Une histoire comme dans les films

Une histoire comme dans les films

Leidy Mayerly Choconta Aranguren suit des cours de natation dans une école dirigée par Dary Castro Parrado. Leidy est fiancée, Dary célibataire. Les deux femmes se lient d’amitié. Après ses études, Leidy devient professeure dans l’entreprise de Dary. Ensemble, elles mettent sur pied un programme de cours pour les enfants défavorisés. À Bogota, ce n’est pas ça qui manque.  

Mais voilà que leur amitié prend une tournure que ni l’une ni l’autre n’avait prévue et qui leur cause un profond tourment. Homosexuelles? Quand on vient d’une bonne famille catholique, on sait que c’est péché. Certes, l’homosexualité n’est plus illégale à Bogota depuis 1981, mais les mentalités changent moins vite que les lois. Les deux femmes sont déchirées entre l’inclination qu’elles se découvrent et l’opprobre dont elles vont faire l’objet. Néanmoins, exit le fiancé.    

Lorsque Madame Choconta apprend que sa fille a des relations avec Dary (qui est en plus sa grande amie), c’est le drame. La vie va devenir impossible. La mère balance entre colère et bienveillance refusant aujourd’hui ce qu’elle a accepté hier. Bref, l’enfer. La sœur de Leidy ira même jusqu’à menacer Dary avec un couteau. Alors, Leidy choisit d’aller vivre ailleurs, chez une cousine. De son côté, Dary reçoit des appels de menaces. Elle finit par fermer son entreprise sous la pression de certains parents qui craignent pour le bien-être moral de leurs enfants  

En 2011, Leidy et Dary décident de cohabiter, mais discrètement. Leur logement comportera deux chambres à coucher avec deux penderies. Pour le commun des mortels elles ne sont que des colocs, sans plus. Elles se trouvent du travail dans une autre école comme profs d’éducation physique.   

La poussière retombe. La sœur de Leidy présente ses excuses à Dary et sa mère finit par se faire une raison. Seuls les parents de Dary vivent dans le déni. Ils croient que leur fille partage un appartement avec une amie comme bien d’autres femmes. «Je pense qu’ils savent, dit Dary, mais ils ne veulent pas savoir.»  

En 2018 se produit un événement qui bouscule la vie des deux femmes. Suite à une dénonciation Dary reçoit des menaces de mort. Puis, un jour en rentrant à l’école, une voiture s’approche d’elle et quelqu’un tire du pistolet dans sa direction. Dary est indemne. Intimidation? Attentat raté? Qui sait. A Bogota, ce genre d’événement n’émeut pas grand monde, surtout pas la police (en 2020, la communauté LGBTQ+ a subi 83 meurtres en 8 mois). Dary craint pour sa vie et décide de partir, mais Leidy ne sera pas du voyage. Sa mère est atteinte d’un cancer et a besoin d’aide.   

Arrivée à Fort Lauderdale, Dary rencontre des Canadiens qui lui tracent un portrait séduisant de la vie au Canada, en particulier au Québec. Conquise, elle monte sans tarder vers le nord, emprunte le Chemin Roxham et demande le statut de réfugiée. Elle se rend à Montréal au refuge Royal Victoria, puis trouve un job et un logement. En principe, Leidy devrait la rejoindre sous peu.   

Mais, les histoires d’amour sont toujours truffées d’obstacles. La maman de Leidy meurt et sa sœur, elle aussi atteinte d’un cancer, doit suivre une chimiothérapie qui doit durer plus d’un an. Cerise amère sur ce gâteau empoisonné, le père de Leidy disparu depuis longtemps surgit tout à coup dans sa vie; il est malade et a besoin de soutien.   

À Montréal, on est découragé. À Bogota, c’est la grosse déprime. À bout de souffle et de force, Leidy décide de rompre. Mais Dary ne veut rien entendre. S’il faut attendre, elle attendra.   

Le temps passe. Puis, l’embâcle se défait. Les obstacles s’effacent et Leidy peut partir. Elle suit les traces de Dary et à son tour demande l’asile au Canada. Les deux femmes se retrouvent enfin. C’est la joie. Leidy est embauchée par la même société que sa compagne, Idéal, un fabricant de vêtements qui emploie beaucoup de latinos. On respire.  

Il y a toutefois un hic. Après l’agitation des dernières années, Leidy et Dary aspirent à une vie tranquille. Elles visitent les banlieues nord et sud et aboutissent au COFFRET à Saint-Jérôme qui les réfère au Centre pour l’immigration en région (CIR). Le directeur, Gabriel Garcia, les prend en charge; il leur présente Argenteuil, les informe quant aux possibilités d’emploi et de logement. Les femmes sont séduites. Le constructeur d’armoires de cuisine haut de gamme Luxor collection les embauche toutes les deux. Elles trouvent un appartement à Grenville.   

C’est là qu’elles attendent maintenant des nouvelles de leur demande d’asile. Pour la première fois depuis une éternité, elles ont l’impression de vivre sans stress. Elles apprennent le français et, malgré la pandémie, se sentent parfaitement à leur aise dans leur nouvel environnement. Une ombre au tableau; elles s’ennuient de leur famille qu’elles ne désespèrent toutefois pas de la revoir un jour… quelque part entre Montréal et Bogota.  

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