Francopresse: Jean-François Breau, vous animerez le 24 juin prochain le spectacle en direct «Tout pour la musique» sur Unis TV. Qu’est-ce que cela représente pour vous?
Jean-François Breau: C’est une belle opportunité! Moi je suis Acadien, et j’ai appris il n’y a pas longtemps que la Saint-Jean est autant fêtée au Québec qu’au Canada et un peu partout dans le monde. Je trouve que c’est une belle façon de mettre en lumière le fait que la Saint-Jean-Baptiste, c’est la fête de la Francophonie.
Sur ce spectacle-là, il y aura plein d’artistes de partout au Canada, de provinces différentes, donc je suis content de représenter cette belle gang d’artistes là!
Plusieurs de ces artistes ne sont pas forcément connus du grand public. Savez-vous comment s’est faite la sélection, s’il y avait une volonté de laisser de la place à la relève?
Je n’ai pas fait partie de la sélection, mais je vais moi-même en découvrir quelques-uns, comme Willows au Manitoba! Il y aura plein d’artistes d’un peu partout au Canada; je connais évidemment ceux qui sont plus proches de moi comme Vincent Vallières (QC), Joseph Edgar qui représentera le Nouveau-Brunswick avec moi, Luce Dufault (QC) évidemment et Antoine Gratton (QC), qui agira comme directeur musical ; mais il y aura plein de nouvelles découvertes à faire pour moi, et je vais autant être dans l’appréciation de la découverte que tout le monde qui regardera le spectacle sur Unis TV!
Ce sera la deuxième édition de «Tout pour la musique» qui aura lieu en virtuel, après celle de 2020. Avez-vous hâte de pouvoir recommencer à jouer en public?
[Rires] Oui évidemment! En tant qu’artistes de scène, c’est ce qui nous a fait le plus souffrir au cours de l’année. Dans mon groupe, Salebarbes, on est trois qui vivent au Québec et deux au Nouveau-Brunswick. On vient d’apprendre que la province réouvrait ses frontières, plus besoin de quarantaine de deux semaines si on voyage!
Il y a aussi le contact avec le public, c’est la première chose qui nous manque quand on fait un spectacle [virtuel] parce que c’est un échange, c’est ce qui nous nourrit le plus quand on est sur scène. Cette fois-ci, on sera à 2 mètres de distance sur scène à Montréal, mais aussi à 6000 km de distance avec d’autres artistes comme Lorène Charmetant au Yukon et Sympa César en Alberta.
En même temps, je trouve que ce qu’il y a de beau – et je l’ai aussi vécu dans des émissions de télé comme le spécial francophonie d’En direct de l’univers – la technologie nous permet de rassembler plus facilement des artistes de partout. Ça démontre qu’au-delà des défis qui nous sont lancés, on est capables de rester branchés et de s’unir.
C’est sûr que ça n’équivaut pas à être devant un public, mais quand on sait que le spectacle est télédiffusé partout, c’est parfait pour voir des artistes de partout au Canada!
Vous étiez tout récemment porte-parole du Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes. Êtes-vous en train de devenir l’un des «visages phares» de la francophonie?
[Rires] C’est un adonc! C’est le fun qu’on pense à moi pour ça.
Mon père vient de la péninsule acadienne, ma mère vient de la Gaspésie, ils sont allés me faire en Ontario ; je suis né à Hamilton et je suis revenu pour une grande partie de ma vie dans la péninsule acadienne, où j’ai été élevé. Donc je porte en moi l’identité des trois provinces, ça fait de moi quelqu’un qui a un peu de tout ça dans mon ADN.
J’ai aussi été élevé dans un contexte au Nouveau-Brunswick — en Ontario c’est un peu le même souci en ce moment avec l’Université [Laurentienne] qui a subi des coupes dans ses programmes en français — où, dans la péninsule acadienne, je nous considère un peu comme les Gaulois de la province. On a ce souci-là de garder vivantes et vibrantes notre langue, mais aussi notre identité culturelle. Ça fait partie de nous.
