Au Parti conservateur, c’est Alain Rayes qui a été nommé porte-parole des langues officielles et lieutenant du Québec, postes qu’il a déjà occupés séparément.
Désormais responsable de ces deux rôles simultanément, une première, il analyse : «Ça va me permettre de faire un lien entre le gouvernement du Québec et l’opposition fédérale en défendant les francophones partout au pays, mais aussi ceux du Québec. [La province] peut jouer un rôle dans toute la fédération pour les francophones, en faisant preuve de leadeurship.»
Il ajoute que «les langues officielles sont un sujet très sensible partout, au Québec aussi. Sans avoir le bilinguisme obligatoire, on doit faire la promotion des deux langues dans la province, mais on a aussi des projets de loi que le gouvernement du Québec veut mettre en avant pour protéger la langue et en faire la promotion, comme obliger les organisations fédérales à respecter la loi 101 du Québec.»
Il assure que le Parti conservateur s’est engagé à respecter le gouvernement du Québec à ce sujet.
Sa préoccupation principale est de «s’assurer que le gouvernement dépose son projet [de modernisation de la Loi sur les langues officielles]. Il avait promis de le faire dans les 100 premiers jours, il ne reste pas beaucoup de temps», prévient-il.
Modifier le projet de loi
Il espère notamment «que le gouvernement va tenir compte des commentaires qui ont déjà été faits par les différents organismes, notamment après ce qu’on a vécu avec l’affaire du PDG d’Air Canada».
Une idée que partagent ses homologues au Nouveau Parti démocratique (NPD) et au Bloc québécois, Niki Ashton et Mario Beaulieu.
Ce dernier assure: «On a besoin de renforcer le français en tant que langue commune pour arriver à intégrer les nouveaux arrivants et à assurer l’avenir du français, ce qui n’est pas du tout le cas en ce moment. On l’a vu à Montréal, avec la situation de M. Rousseau.»
Les trois porte-paroles s’accordent notamment sur le fait que le prochain projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO) que déposera la ministre Petitpas Taylor devra donner plus de pouvoir au Commissariat aux langues officielles (CLO), une demande formulée par la FCFA fin octobre.
Mario Beaulieu insiste: «Tant que le CLO n’interfère pas avec l’application de la Charte de la langue française ou avec le français comme langue commune, on appuie ce qui touche l’extérieur du Québec.»
De son côté, la porte-parole des langues officielles au NPD, Niki Ashton, estime que le premier ministre «fait semblant de se préoccuper des francophones. Les libéraux disent de belles choses sur la protection du français, mais quand il s’agit de passer à l’action, ils rejettent les projets de loi du NPD».
La députée francophile du Manitoba fait ici référence aux projets de loi de Yvon Godin et de François Choquette, qui visaient notamment le bilinguisme des juges de la Cour suprême.
C’est d’ailleurs l’un des dossiers chauds sur lesquels les libéraux sont attendus. Si le NPD et le Bloc québécois sont en faveur de légiférer sur le bilinguisme à la Cour suprême et d’en faire un critère de recrutement, le Parti conservateur est plus frileux.
«On veut que la compétence soit priorisée. À la base, on recherche des gens bilingues. Mais si c’est impossible à cause de différentes raisons en lien avec la compétence, la géographie, il devrait y avoir un engagement clair» de la part du juge d’apprendre le français, souligne Alain Rayes.
Il tourne ensuite le projecteur sur les libéraux : «On trouve ça très spécial de voir le gouvernement fédéral en faire leur cheval de bataille numéro un dans leurs attaques des autres partis, quand eux-mêmes ont nommé une gouverneure générale [qui n’est] pas capable de s’exprimer en français, qui ne l’a jamais appris, même si elle demeurait au Québec.»
Des priorités pour le prochain Plan d’action pour les langues officielles
L’autre pièce attendue est le prochain plan quinquennal d’action pour les langues officielles. L’actuel plan court jusqu’à 2023.
Pour Alain Rayes, «ce plan n’aura aucune valeur tant qu’il n’y a pas de projet de loi [de modernisation de la LLO]. Il y a l’urgence de donner plus de pouvoir au commissaire aux langues officielles, de centraliser toutes les décisions dans un seul ministère et de mettre en place des budgets, car ça prend de l’argent pour aider les communautés à faire la promotion du français et à le protéger.»
Le conservateur note au passage que ce financement devra passer par les institutions postsecondaires. «C’est par celles-ci que passent les formations des enseignants, des éducateurs et éducatrices qui vont rester dans les communautés francophones, les faire vivre et s’assurer que le français continue à être promu à tous les niveaux», précise-t-il.
La porte-parole néodémocrate, Niki Ashton, est moins loquace. Elle souhaite entendre un peu plus la ministre Petitpas Taylor pour en discuter plus précisément.
Une hésitation qui confirme un certain vide au NPD en matière de langues officielles, depuis le départ des députés Yvon Godin en 2015 et François Choquette en 2019.
Quant à Mario Beaulieu, il rappelle que le Bloc appuie toutes les demandes faites par les «communautés francophones et acadienne pour les francophones hors Québec».
«Si Mme Petitpas Taylor veut travailler dans le sens de promouvoir le français en tant que seule langue officielle des communes au Québec et respecter le fait que le gouvernement du Québec est le maitre d’œuvre de son aménagement linguistique, on est tout à fait disposés à travailler avec elle», soutient-il.
Il prévient toutefois: «Mais si le [fédéral] veut imposer le bilinguisme institutionnel et les services en anglais sans réserve au Québec et affaiblir l’application de la loi 101, à ce moment-là, le gouvernement libéral va nous trouver sur son chemin.»