réserver une chambre, mais tout était complet dans les hôtels à proximité.
«On s’est garés sur le parking et, comme d’autres personnes, on a dû dormir dans la voiture. Le lendemain matin, on a vu qu’il y avait quand même des gens qui avaient dormi dans le lobby. Cette nuit-là, il n’avait pas fait si froid parce qu’il n’avait pas encore neigé», raconte Marine Joly.
Le lendemain, les recherches afin de trouver un hôtel pour la nuit se sont une fois de plus avérées infructueuses.
«Vers 16 heures, l’hôtel nous a dit: “On va vous mettre des matelas dans une salle de réunion dans le sous-sol.” Donc on a dormi, peut-être avec trente personnes je dirais, dans le sous-sol ; dans une grande salle de réunion, sur des matelas avec des draps et des oreillers fournis par l’hôtel», relate-t-elle.
Marine Joly précise que, malgré la situation, les gens sur place ont gardé leur calme.
Les 14 et 15 novembre dernier, des pluies torrentielles ont causé des inondations et des glissements de terrain dans plusieurs secteurs de la Colombie-Britannique. Près de Lillooet, au nord de Vancouver, un glissement de terrain a provoqué la mort d’au moins cinq personnes.
La province demeure en état d’alerte alors que d’autres précipitations abondantes sont prévues d’ici au 1er décembre.
Solidarité francophone
Le mardi 16 novembre, la direction de l’hôtel a demandé à des personnes réfugiées sur place de quitter l’établissement. «Ils ont confirmé le manque de ressources. Ils n’avaient même plus assez de nourriture pour nourrir les employés», raconte Marine Joly.
Plusieurs personnes ont été redirigées vers un centre d’hébergement d’urgence de Kelowna. Découragé par la neige et le verglas, le duo a choisi de ne pas reprendre la route. Comme plusieurs chambres s’étaient libérées, ils ont pu rester une nuit de plus à l’hôtel.
«On a demandé à prendre une douche parce qu’on n’avait pas pris de douche depuis dimanche matin, et ça, c’était mardi après-midi», explique-t-elle.
Marine et Anirudh ont donc pris la route pour Kelowna le lendemain afin d’aller chercher de l’aide. Marine a pris l’initiative de contacter des francophones sur les réseaux sociaux afin de demander de l’hébergement.
Sa requête a été reçue positivement: «C’était rassurant de savoir qu’on avait un endroit où dormir où il n’y aurait pas énormément de dépenses», exprime-t-elle.
À leur arrivée à Kelowna, 150 personnes attendaient en file devant eux afin de bénéficier des services d’urgence.
«Au supermarché, il n’y avait aucun légume, constate Marine. Les seuls fruits qu’on a pu avoir, c’étaient des pommes. Il n’y avait plus de lait.»
Malgré l’aide d’hébergement offerte par les services d’urgence, les deux amis ont tout de même pris la décision de passer une nuit chez des francophones de la région qu’ils ont rencontrés sur les médias sociaux, avant de s’installer dans une chambre d’hôtel pour les trois jours suivants.
De retour à Vancouver depuis le 21 novembre, Marine affirme qu’à aucun moment elle n’a craint pour sa sécurité, malgré que les conditions de vie aient été difficiles. «On a eu quand même des gros moments de stress», conclut-elle.
Coupés du reste du monde
Antoine-Marie Fradette habite actuellement à Princeton, un petit village de moins de 3000 habitants du sud de la province qui a été durement touché par les inondations.
Il se souvient que quelques jours avant les évènements de la mi-novembre, la météo oscillait entre la pluie et la neige. C’est le 14 novembre, alors qu’il terminait sa journée de travail, qu’il a pu constater les premiers dommages causés par les inondations.
Travaillant dans le domaine de l’exploration de l’or et ne se trouvant ainsi pas au cœur du village, il n’avait pas pu constater l’ampleur des dégâts.
«Le dimanche, quand on est sortis du bois, on a vu qu’il y avait un côté de l’autoroute qui était complètement bouché ; on ne savait pas encore pourquoi. C’est que l’autoroute Coquihalla avait déjà commencé à s’effondrer», explique-t-il, précisant que la route était fermée à l’est de Princeton.
«Le lendemain, ils ont fermé l’autoroute des deux côtés. On ne pouvait plus sortir du village», relate-t-il.
Antoine-Marie Fradette dit qu’il se sentait «comme dans une bulle» face à l’évènement.
«L’épicerie a fermé la journée de l’inondation parce qu’il n’y avait pas assez de staff, mais ils ont réussi à ouvrir depuis. L’eau n’est pas potable; même une fois bouillie, elle n’est pas potable. On a manqué de chauffage entre lundi et aujourd’hui (21 novembre), on vient juste de ravoir le chauffage. Puis, le fait que les autoroutes étaient fermées des deux côtés, on était complètement isolés», explique-t-il.
Malgré la semaine difficile, Antoine-Marie Fradette se sent rassuré.
«Ils ont réussi à dégager une section de l’autoroute et ils l’ont ouverte aux voyageurs essentiels. […] Les gens ne peuvent pas se promener comme ils veulent, mais en ce moment sur l’autoroute, nous quand on revient de la job, on le voit, c’est juste des semi-remorques», affirme-t-il.
Il déclare n’avoir jamais ressenti de panique face aux évènements, à l’instar de son entourage. «Je suis assez résilient. Ce n’est pas la première fois que ça brasse en Colombie-Britannique cette année», résume-t-il.