Le ou la président·e de la Chambre des communes a plusieurs fonctions: interpréter les règles de la Chambre avec impartialité, maintenir l’ordre et défendre les droits et les privilèges des députés, dont le droit à la liberté de parole.
La néodémocrate Carol Hugues, les libéraux Anthony Rota et Alexandra Mendès, ainsi que les conservateurs Marc Dalton, Chris d’Entremont et Joël Godin sont dans la course.
Un point d’interrogation subsiste pour Elizabeth May, ancienne cheffe du Parti vert et députée de Saanich—Gulf Islands en Colombie-Britannique. Elle devrait prendre sa décision avant le vendredi 19 novembre, a confirmé à Francopresse sa cheffe de cabinet, Debra Eindiguer, le 17 novembre.
Seuls Carol Hughes, Alexandra Mendès et Chris d’Entremont ont donné suite aux appels de Francopresse pour discuter de leur rôle à ce poste, si elles ou il l’obtiennent, notamment dans le contexte d’un gouvernement minoritaire.
Un «bon mode de communication avec tous les partis»
Carol Hughes, députée néolibérale d’Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, est vice-présidente adjointe de la Chambre des communes depuis 2015.
Sa collègue libérale Alexandra Mendès, députée de Brossard–Saint-Lambert au Québec, occupe également ce poste depuis 2019.
«Ça fait deux [législatures] que suis vice-présidente adjointe. Ces années ont construit mon expérience pour gérer la Chambre. Je me crois équitable, car je suis très consciente qu’il faut assurer que tous les partis puissent s’exprimer, notamment les plus petits», plaide Carol Hughes.
Cette dernière précise l’importance «d’avoir une bonne réputation et un bon mode de communication avec les différents partis».
Ses années syndicales au Congrès du travail du Canada l’ont également forgée, selon elle, à «trouver des solutions et rassembler les gens».
Si elle soutient que «les femmes devraient prendre ce poste à la Chambre, car cela fait plus de 40 ans que ça ne s’est pas produit [depuis Jeanne Sauvé, NDLR]», Carol Hughes nuance : «Je ne crois pas que je devrais avoir le poste parce que je suis une femme, mais parce que je suis qualifiée.»
«Cesser de s’arrêter à la question du genre»
Même son de cloche du côté d’Alexandra Mendès : «Je ne suis pas en lice parce que je m’oppose à qui que ce soit. Je suis en lice parce que je pense que j’apporte quelque chose de différent», assure-t-elle.
Ce «quelque chose» est «le fait d’être une femme, d’être Québécoise, avec un bilinguisme qui est très spécifique au Québec et qui me permet de saisir certaines nuances que d’autres ne saisissent pas. Je suis aussi […] d’origine immigrante».
Ce dernier aspect fait partie de son parcours de vie, «notamment dans le communautaire», qui rentre donc forcément en compte dans son expérience, défend Mme Mendès.
Malgré deux étiquettes politiques opposées, si elle ou Mme Hughes accède à ce poste, ce sera la première fois qu’une femme est élue par ses pairs député·e·s. Jeanne Sauvé, présidente de la Chambre des communes de 1980 à 1984, avait été choisie par Pierre Eliott Trudeau.
«Ça enverrait un message fort, notamment de cesser de s’arrêter à la question du genre, dépasser cela et voir davantage la question des compétences. Mais peut-être la façon de briser cet élément-là.»
Sa priorité si elle accède au poste? Le principe de la dignité. «On a beaucoup laissé tomber les normes les plus élémentaires du respect et de la dignité des uns et des autres dans les débats à la Chambre. Je suis désolée, mais on est là pour faire des lois. Des insultes sont jetées à la va-vite sur le plancher de la Chambre. Je trouve qu’on n’intervient pas avec la régularité que cela mérite», avance Alexandra Mendès.
Des jeux de coulisses discrets
Du côté conservateur, le Néoécossais Chris d’Entremont mise sur les évènements qui ont selon lui été peu ou mal traités à la Chambre des communes.
«Compte tenu de divers récents reportages sur les environnements de travail toxiques, à la fois au sein de l’administration de la Chambre et des bureaux de députés, je ne veux certainement pas rester muet sur le sujet. Pour moi, il est clair que notre institution se retrouve en difficulté et nous devons agir immédiatement», écrit-il dans sa lettre d’annonce de candidature du 16 novembre que Francopresse a pu consulter.
Il assure qu’il peut changer les choses et améliorer «l’environnement de travail au centre de notre système démocratique», écrit-il encore. Chris d’Entremont veut notamment sanctionner des évènements visant d’autres députés, comme Raj Saini, visé pour des accusations d’inconduites sexuelles.
«Nous avons demandé davantage d’informations [à ce sujet] et ne les avons jamais reçues», indique M. d’Entremont en entrevue avec Francopresse. Il indique que cela a été le cas sous la présidence d’Anthony Rota et de Geoff Regan, son prédécesseur à la présidence de la Chambre.
Le député de Nova-Ouest explique également avoir «assisté à plusieurs reprises à des situations où l’opposition n’était pas vraiment écoutée par le gouvernement ou le président de la Chambre. On a besoin de trouver une façon de faire plus indépendante et non-partisane».
Si les candidat·e·s interrogé·es assurent ne pas «faire de lobby» auprès de leurs collègues pour appuyer leur candidature, Pierre Martel, professeur à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, avance: «Généralement, on s’attend à ce qu’il n’y ait pas vraiment de cabale de la part d’un candidat. Mais il peut y avoir des jeux de coulisses, surtout dans un Parlement minoritaire. À ce moment, la présidence de la Chambre ne revient pas nécessairement au parti gouvernemental, mais peut bien revenir à l’opposition. Dans un gouvernement minoritaire, c’est plus volatile.»
Il précise: «Dans le cas d’un gouvernement majoritaire, les tentatives en coulisses peuvent faire élire un député du parti. Le whip du parti va peut-être avoir un rôle plus important pour booster la candidature d’un·e député·e gouvernemental·e.»
Mais ces jeux en sous-main restent «difficiles à mesurer, car beaucoup de ces tractations se déroulent en secret», rappelle le professeur Martel.