Mes étés dans Ayersville  

Mes étés dans Ayersville  

Oui j’habitais dans le p’tit Canada, mais nous étions souvent en visite chez la sœur de ma mère, la belle Denise qui habitait dans terrasse Saindon, au cœur du Bronx comme on l’appelait! Été comme hiver, ma mère, mon frère et moi allions souvent rendre visite à Denise, mon cousin Stéphane et sa sœur Brigitte. Une bonne marche pour se rendre chez ma tante Denise.  

Je garde de beaux souvenirs de ces années. La nostalgie fait en sorte que chaque rue de Ayersville me rappelle un souvenir.  

Laisse-moi te porter au cœur de mes souvenirs, au cœur des Pilon, Champlain, Durocher, Lalonde, Laporte et combien d’autres…  

Un, mon cousin n’était pas là. Il était parti à Vendée, petit village natal de son père Marcel. Et quand mon cousin n’était pas là, je m’ennuyais. C’est là que je faisais mes niaiseries. Stéphane était l’intelligent de nous deux, le plus raisonnable. Moi j’étais la tête folle qui avait toujours des plans de «N», mot qu’on ne doit plus utiliser aujourd’hui, mais qui était commun à l’époque. Donc, nous étions samedi soir et le gros Bimbo tournait en rond et surtout autour de lui-même, ce soir-là. Il s’était déjà battu avec mon grand cousin Serge et je l’avais encore en mémoire. La rancune était un prérequis, si on voulait entrer dans Ayersville. On avait juste ça à faire se casser du sucre sur le dos, entre nous autres. Ce soir-là, je voulais déterrer la hache de guerre dans la nuit du pardon comme a dit ce grand poète du Centre-Sud de Montréal, Denis Vanier. Mon idée de génie: crever les pneus de son bicycle, siège banane, poignés mustang, tire balloune. Oui, votre humble serviteur n’avait pas toujours des idées de génie.  

Il était dans le parc à côté de la piscine Ayers, il fumait chez pas trop quoi, il était seul au monde, c’était parfait pour mon plan ni vu ni connu. J’ai chaud, je transpire, je dégoûte, je tremble, je ne suis pas bon pour faire de mauvais coups, mais ça j’ai mis beaucoup de temps à le comprendre. Si le gros Bimbo me poignait, j’étais faite, il était gros, rapide et dangereux. Je n’avais pas beaucoup de temps pour exécuter mon plan de «N» pour niaiseux. J’avais en ma possession un couteau suisse de qualité acheté au Rossy deux étages, rien de trop beau pour le petit fils de pauvre que j’étais. Je m’approche de son bicycle comme un ninja. Le ninja en moi a pilé sur une canette vide et Bimbo, comme dans un cauchemar, s’est reviré de bord à la vitesse du son. J’étais pris sur le fait. Rien à dire pour ma défense, monsieur le juge.  

-Bimbo; quossé tu fais là Beauséjour?  

-Moi; Eeeeehhhh…rien.  

-Bimbo; décalisse!  

Il n’a pas eu besoin de me le répéter deux fois. J’ai eu tellement peur que je n’ai jamais exécuté de plan de «N». J’avais tellement eu peur que j’avais même, comble de manque d’orgueil, pissé dans mes culottes.  

Les deux pieds dans la nostalgie. 

Les parties de balle qu’on jouait à l’ancien terrain adjacent à l’usine Ayers, même terrain qui a accueilli Maurice Richard, un été au début des années 50, me ramènent les 2 pieds dans la nostalgie. Le terrain était abonné depuis plusieurs années, mais il y avait encore le backstop. Tous les jeunes de 10 et plus de Ayersville y jouaient, c’était vraiment un beau moment. Il se rajoutait aussi Fano, E.T et d’autres dont j’oublie les surnoms. Le plaisir de jouer dans les après-midis ensoleillés reste ancré dans ma mémoire. Les chicanes, les rires sincères, la camaraderie, le beau temps, l’été à l’infini, Jean-Paul Durocher nu pied au champ centre (Shoeless), les adultes qui s’ajoute aux deux équipes, l’essence même du baseball était présente. Même que le fantôme de Doubleday, l’inventeur de ce magnifique jeu, y planait comme un drone au-dessus de nos têtes. Le gazon trop long, le sable mélangé à la garnotte, des spectateurs pour nous applaudir, nous autres, les pauvres.  Des coups sûrs qui roulent encore sur la ligne du premier but, des sourires, les plus petits qui jouaient au bat boy ou bat girl, des après-midis de tombola ou presque, des après-midis qui nous faisaient oublier la misère à coup de buts sur balle. Le soleil qui nous chauffait la couenne pas de crème, la peau qui se transformait en cuir comme nos gants. Nous avions un bâton pour tout le monde, c’était correct. Nous en avions besoin que d’un pour frapper la balle… C’est comme ça que cet été là, nous nous sommes réunis presque tous les jours pour jouer à la balle. Nous sommes devenus le baseball, sans nous en apercevoir. 

Nous étions ce que Doubleday espérait pour son sport. 

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