Après avoir obtenu son diplôme d’études collégiales en septembre 2020, Janelle Arsenault occupe depuis environ un an un poste de préposée aux soins dans un foyer pour personnes âgées de Summerside.
«Ce n’est pas du tout le travail que j’espérais faire pour ma carrière. J’avais choisi le programme d’infirmière auxiliaire parce que c’est ce que je voulais faire», dit la jeune femme, outrée par la manière dont elle dit avoir été traitée.
«Personne ne peut me redonner les deux années que j’ai perdues à étudier au Collège de l’Île», déplore-t-elle. Il s’agit du seul établissement postsecondaire francophone à l’Île-du-Prince-Édouard.
Au cœur du litige se situe l’obligation de réussir un examen d’anglais, le IELTS, imposé par le College of Registered Nurses of PEI (CRNPEI) à celles et ceux qui n’ont pas effectué leur scolarité en anglais. Il s’agit d’un examen très poussé sur la connaissance de la langue anglaise et non pas d’un examen sur le métier d’infirmière auxiliaire.
«Quand j’ai commencé au Collège de l’Île, on m’a dit que je n’aurais pas besoin de passer cet examen parce que je ne suis pas une étudiante internationale. J’avais entendu parler de cet examen qui est très difficile, ça me soulageait de ne pas avoir à le passer. Puis, je pense que c’était à la dernière journée de cours, deux ans plus tard, j’ai appris que je serais obligée de passer l’examen! J’ai confronté la personne qui m’avait dit que je n’aurais pas besoin de le passer, et elle m’a dit que j’aurais dû tricher ou cacher que j’avais fait mon école en français, ce que je n’aurais pas accepté de faire», raconte Janelle.
Les frustrations s’accumulent
La frustration de Janelle et de sa mère, Pierrette Arsenault, est palpable et alourdit le quotidien des deux femmes. Elles reprochent au Collège d’avoir été attentif seulement aux besoins des étudiants internationaux, alors qu’elle, étudiante native de l’Île, a été laissée à elle-même.
Plus encore, elle a l’impression que le Collège a profité d’elle en lui demandant, lors des stages vers Charlottetown, de prendre en passant les deux étudiants internationaux qui habitaient à Summerside.
«Je l’ai fait. Il fallait que je parte plus tôt le matin, ça rallongeait ma journée, mais je l’ai fait. À un moment, pour les stages à Prince-Ouest, le Collège m’a demandé d’aller chercher les deux étudiantes à Summerside pour les conduire à Prince-Ouest. J’ai refusé. Le Collège a alors payé quelqu’un pour aller chercher les étudiantes à Summerside jusqu’à Harmony Road, et on faisait le reste du trajet ensemble», relate Janelle.
«Le soir, si le “taxi” était en retard, je devais attendre. Plus tard, j’ai appris que les étudiants internationaux qui venaient de Charlottetown à Wellington étaient payés. Et pire que ça, les deux étudiants ou étudiantes qui faisaient le trajet comme passagers étaient aussi payés! De mon côté, le Collège n’a jamais fait mine de me dédommager, même si j’ai rempli les formulaires qu’on m’a dit de remplir», déplore encore l’ancienne étudiante.
Une expérience stressante et non concluante
En mars 2021, environ six mois après avoir reçu son diplôme, Janelle a pu s’inscrire pour passer l’examen d’anglais. «Je ne savais rien à propos [de l’examen], il y avait des dizaines de sites internet qui en parlaient, je ne savais pas lequel était le bon. J’ai demandé au Collège de m’aider, mais finalement j’ai dû tout faire moi-même.»
Elle rapporte avoir trouvé l’expérience de l’examen très stressante : «La sécurité était pire que dans un aéroport. Tous les étudiants venaient d’autres pays et moi […] j’ai dû renouveler mon passeport et obtenir des papiers. […] C’était clair que ceux qui donnaient l’examen se demandaient ce que je faisais là.»
«En bout de ligne, j’ai réussi des parties de l’examen, mais j’en ai aussi échoué alors je n’ai pas réussi. Une des étudiantes internationales qui a gradué avec moi s’y est reprise à trois fois pour le réussir. Je pourrais faire la même chose, mais je trouve que je ne devrais pas avoir à faire ce test. Ce n’est pas normal, je suis Canadienne et bilingue en plus. Lors de mes stages, je servais d’interprète entre les patients et les infirmières et médecins qui parlaient anglais avec un fort accent», s’exaspère Janelle Arsenault.
Au bout du rouleau
La dernière année a été difficile pour l’ancienne étudiante. Toutes ses démarches faites auprès du Collège de l’Île, du Secrétariat aux affaires acadiennes et francophones, du Réseau Santé en français Î.-P.-É. ou du College of Registered Nurses of PEI n’ont donné que très peu de résultats.
Janelle Arsenault estime avoir été lésée. Elle a fait parvenir une copie de sa lettre de réclamation à La Voix acadienne. «Ce que je veux, c’est éviter que d’autres étudiants aient à traverser ce que j’ai traversé», conclut-elle.