Le projet de développement de la rue Hay à Lachute en est un bon exemple puisqu’émerge depuis quelques semaines un désaccord intimement lié à des conceptions divergentes de l’ensemble résidentiel. Nous retrouvons d’un côté un entrepreneur abasourdi devant la complexité du processus, les exigences de la ville et devant la levée de boucliers d’une quarantaine de citoyens. Face à lui, les signataires d’une lettre adressée à la ville qui sont perplexes face au type de développement préconisé par le développeur et qui s’inquiètent des conséquences environnementales d’un tel développement dans un secteur sensible. Enfin, l’hôtel de ville qui doit impérativement jouer le difficile rôle d’équilibriste en faisant preuve de probité et de cohérence afin d’assurer un développement harmonieux de la municipalité.
Pour Yannick Achim, l’un des quarante signataires de la lettre, il est normal que la municipalité porte une oreille attentive aux développeurs tout en relativisant que ça ne doit pas se faire au détriment de la qualité de vie des citoyens. M. Achim tient à préciser que l’intervention des signataires vise prioritairement à s’assurer que le projet s’harmonisera avec le secteur et qu’il respectera des normes environnementales et architecturales.
Le maire de Lachute, Carl Péloquin, est sans équivoque: «le développement, faut le faire de façon organisée, planifiée et harmonisée. Ça va être gagnant à long terme. Il est important de s’assurer de l’acceptabilité sociale des projets.» Afin de se doter de leviers supplémentaires, le conseil municipal a adopté, lors de sa séance ordinaire du 6 avril dernier, un amendement au plan d’implantation et d’intégration architectural (PIIA) du secteur afin d’y ajouter des critères d’évaluation qui rehausseront les exigences pour les constructions dans le secteur de la rue Hay. La version du PIIA adoptée en avril fait notamment en sorte que devra être évitée la répétition de bâtiments ayant les mêmes caractéristiques architecturales ainsi que les mêmes matériaux de finition extérieure.
Ayant maintenu la communication avec le développeur et les quarante signataires depuis le 6 avril dernier, la ville adoptera, à la lumière de leurs commentaires, une version finale du PIIA lors de la séance du conseil municipal du 5 juillet prochain. Malgré l’évolution du dossier, le maire Péloquin garde le cap: «si le projet ne répond pas aux exigences, nous ne l’autoriserons pas.»
Serge Mainville, le propriétaire de l’entreprise Les immeubles KL Mainville inc,, est médusé et considère être victime de discrimination dans ce dossier. Depuis qu’il a fait une offre d’achat conditionnelle à l’acceptation de son projet par la municipalité, les choses se compliquent. Ce dernier comprend difficilement que l’on empêche de construire des résidences unifamiliales qu’il compte louer à des familles et demeure étonné devant la levée de boucliers générée par son projet. Impatient, l’entrepreneur considère que la ville devrait mettre son pied à terre et l’autoriser diligemment à construire des maisons. «Je ne comprends pas, dans les nouveaux projets, toutes les maisons sont pareilles, puis c’est correct, mais sur la rue Hay, c’est maintenant interdit», déplore-t-il. D’ailleurs, dans une lettre envoyée à la ville le 29 avril dernier, les quarante signataires précisent leur attachement au paysage bucolique et paisible de ce secteur logé au cœur d’un environnement naturel à la fois riche et exceptionnel et réitère leur appui envers la ville qui se doit impérativement de s’assurer que l’insertion de nouvelles maisons dans ce secteur sensible se fasse de manière à ne pas dénaturer ou briser l’équilibre du lieu.
M. Mainville dit avoir fait des compromis en proposant d’alterner entre deux modèles de maison, mais pour ce qui est de la couleur et du type de revêtement, il est moins conciliant: « Le bleu minuit de canexel, c’est ma marque de commerce et c’est de même que je bâtis mes maisons.» Selon le propriétaire de l’entreprise KL Mainville, la municipalité devrait mieux s’occuper de ses entrepreneurs en leur facilitant les choses plutôt que de leur mettre des bâtons dans les roues. Serge Mainville cite à titre d’exemple les délais d’obtention des permis. Devant la lourdeur du processus et constatant les embûches, Serge Mainville roule les mécaniques et menace de retirer ses billes et d’investir dans d’autres villes: «Je vais choisir mes combats. Je ne comprends pas pourquoi ils me bloquent, alors que c’est la ville la plus pauvre du Canada.»
Le maire Péloquin explique la décision d’implanter un PIIA dans le secteur de la rue Hay en précisant que c’est un outil dont dispose le conseil de ville et qui vise à bien encadrer le développement résiduel afin qu’il soit en harmonie avec les résidents des secteurs déjà construits. Carl Péloquin concède cependant que le contexte actuel génère effectivement des délais pour l’obtention de permis, tout en rappelant l’importance du processus afin de planifier adéquatement le développement de la ville.