Jean Poirier, que pensez-vous de la situation de l’ACFO de Prescott-Russell aujourd’hui ?
Je ne suis pas trop certain où est rendue l’ACFO. En ce qui concerne les communications avec les résidents franco-ontariens, on n’a pas souvent de nouvelles de l’ACFO. Il faut croire qu’ils font des choses, mais, pour que la population puisse appuyer et apprécier le caractère essentiel de l’ACFO Prescott-Russell, il est important que cette population-là soit au courant des détails, des prises de position, des projets de l’ACFO et de son engagement. Si je me fie aux média, aux hebdos, je n’ai pas beaucoup de nouvelles. Je trouve ça regrettable que la collectivité ne soit pas suffisamment informée.
Quand vous tenez compte de la vision, de la mission, du mandat de l’organisme, d’après vous, est-ce que l’ACFO PR fait ce qu’elle doit faire?
Je ne suis pas certain, encore une fois, parce qu’on n’a pas de communications constantes. Oui, il y a le site de l’Écho de l’ACFO, mais quand j’étais son président, la liste des dossiers était tellement longue, on ne savait pas où donner de la tête. Moi j’ai travaillé sept jours par semaine, 110 heures par semaine comme président, et je sentais qu’on touchait à peine à tous les dossiers où l’ACFO devait être impliquée. Je ne suis pas certain parce qu’à cause du manque de communication, comme membre du grand public, je ne suis pas certain s’ils remplissent toutes leurs obligations.
Qu’est-ce que vous pensez de cette espèce d’indifférence qui semble persister dans la population majoritairement francophone de notre région? Est-ce qu’on a vraiment besoin d’une ACFO de nos jours?
On a absolument besoin d’une ACFO parce que oui, on est présentement majoritaire. Mais, comme le disait Bernard de Rome, “Si la tendance se maintient” grâce aux renseignements non partisans du recensement, on va frapper un mur. Y’a des changements qui se font très rapidement. Il y a de l’indifférence, mais il y a toujours eu ce genre d’indifférence-là récemment face à la francophonie de la population, dans tous les dossiers. Moi j’ai étudié l’environnement il y a 50 ans passés et c’est la même chose. Les gens sont tellement préoccupés par leur sort, surtout en situation de pandémie. C’est difficile de motiver les gens à comprendre l’état de la francophonie dans Prescott-Russell, en Ontario, au Canada, à l’échelle internationale. C’est leur demander beaucoup. Ça m’attriste cette indifférence-là parce que c’est un phénomène extrêmement dangereux. Il y a tant de dossiers majeurs qui ont besoin de notre attention: les enfants, l’égalité entre hommes et femmes, entre les francophones de souche et les nouveaux arrivants, etc. Si je faisais partie de l’ACFO et que j’avais tous les fonds nécessaires, ce qui n’est pas le cas, je pourrais facilement embaucher 10 ou 12 personnes pour travailler sur plein de dossiers, renseigner et motiver les gens, leur faire comprendre que quand on est dans une situation comme celle de Prescott-Russell, on a même, je dirais, un devoir de leadership, pour démontrer qu’on est capable, avec le nombre de Franco-Ontariens, de vivre en français chez nous et d’être fiers et bien dans sa peau. C’est le manque de fierté à tous les niveaux dans la francophonie qui m’inquiète beaucoup.
Est-ce que l’ACFO fait ce qui doit être fait pour venir à bout de cette indifférence?
Je ne pense pas. Comment la population peut-elle être motivée, avoir un sens d’appartenance à l’ACFO si elle ne sait pas ce qu’elle fait? Comment une personne peut-elle se motiver si elle n’a pas compris l’importance d’appuyer cet organisme “parapluie”, dont le rôle essentiel est de représenter et de défendre les francophones afin de combler leurs besoins. Moi qui suis de quatrième génération de francophones dans Prescott-Russell, je ne peux que regretter du peu d’appui. Ce n’est pas juste d’avoir des cartes de membres, c’est d’avoir l’appui moral, l’appui affectif pour que les gens se reconnaissent dans leur ACFO, qui doit refléter un portrait fidèle de la collectivité. Et ce qui m’inquiète, ça va être la difficulté à gérer des dossiers de plus en plus fréquents, de plus en plus exigeants parce qu’il y a un durcissement, un manque de compréhension chronique des besoins spécifiques des collectivités francophones, dont celle d’ici.