Le prix de l’amour

Le prix de l’amour

Dans le film, la jeune héroïne est jolie, drôle, élégamment habillée. Passionnée par son travail, indépendante et intelligente, elle refuse de se rendre aux rendez-vous amoureux que ses ami×es lui arrangent dans les bars à la mode. Mais, lorsqu’elle rend visite à sa famille dans son village natal pour les Fêtes, elle se questionne et finit par se rendre à l’évidence: au fond, tout ce qu’elle veut, c’est une jolie histoire amour et une vie de famille bien tranquille à la campagne. Chants de Noël, générique, clap de fin, merci bonsoir.

Depuis notre plus jeune âge, nous sommes biberonné·×es aux histoires d’amour et aux fins heureuses. L’amour romantique est idéalisé, magnifié en chansons, en romans, en séries à succès. L’amour guérit tout, l’amour excuse tout – même les coups. 

Nous, les femmes, ne pourrions être complètes sans un homme à nos côtés, des enfants à cajoler, une maison à décorer au rythme des saisons. On nous inculque que notre bonheur dépend de notre capacité à rendre les autres heureux, à plaire, à prendre soin, à aimer sans compter – car l’amour n’a pas de prix.

Pourtant, compter devrait faire partie des discussions amoureuses. Car le fait d’être en couple hétérosexuel appauvrit les femmes, qu’on se le dise.

Se faire belle

Dans son livre Le prix à payer, la journaliste française Lucile Quillet dresse la liste des couts liés aux injonctions faites aux femmes dans une société qui attend d’elles qu’elles «se fassent belles» pour attirer ou garder un homme.

L’auteure estime par exemple à 30 000 $ les frais d’épilation en moyenne pour une femme au cours de sa vie. Ajoutons à cela l’achat de maquillage et de vêtements, les rendez-vous au salon de coiffure, les multiples crèmes hydratantes-lissantes-raffermissantes… et la facture s’avère vite salée, à l’échelle d’une vie.

Les femmes dépensent donc plus pour se conformer aux stéréotypes de genre… tout en investissant moins dans leur avenir. En effet, les rôles sociaux associés aux femmes leur confèrent toujours la responsabilité des tâches ménagères et parentales.

Selon l’Enquête sur l’emploi du temps, en 2015, les femmes consacraient en moyenne 54 minutes de plus par jour que les hommes aux tâches ménagères. Parions que ça n’a guère changé, surtout en ces temps d’école à la maison et de soins supplémentaires.

Ce travail est non-payé, non-valorisé, invisibilisé. Il s’agit de temps et d’énergie qu’elles pourraient consacrer à autre chose, à des formations ou des activités de réseautage – comme leurs maris. Mais qui irait chercher les enfants à l’école, alors?

Bref, alors que les hommes s’enrichissent grâce à leur vie de couple, soutenus dans leur carrière par une conjointe bienveillante, les femmes s’appauvrissent en tentant de leur plaire et en mettant leur carrière entre parenthèses pour œuvrer gratuitement au bien-être de leur famille.

Où sont les fins heureuses?

Ces carrières entrecoupées, à temps partiel ou interrompues, ont des conséquences dramatiques sur le niveau de vie des femmes à l’âge de la retraite. Selon le Forum économique mondial, les Canadiennes courent 1,5 fois plus de risques de vivre dans la pauvreté que leurs congénères masculins à ce moment-là. Bien qu’elles vivent plus longtemps, leurs épargnes seraient de 30 % à 40 % inférieure en moyenne à celle des hommes.

Alors, peut-être serait-il temps de battre en brèche l’idée qui veut qu’en amour, on ne compte pas. Aimons-nous, oui, mais de manière égalitaire! Disons-nous des mots doux, mais ouvrons aussi des régimes enregistrés d’épargne-retraite et signons des contrats de cohabitation. Pour vivre tous et toutes des fins heureuses!

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