«La communauté francophone de Vancouver est animée d’une véritable envie de se rassembler autour des arts, d’une vie culturelle qui se démarque de la vie culturelle anglophone et qui apporte un autre regard», partage Anaïs Pellin, originaire de Bruxelles en Belgique.
Arrivée il y a cinq ans en Colombie-Britannique (C.-B.), la comédienne de formation, également titulaire d’une maitrise en études théâtrales, ne s’attendait pas à s’épanouir si rapidement sur le plan artistique. «J’ai été surprise de découvrir un milieu culturel francophone foisonnant, d’une grande richesse», témoigne la trentenaire.
Du succès à travers le pays
Anaïs s’installe à Vancouver en juillet 2016 avec le projet d’apprendre l’anglais, tandis que son compagnon commence un postdoctorat à l’Université de Colombie-Britannique. «On avait toujours eu envie de vivre une expérience à l’international, c’était une occasion unique pour nous deux», résume-t-elle.
À ses débuts, l’artiste prend contact avec La Seizième, le théâtre francophone de Vancouver, tout en travaillant comme vendeuse et barista. À peine deux mois après son emménagement, elle décroche ses premiers «petits» contrats dans le milieu théâtral. Elle anime des ateliers, rejoint une troupe d’improvisation semi-professionnelle.
Puis, en février 2017, elle devient assistante à la mise en scène de la pièce Bonjour, là, bonjour (Leméac Éditeur, 1974) de l’auteur québécois Michel Tremblay. Elle découvre alors le théâtre classique québécois et rencontre de nombreux acteurs installés à Vancouver. Ce sera sa porte d’entrée dans la communauté artistique de C.-B.
Rapidement, celle qui est à la fois autrice, metteuse en scène et comédienne a la possibilité de monter ses propres projets. Elle collabore avec l’Alliance française de Vancouver et plusieurs compagnies de théâtre d’objets à travers le pays. Sa pièce pour jeune public Clémentine – Une histoire (vraie), qui parle de séparation, se joue ainsi à La Seizième mais aussi à Montréal, en partenariat avec la troupe La Pire Espèce.
Dans un autre spectacle pour enfant présenté à la rencontre biennale Zones théâtrales, à Ottawa, Anaïs, seule en scène, s’entoure de multiples objets pour raconter à sa façon La petite sirène, le célèbre conte danois de Hans Christian Andersen.
Depuis deux ans, elle est également soutenue par la compagnie anglophone Presentation House Theatre (PHT), basée à North Vancouver. Ces différents succès l’ont décidée à fonder sa propre compagnie jeune public, la Kleine Compagnie, en mars 2020.
Difficultés de recrutement et de financement
Aux yeux de la jeune femme, faire du théâtre en français en milieu minoritaire reste néanmoins un défi. Trouver des acteurs, des metteurs en scène ou des scénographes francophones constitue la première des difficultés.
«Ils sont peu nombreux et très demandés, explique Anaïs. On est obligés de faire venir des gens d’autres provinces, de Montréal notamment, ce qui coute beaucoup plus cher.»
À ce problème de recrutement s’ajoute celui du financement insuffisant. Si Anaïs s’estime bien aidée par Ottawa, en particulier par le Conseil des arts du Canada, elle déplore le manque de soutien du gouvernement provincial.
«Il y a déjà très peu de budget pour le domaine artistique, alors il y en a encore moins pour le secteur francophone, souligne-t-elle. On aimerait que notre province ait une sensibilité plus grande à la culture en milieu minoritaire, qu’elle valorise davantage ses artistes qui parlent français.»
L’artiste pointe par ailleurs les difficultés à atteindre le jeune public francophone : «C’est complexe, car il faut passer par le système des conseils scolaires, qui est assez fermé. Amener les écoles au théâtre, faire venir les classes dans les salles de spectacle est loin d’être évident», révèle Anaïs, qui évoque également le manque de visibilité et le cout prohibitif de la culture en milieu minoritaire.
«On a eu un coup de foudre pour le Canada»
Malgré ces défis, la Canadienne d’adoption affirme s’épanouir sur le plan professionnel, mais aussi social. Après cinq années sur la côte ouest, elle se dit parfaitement intégrée à la communauté.
«Les gens sont super accueillants et solidaires. J’ai créé des liens forts avec des francophones du monde entier, notre côté déraciné contribue à nous rassembler», confie l’expatriée.
Anaïs n’a toutefois pas oublié sa Belgique natale — «ses frites et son chocolat» — ni sa famille, restée au «plat pays». Les deux dernières années de pandémie ont été particulièrement éprouvantes pour elle: «Je suis en contact régulier avec mes proches, mais avant l’automne dernier, je n’ai pas pu les voir pendant deux ans.»
La trentenaire, qui a fait sa demande de citoyenneté, n’envisage pas pour autant de rentrer en Europe.
«On a eu un véritable coup de foudre pour le Canada, pour la gentillesse et l’ouverture d’esprit des gens qui manquent de l’autre côté de l’Atlantique, raconte-t-elle. Le cadre naturel est aussi extraordinaire, avec les montagnes surplombant la ville, la plage à cinq minutes… J’ai le sentiment d’être en vacances toute l’année!»
Jamais à court de projets, la comédienne partira en tournée dans l’Ouest canadien avec la pièce Le merveilleux voyage d’Inès de l’Ouest de Rébecca Déraspe au printemps 2022.