Quand j’ai commencé à chanter, spontanément, sans même le penser ou le calculer, j’ai décidé de chanter en français. Aujourd’hui, avec Salebarbes, on est allés fouiller dans du répertoire traditionnel louisianais et cajun, des chansons du vieux, vieux répertoire en français qui ont été mâchées et remâchées par plusieurs générations! Ce sont des chansons qui ont gardé cette culture-là vivante.
Je pense que c’est d’incarner ce discours-là d’urgence de garder la langue et la culture vivante, ça fait de moi quelqu’un qui est à la bonne place pour en parler. Il y a une fierté mélangée à tout ça ; je suis papa pour une deuxième fois, et je comprends de plus en plus que ça fait partie de ce que je veux transmettre à mes filles. Je souhaite qu’elles apprennent le plus de langues possible, mais en sachant très bien d’où elles viennent et qui elles sont.
Donc oui, je suis content qu’on voie ça en me proposant d’être porte-parole!
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur les relations entre les francophonies canadiennes?
J’ai eu la chance de faire l’émission Prise de son [en 2017, NDLR] avec l’équipe de Radio-Canada à Moncton, dans laquelle on allait rencontrer plein d’artistes de partout au Canada issus de communautés francophones ; des gars comme Paul Cournoyer d’Edmonton, qui était fier de dire que sa communauté est celle qui a le plus d’essor.
Il y a aussi Ten Strings and a Goat Skin, qui sont des jeunes francophones de l’Île-du-Prince-Édouard qui ont été à l’école francophone parce que des parents se sont battus pour faire apparaitre des écoles francophones.
Pour moi, ces communautés francophones un peu partout au pays font partie des étoiles qui tissent le ciel de cette grande communauté franco-canadienne. Je salue la volonté de la ministre [québécoise responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne], Sonia LeBel, de rapprocher le Québec avec les autres communautés, parce que je trouve qu’on a souvent pensé que le Québec était la forteresse du français au pays, mais aujourd’hui ça s’effrite au Québec comme ailleurs.
En ayant l’initiative de rebrancher toutes nos communautés, ça va renforcer la culture, la langue et le sentiment d’appartenance. Et au Québec comme ailleurs, on va faire des découvertes! La musique est un véhicule extraordinaire pour la langue et la culture, on sera capables de découvrir plein d’artistes et ça mènera à des spectacles comme «Tout pour la musique».
Qu’espérez-vous pour l’avenir?
L’unité! On l’a vu dans la dernière année, avec la pandémie qui nous est rentrée dedans : aucun défi ne peut nous résister si on l’affronte ensemble. Le sentiment de s’unir pour une seule cause, c’est ce qui fait que rien n’est inatteignable. On le pratique beaucoup ces temps-ci parce qu’on n’a pas le choix, mais il faut s’écouter et s’unir ; et si on a davantage ce réflexe aujourd’hui, c’est tant mieux!
Étienne Fletcher, un artiste de la Saskatchewan, me disait que là-bas il y a eu une volonté au début, quand on a colonisé la Saskatchewan, d’isoler par petites poches les communautés francophones aux quatre coins de la province. Il me disait qu’aujourd’hui elles étaient en train de se rebrancher, et pour lui c’était le plus bel exemple de résilience.
Aussi, oui on recense les francophones, mais des anglophones qui parlent le français ou qui sont francophiles, il y en a! Il faut les recenser aussi. On met sur pied plein de systèmes pour comprendre comment le français vit dans tout le pays.
Le mot du jour, c’est «communauté», parce qu’au-delà de toutes les petites communautés francophones c’est aussi une grande communauté francophone. Les efforts qu’on met pour la rebrancher, avec toutes ses couleurs et tous ses accents, de la Beauce à l’Acadie en passant par Edmonton et l’Ontario, c’est ça qui est beau!
Le spectacle «Tout pour la musique» sera présenté le 24 juin à 21 h (HAE) sur Unis TV.