Legault a évidemment le pouvoir et le droit de modifier la loi 101, la Charte de la langue française du Québec. Toutes les statistiques démontrent un recul du français dans la région de Montréal et il faut agir.
Nous comprenons tous que l’avenir du français au Canada passe par un français fort au Québec. Mais là où on ne peut être d’accord, c’est que la primauté du français au Québec soit inscrite dans la Constitution canadienne.
Les changements constitutionnels proposés dans le projet de loi 96 ne font que quelques lignes. Le Québec voudrait ajouter deux choses dans la Constitution: d’abord que le Québec forme une nation, ensuite que la langue française est la seule langue officielle au Québec et que c’est la langue de la nation québécoise.
La Constitution canadienne permet aux provinces d’y apporter unilatéralement des changements mineurs pourvu que ces modifications n’affectent pas les autres provinces. C’est évidemment l’argument de Legault et de ses avocats, mais ils n’ont pas réfléchi. Où s’ils y ont réfléchi, c’est bien pire: ils se moquent de nous.
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Péril en la demeure
D’inscrire ces affirmations dans la Constitution — qui, rappelons-le, s’applique à tout le pays — ouvre la porte à toutes sortes d’abus par les provinces et nous met, nous les francophones du Canada, en péril.
Une fois ce précédent accepté, qu’est-ce qui empêcherait par exemple le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs – ancien membre du parti antibilinguisme Confederation of Regions (CoR) – de faire inscrire dans la Constitution que l’anglais est la seule langue officielle de cette province?
Dans un récent éditorial, le Globe and Mail se demande même ce qui empêcherait l’Alberta d’ajouter à la Constitution que l’extraction d’hydrocarbures est une valeur albertaine essentielle.
Même s’il n’a pas besoin de l’aval d’Ottawa pour tenter d’inscrire ces amendements à la Constitution, Legault a quand même demandé l’appui du fédéral. Jusqu’à présent, la vice-première ministre, Chrystia Freeland, et la ministre responsable des Langues officielles, Mélanie Joly, ont dit qu’elles étudiaient la question.
Pour sa part, le premier ministre, Justin Trudeau, a dit que la Constitution permettait aux provinces d’y faire certaines modifications. Espérons qu’Ottawa n’appuiera pas la demande du Québec.
Le pire
Le pire dans ce projet de loi, c’est que ses auteurs y ont inscrit des clauses censées défendre les droits des Canadiens français des autres provinces, comme de permettre aux jeunes qui voudraient étudier au Québec de payer les mêmes frais de scolarité que les Québécois.
Quelle hypocrisie! C’est comme nous planter un couteau dans le dos et de nous donner des aspirines pour atténuer le mal.
Jusqu’à présent, je n’ai rien vu qui démontrerait que nos associations francophones nationales et provinciales sont préoccupées par le piège constitutionnel du projet de loi 96. Nos dirigeants ont plutôt applaudi les quelques clauses qui semblent appuyer le français partout au pays, mais c’est de la poudre aux yeux comparativement au tort que créerait l’inclusion de la langue officielle d’une province dans la Constitution.
Une constitution, c’est la loi fondamentale d’un pays. Le bilinguisme est une valeur fondamentale du Canada. Veut-on vraiment un pays linguistiquement morcelé?