Ruth Bongba, de Montréal à Labrador City

Ruth Bongba, de Montréal à Labrador City

Arrivée à 19 ans avec un permis d’études, Ruth s’apprête à avoir la résidence permanente, normalement ce mois de juin 2021. «J’aurais pu le faire avant, mais j’ai trop trainé», lance-t-elle en souriant.

La première partie de son séjour au pays a surtout été centrée autour de ses études. Arrivée à Québec pour étudier l’anglais, elle repart quelques mois plus tard à Montréal, en 2012, pour intégrer un baccalauréat en administration à l’École de gestion John Molson, qui fait partie de l’Université Concordia.

Un choix que la jeune femme de 28 ans justifie en partie par une mauvaise adhésion à la ville de Québec: «Pourtant, mes parents ont vécu là un temps et ma sœur y a étudié! Mais je ne sais pas comment l’expliquer, ça n’a pas fitté.»

Rejoindre l’amour à Terre-Neuve-et-Labrador

La jeune femme originaire d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, explique que si elle a décidé d’immigrer au Canada, c’est en grande partie en raison des possibilités d’avenir et d’emplois plus sures. Selon elle, il y a plus de place accordée aux personnes issues de la diversité dans le marché de l’emploi au Canada.

Des éléments positifs qu’elle ne voyait pas forcément dans son pays natal ou au Ghana, où elle a habité pendant deux ans avant de venir au Canada.

Ruth a enchainé deux emplois après ses études : un an et demi en assistance technique à Apple Montréal et deux ans au sein d’un poste administratif à Macopharma.

Elle s’est aussi mariée l’an dernier à Arnold, un Canadien d’origine camerounaise rencontré à Montréal plusieurs années auparavant, lorsqu’elle était encore à l’université.

«Nous nous sommes mis ensemble bien après notre rencontre, en 2018. Je l’ai rejoint à Terre-Neuve-et-Labrador, car ça faisait de nombreux mois qu’on ne vivait pas dans la même ville. Il est ingénieur minier ici, au Labrador», explique-t-elle.

«À Montréal, il y a trop de monde, contrairement à ici. Je ne me serais jamais imaginée vivre dans un tel endroit, aussi paisible et loin de tout!» ajoute Ruth Bongba, qui aujourd’hui ne regrette aucunement son choix.

Le «côté protecteur» d’une petite communauté

Quitter Montréal pour Labrador City, une ville avec une très petite communauté francophone, ne l’a pas effrayée malgré une acclimatation un peu difficile.

«Pour habiter ici, tu dois aimer soit les sports d’hiver, soit la pêche!» lance Ruth en plaisantant à moitié.

«Je me suis beaucoup ennuyée au départ. Nous étions en pleine pandémie et je n’avais pas encore de travail, je ne connaissais personne à part mon mari… Là ça va mieux, j’ai mon poste, j’ai rencontré des gens avec qui je m’entends bien. Ça ira encore mieux après la pandémie!» assure-t-elle.

En arrivant dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, Ruth a apprécié la petite communauté dont elle fait de plus en plus partie : «Il y a un côté protecteur au sein de cette communauté, qui est très ouverte. Encore faut-il être de nature à aller vers les gens, sinon tu es vite isolée.»

Ce n’est pas le cas de la jeune femme qui peut compter depuis son arrivée sur la fréquentation et l’aide de la communauté camerounaise locale, avec qui elle et son mari ont tissé des liens. Elle décrit une «chaleur» et une «diversité culturelle» appréciables au Labrador.

Ruth décrit également le relationnel comme étant au cœur de nombreux éléments du quotidien. C’est d’ailleurs comme ça qu’elle a trouvé son travail : le bouche-à-oreille grâce à un collègue de son mari!

Tenter d’attirer à Terre-Neuve-et-Labrador

Devenue agente de liaison économique au Réseau de développement économique et d’employabilité de Terre-Neuve-et-Labrador (RDÉE TNL), Ruth Bongba explique «en être encore au stade où je dois me faire connaitre des clients».

«Pendant la pandémie, j’étais limitée dans les activités que pouvais préparer. Il a fallu s’adapter comme tout le monde, en adoptant Zoom et en participant à des forums d’emploi en ligne pour mettre en lien employeurs et employés!» raconte-t-elle.

L’une de ses missions est d’attirer du monde à Terre-Neuve, du Canada et de l’étranger. Selon Ruth, trouver des gens qualifiés et bilingues complique la tâche, d’autant plus que le défi est, selon elle, très différent selon qu’elle tente de recruter pour Labrador City ou pour la capitale terre-neuvienne, Saint-Jean de Terre-Neuve (St. John’s).

«Au Labrador, c’est plus petit et plus spécifique, avec de nombreux jobs dans le secteur minier. Quand tu vas chercher les gens, il faut que tu partes en te disant que le salaire et l’environnement sont essentiels dans leur décision. Tu formules tes arguments en fonction», expose l’agente de liaison économique.

«Avec la pandémie, de nombreuses personnes sont prêtes à sortir de leur province, mais pas de leur zone de confort», fait-elle valoir.

Il faut donc arriver à détourner les questions du climat froid de Terre-Neuve-et-Labrador et du peu de monde et d’activités comme étant des avantages; un processus par lequel Ruth est elle-même passée en arrivant.

Explorer dès que possible

Bien qu’elle aime son travail et qu’elle commence tout juste à s’acclimater à sa nouvelle vie, la jeune femme ne se ferme aucune porte pour l’avenir.

Si elle retourne à Montréal tous les trois mois pour visiter sa sœur et des amis qui y sont toujours, elle ne pense pas un jour y vivre à nouveau: «Je crois que j’étais arrivée à expiration. Je suis un peu aventurière, j’aime bouger. On se dit qu’à moyen terme, on reste encore quelques années ici, mais j’aimerais explorer le Canada… ou d’autres pays!»

Car la pandémie a remis les choses en perspective pour Ruth, qui est «devenue impatiente» que soient levées les mesures liées à la pandémie. Elle souhaite multiplier ses voyages à l’international le plus tôt possible.

La première chose qu’elle fera lorsque la pandémie permettra de voyager sera de retourner à Abidjan pour revoir ses parents. Elle précise toutefois qu’elle n’y retournera jamais définitivement : «Je n’aime pas être dans des endroits que je connais. Je préfèrerai toujours explorer les villes et les pays où je n’ai jamais mis les pieds. Sinon, ça enlève tout l’intérêt, n’est-ce pas?»

Au travers des incertitudes liées à la pandémie, certaines histoires ressortent comme autant de bouffées d’air et d’espoir. C’est notamment le cas de nombreux francophones qui ont choisi le Canada comme terre d’accueil, il y a de cela quelques mois ou des années. Chaque samedi, Francopresse vous présente quelques-unes de leurs histoires d’immigration, un clin d’œil à la vie qui continue même quand tout le reste s’arrête.  

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