Cette réforme tous azimuts de la loi 101 pour protéger la langue française a été déposée à l’Assemblée nationale par le ministre responsable de la langue française, Simon Jolin-Barrette. Le projet de loi 96 vise à réformer la loi 101 qui fut initialement adoptée en 1977 par le gouvernement Lévesque. Avec son projet de loi, le ministre propose une série de mesures visant à freiner le déclin de la langue française au Québec.
En plus de limiter le nombre d’étudiants francophones dans le réseau collégial anglophone et de créer un ministère de la langue française, la réforme Jolin-Barrette vise entre autres à encadrer le bilinguisme des municipalités n’ayant pas une population composée d’au moins 50% d’anglophones. Pour maintenir leur statut bilingue, les municipalités telles que Gore (20,2%), Grenville-sur-la-Rouge (26,8%), Mille-Isles (17%) et Wentworth (47,7%) devront, selon les dispositions du projet de loi, adopter une résolution dans les 120 jours suivant l’adoption de la loi par l’Assemblée nationale pour conserver leur statut de ville bilingue.
Pour la députée Agnès Grondin, le projet de loi est un compromis intéressant pour les municipalités bilingues. Selon la députée d’Argenteuil, le projet de loi propose un compromis intéressant aux municipalités qui désireraient maintenir leur statut de ville bilingue. Mme Grondin, qui précise ne pas vouloir faire d’ingérence, souhaite que la réflexion soit constructive et respectueuse et que les municipalités procèdent à un exercice démocratique qui permettra aux citoyens de s’exprimer. L’élue ne pense pas et ne souhaite pas que le projet de loi provoque la fin des municipalités bilingues dans Argenteuil.
Du mur-à-mur pour régler un problème essentiellement montréalais
Pour Scott Pearce, maire de Gore et représentant des municipalités bilingues au sein de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), il aurait été préférable d’opter pour le statuquo et d’éviter le mur à mur préconisé par le gouvernent du Québec. En voulant régler la situation montréalaise, le gouvernement caquiste risque de générer des tensions dans des municipalités où règnent une solidarité et une paix sociale entre les deux communautés linguistiques. Malgré tout, le maire Pearce est sûr que ses concitoyens ne désireront pas remettre en question le statut bilingue de sa municipalité puisque cet héritage fait partie du patrimoine et que les deux groupes linguistiques vivent en harmonie depuis longtemps. Malgré sa confiance, M. Pearce ne restera pas les bras croisés et c’est en tant que représentant des municipalités bilingues au sein de la FQM qu’il compte bien proposer des amendements à la loi.
Même son de cloche du côté de Grenville-sur-la-Rouge et de Wentworth. «Avec son projet de loi, le gouvernement ouvre une canne de vers», selon le maire Tom Arnold, qui a l’intention de signifier son désaccord par voie de résolution. Quant à lui, Jason Morrison, le maire de Wentworth, est d’avis que loi 101 fait pleinement son travail et que le projet de loi risque d’empêcher les villes de communiquer dans les deux langues avec leurs citoyens. «Ça m’inquiète surtout pour mes parents et pour mes concitoyens qui ne sont pas en mesure de comprendre le français ». Malgré qu’il soit satisfait que le projet de loi prévoie un mécanisme permettant le maintien du statut bilingue de sa ville, ce dernier se dit tout de même inquiet puisqu’un nouveau conseil municipal pourrait dans le futur menacer le bilinguisme dans sa municipalité. Tout comme ses collègues de Gore et de Grenville-sur-la-Rouge, le maire Morrison est convaincu que la population de Wentworth sera favorable au maintien du bilinguisme et que le gouvernement se trompe de cible en précisant que le déclin du français se vit essentiellement dans la métropole.
L’ex-député péquiste Roland Richer rappelle qu’il avait réussi à obtenir un compromis semblable à l’époque où le gouvernement Marois songeait à réformer la loi 101. Pour appuyer sa proposition, M. Richer avait souligné la contribution des anglophones dans le développement de la région et la valeur patrimoniale de leur présence dans Argenteuil. Le politicien retraité est aussi d’avis que les citoyens concernés vont assurément appuyer le maintien du bilinguisme dans leur municipalité.
Il règne une certaine unanimité à Québec quant à l’urgence d’agir pour sauver la langue française, et l’angle d’attaque des partis d’opposition semble se concentrer sur des propositions d’amendements. Il reste à savoir si le gouvernement majoritaire de François Legault sera ouvert à modifier son projet de loi.