Dans son cas, en raison de la mosaïque de cultures qu’est le Canada, les symboles sont souvent à doubles tranchants. Très peu d’annonces le démontrent aussi bien que la nomination de Mary Simon comme première gouverneure générale autochtone du Canada.
Alors que la population canadienne est bouleversée par les découvertes à répétition de corps d’enfants décédés dans les pensionnats d’assimilation autochtones, le moment était venu de nommer une Autochtone au poste quasiment honorifique.
En fait, s’il ne l’avait pas fait, il aurait très probablement été critiqué. Peu importe ce que nous tentons de démontrer dans les paragraphes ci-dessous, un choix important et judicieux a été fait au bon moment.
Une situation inconfortable pour les francophones
Lors de l’annonce, le premier ministre est allé au-devant des critiques, soulignant immédiatement qu’il était conscient que Mary Simon ne parlait pas français. En tendant une branche d’olivier à une communauté minoritaire et marginalisée, il en a offensé une autre. Les candidats.es qui pourraient plaire aux deux existent probablement, mais ils sont surement rares.
Mary Simon a promis qu’elle apprendrait le français – ce qu’on ne lui a pas permis de faire dans sa jeunesse dans un pensionnat québécois à Kuujjuaq. Il faut toujours rester ouverts, mais aussi sceptiques, face à cette promesse.
Certains progressent un peu et stagnent, d’autres continuent leur formation et s’améliorent constamment. Il faudra donc attendre pour évaluer sa progression. Si elle y parvient, ce sera un autre symbole important et elle mettra un peu de pression sur ses successeurs.
N’empêche, le premier ministre Trudeau a mis la population francophone dans une situation inconfortable. Il a nommé une personne qui ne parle pas une des langues officielles au poste de gouverneure générale, mais en trouvant une candidate presque impossible à critiquer en raison du symbole qu’elle représente pour un autre peuple minoritaire que mérite tout autant de respect.
Le français est une langue officielle du pays, mais c’est aussi une langue coloniale. Comment réconcilier les besoins et les droits de tous les peuples minoritaires à la fois? Une personne trilingue? Certes. Mais ce seront en grande majorité les Autochtones qui seront trilingues, comme ce sont principalement les francophones qui sont bilingues.
Un rôle symbolique
Petite lueur dans la brume: même si elle ne parle pas français, Mary Simon a un meilleur bagage pour comprendre les difficultés que vivent les francophones en milieu minoritaire qu’un blanc bilingue qui a grandi dans un milieu où sa langue était majoritaire. Elle peut devenir une alliée des communautés francophones comme des communautés autochtones.
Au-delà de tous ces symboles, il y a néanmoins trop peu d’actions concrètes. Rien pour faire une vraie différence dans nos vies. Et là est le vrai problème. La nouvelle Loi sur les langues officielles promise lors des dernières élections a peu de chance d’être adoptée avant de nouvelles élections. Les communautés autochtones sans eau potable sont encore trop nombreuses…
Est-ce que la nomination d’une gouverneure générale d’origine autochtone peut aider ce dernier point? Non. Comme une gouverneure générale qui parle français n’aurait pas pu accélérer l’adoption de la LLO.
Son rôle est symbolique. Elle peut rappeler à Justin Trudeau qu’il n’a pas tenu ses promesses, mais elle ne peut pas le forcer à faire quoi que ce soit. C’est au gouvernement de mettre en place des mesures qui sont plus que des symboles.
La gouverneure générale joue un rôle dans la politique canadienne, mais elle prend très peu de décisions qui ont un impact sur nos vies. Elle a une chance d’intervenir lorsqu’un gouvernement minoritaire perd la confiance de la Chambre, mais c’est presque tout.
Du côté des francophones, la seule chose vraiment importante qui a été perdue, c’est un discours du trône lu dans les deux langues officielles. Encore un texte qui contient plus de bonnes intentions que d’actions concrètes.