Le gouvernement du Québec a déposé le 13 mai son projet de réforme de la loi 101¸ dont le préambule reconnait le rôle du Québec dans «l’essor des communautés francophones et acadienne du Canada».
C’est la première fois que le Québec prend un tel engagement envers la francophonie canadienne dans le cadre d’une loi plutôt que dans un énoncé de politique, une affirmation symbolique forte.
Le dépôt de ce projet de loi 96 précède le Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes qui se tiendra du 12 au 17 juin prochain. Initialement prévu pour 2020, l’évènement a dû être reporté en raison de la pandémie.
Le Sommet est organisé conjointement par le gouvernement du Québec et la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, avec l’objectif d’établir une vision renouvelée des relations entre le Québec et les communautés francophones d’un bout à l’autre du pays.
Il s’inscrit ainsi dans un contexte politique favorable aux rapprochements. Qui plus est, la ministre responsable du dossier au sein du gouvernement québécois, Sonia LeBel, semble avoir une très bonne maitrise des enjeux et un intérêt marqué pour ceux-ci.
Apprendre des échecs du passé
Toutefois, afin de veiller à ce que les principes et les objectifs établis lors du Sommet se concrétisent et aient des impacts à long terme, il faudra se donner les moyens de les matérialiser et apprendre des ratés des dernières décennies.
Le Québec a déjà adopté deux politiques à l’égard de la francophonie canadienne, la première en 1995 et la seconde en 2006. Celles-ci cherchaient notamment à renforcer les liens entre les francophones du Québec et ceux du reste du Canada, de même qu’à mettre de l’avant-plan le rôle rassembleur qu’a le potentiel de jouer le Québec.
Force est de constater que ces politiques ne semblent pas avoir atteint les objectifs escomptés.
La société civile québécoise connait encore très peu les réalités des communautés francophones, les partenariats entre les organismes communautaires demeurent somme toute limités et, à certaines occasions, plutôt que de jouer un rôle rassembleur, le Québec s’est opposé aux intérêts des communautés francophones en Cour suprême.
Un manque important de ressources
Depuis la fin des années 1990, il semble y avoir un fossé entre les énoncés de principe du gouvernement du Québec et les ressources investies.
Les quelques centaines d’initiatives financées annuellement dans le cadre du Programme d’appui à la francophonie canadienne (PAFC) du Québec se partagent un budget de 2,3 millions de dollars, soit quelques milliers pour la majorité des projets. Ce montant n’a pas augmenté depuis 2006.
Des initiatives partenariales intéressantes sont rendues possibles grâce à ces fonds, mais elles ne sont pas dotées de ressources suffisantes pour avoir des impacts structurants à long terme.
Pour avoir de véritables répercussions, le Sommet devra être suivi d’une augmentation des investissements.
En comparaison, les sommes investies en francophonie internationale sont considérablement plus importantes ; l’Office Québec-Monde pour la jeunesse (OQMJ), responsable de développer des relations entre des jeunes du Québec et de pays étrangers, est doté à lui seul d’un budget annuel de plus de 10 millions de dollars. Il serait intéressant de voir la création d’un tel bureau à l’échelle pancanadienne.
Développer des structures de collaboration
En plus de l’enjeu des montants investis, il serait aussi intéressant, dans le cadre de la réforme de la loi 101, d’élargir le mandat d’appui à la francophonie canadienne à davantage de parties prenantes au sein de l’appareil gouvernemental québécois.
En ce moment, ce mandat relève du Secrétariat du Québec aux relations canadiennes (SQRC). Différents ministères (Éducation, Culture, Santé, Justice, etc.) pourraient aussi prévoir des mécanismes de partage de ressources et de collaboration dans la planification de leurs activités.
Il serait également souhaitable que davantage de structures organisationnelles soient mises en place pour permettre aux organismes québécois de travailler de façon concertée et régulière avec leurs homologues francophones à travers le pays.
À la suite du Sommet, un tel espace de concertation pourrait être mis en place afin de maintenir des liens réguliers et constants entre la société civile québécoise et la francophonie canadienne. Cela permettrait notamment de poursuivre les échanges entrepris, de veiller aux suivis des objectifs établis, de consolider les partenariats et de développer des relations de collaboration durables.
Le maintien de contacts récurrents permettra d’acquérir de meilleures connaissances des uns et des autres, favorisant l’habitude de travailler ensemble pour la réalisation de projets communs.
À cet effet, le modèle du Forum des leaders de la FCFA, qui regroupe près d’une cinquantaine d’organismes francophones de toutes les régions du pays à l’extérieur du Québec, pourrait servir d’exemple.
Le Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes ne devra pas être l’unique moment de rencontre.