Cinq jours après le début de l’invasion, Anna K. s’est envolée de Moncton en direction de Varsovie, en Pologne. Alors qu’un demi-million de personnes ont fui son pays natal, la jeune femme est déterminée à entrer dans la zone de guerre et prêter mainforte aux forces armées ukrainiennes.
Elle est prête à se porter volontaire pour soigner les blessés de guerre.
«Même si je n’ai jamais travaillé dans de telles conditions, j’espère qu’on me laissera utiliser certaines de mes compétences d’infirmière. Mais je ferai n’importe quoi, que ce soit cuisiner et livrer de la nourriture, organiser les approvisionnements, aider à l’évacuation, même donner son sang est très important en ce moment», raconte-t-elle à l’Acadie Nouvelle.
«C’est le pays de mon cœur»
L’Ukrainienne, installée au Canada depuis plusieurs années, s’engage dans un périple long et incertain. Elle ne s’attend pas à pouvoir rejoindre le théâtre des opérations avant une à deux semaines.
Elle espère pouvoir gagner la région d’Odessa et de Kherson, au sud du pays, une zone actuellement occupée par les forces russes. C’est là où se trouvent ses proches, qui se sont réfugiés dans des abris antibombes.
«L’un des ponts de la ville a été détruit, l’aéroport a été incendié et les troupes patrouillent devant le centre commercial où j’allais magasiner. C’est fou…», se désole Anna.
Au cours de la fin de semaine, ses amis de Moncton ont rassemblé en catastrophe autant d’argent et de matériel médical qu’ils ont pu trouver : trousses de premiers soins, couvertures d’urgences, bandages, compresses et autres rations de survie. Les dons sont venus de voisins, d’inconnus et même du Oulton College, où Anna a suivi le programme d’infirmière auxiliaire.
«Nous avons récupéré 22 kilogrammes d’équipement, nous avons entassé tout ce que nous avons pu dans un sac», décrit Nataliia Haidash, amie d’Anna, elle aussi membre de la communauté ukrainienne de Moncton.
Au fond du sac se trouvent un casque et un gilet pare-balles. Déterminée, Anna assure que son désir d’agir pour la cause nationale l’emporte sur la peur.
«Ça n’a pas été difficile de me décider, parce que je sais que c’est la bonne décision», lâche-t-elle.
«Je ne suis pas trop inquiète, je crois que je peux être utile et j’essaierai d’être prudente, de ne pas me mettre en danger, mais la vérité c’est qu’il n’y a aucun endroit sûr en Ukraine actuellement. Bien sûr que j’y pense, mais je ne peux pas me tenir à l’écart, continuer mon travail et assister à la tragédie qui se déroule devant moi. C’est chez moi, c’est ma famille, c’est le pays de mon cœur ; c’est le pays qui m’a vu grandir et je ferai tout ce que je peux pour aider», ajoute Anna.
«J’ai peur de tomber endormie»
Son amie Nataliia Haidash n’a pas su l’en dissuader : «C’est la personne la plus entêtée que je connaisse! Si elle a choisi quelque chose, personne ne peut lui faire changer d’avis», confie-t-elle.
Installée à Moncton depuis 2017, Nataliia est originaire de Zaporizhia, dans le sud-est du pays. Elle vit une angoisse permanente depuis jeudi. Ses parents et son frère sont en sécurité jusqu’à présent, mais l’aéroport de leur ville a été la cible de frappes aériennes.
Impossible pour elle de décrocher du fil d’actualité de son téléphone.
«Je dors pendant deux ou trois heures et je me réveille avec un sentiment d’horreur, raconte Nataliia. J’ai peur de tomber endormie, la situation change chaque minute.»
Comme beaucoup à travers le monde, elle salue l’héroïsme de ses concitoyens : «Personne n’aurait imaginé qu’ils puissent résister à une armée aussi puissante. C’est incroyable de voir comment tellement de civils résistent à l’occupant russe!»
Au cours des derniers jours, le Club ukrainien de Moncton s’est mobilisé en organisant des manifestations dénonçant l’intervention armée. L’association récolte désormais les dons de matériel humanitaire et d’argent pour couvrir les besoins en médicaments, vêtements chauds et nourriture.
«Le soutien a été incroyable, des inconnus m’ont contacté pour me dire qu’ils sont prêts à héberger les réfugiés qui veulent venir au Canada, se réjouit Nataliia Haidash. Continuez de partager de l’information et d’attirer l’attention sur le conflit. Ça nous donne plus de force et de courage de passer à travers tout ça.»