Selon la ministre des Finances, Chrystia Freeland, l’ampleur du plan de relance se justifie par l’expérience de la crise financière de 2008, où l’insuffisance des mesures de soutien gouvernementales avait retardé la reprise et couté des milliers d’emplois à l’économie canadienne.
Dans son Budget 2021: Une relance axée sur les emplois, la croissance et la résilience, le ministère des Finances estime que le déficit s’établira à 354,2 milliards$ pour 2020-2021 et projette un déficit de 154,7 milliards $ en 2021-2022, soit respectivement 16,4% et 6,4% du PIB.
En comparaison, en 2018-2019, le déficit s’élevait à 14 milliards$, soit 0,6% du PIB.
Ces résultats constituent toutefois une embellie relativement aux prévisions de l’énoncé économique de l’automne 2020, qui envisageait un déficit de 381,6 milliards$ en 2020-2021, sans tenir compte des dépenses liées à la relance économique.
L’amélioration des projections s’explique par une reprise économique plus vigoureuse que prévu et par les couts moins élevés qu’escomptés des mesures de soutien économiques mises en place pour faire face à la crise.
Le déficit se résorberait à 59,7 milliards$ en 2022-2023 et passerait à 30,7 milliards en 2025-206, soit 1,1% du PIB.
La proportion de la dette par rapport à la taille de l’économie canadienne culminerait à 51,2% en 2021-2022, avant de descendre à 49,2% en 2025-2026.
Vers des services de garde pancanadiens pour jeunes enfants
Les femmes, rappelle la ministre des Finances Chrystia Freeland dans son discours devant la Chambre des communes, ont été parmi les plus durement touchées par la crise de la COVID-19 : «Sans service de garde d’enfants, les parents — habituellement les mères — ne peuvent pas travailler. La fermeture de nos écoles et de nos garderies a réduit la participation des femmes à la population active à son plus bas niveau depuis plus de deux décennies.»
Ottawa s’inspirera donc de l’expérience du Québec pour établir un système pancanadien de services de garde pour jeunes enfants, et y investira 27,5 milliards$ sur cinq ans, puis un minimum de 8,3$ milliards par année subséquemment.
Les détails du programme doivent être négociés avec les provinces, mais le gouvernement fédéral cherche à réduire les frais de garde de 50% d’ici la fin de 2022. L’objectif ultime sera de ramener le prix des places règlementées en service de garde à 10$ par jour d’ici cinq ans.
Les couts du programme de services de garde seraient partagés à parts égales avec les provinces, selon les plans du gouvernement fédéral.
Un haut fonctionnaire du gouvernement n’a pas été en mesure de déterminer quelle serait la compensation financière du Québec dans le cadre de ce programme, puisque la province dispose déjà d’un service de garde subventionné.
COVID-19: prolongement des mesures de soutien
La Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC), la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE) et la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer (SUCL) seront étendues jusqu’au 25 septembre 2021.
Selon un haut fonctionnaire du gouvernement, le prolongement de ces mesures de soutien se chiffrerait à environ 30 milliards$.
Ces programmes seront progressivement réduits à partir de juillet 2021, selon l’état des conditions sanitaires. Par exemple, dans le cas de la SSUC, le taux de remboursement des salaires des employés admissibles passerait de 75% en juin à 20% à la fin aout (pour les entreprises qui ont perdu 70% de leurs revenus).
L’assouplissement des conditions d’accès à l’assurance-emploi sera prolongé au cours de la prochaine année.
Ottawa introduit aussi dans son budget le Programme d’embauche pour la relance économique du Canada, qui visera à encourager les employeurs à embaucher de nouveaux employés. Le programme s’étendrait du 6 juin au 20 novembre 2021 et rembourserait 50% du salaire des nouveaux employés entre juin et aout, pour s’établir à 20% en novembre.
Le gouvernement compte aussi créer 500 000 opportunités de formations d’emploi à compter de 2021 et augmenter le salaire minimum à 15$ l’heure à l’échelle du pays.
Relance verte et innovation
Ottawa propose d’investir dans des secteurs stratégiques au cours des prochaines années, par exemple dans les sciences de la vie, la biofabrication (vaccins, NDLR), l’intelligence artificielle, la technologie quantique, l’industrie photonique (ex. panneaux solaires) et la génomique.
Un milliard$ supplémentaire sur six ans sera investi dans le développement de l’accès à l’Internet à large bande, alors qu’Ottawa propose d’aider les petites et moyennes entreprises à prendre le virage numérique – notamment à travers des microsubventions et des programmes d’accompagnement.
Le budget de 2021 propose aussi des investissements de 17,6 milliards $ sur cinq ans pour favoriser une «relance verte». Ottawa veut notamment «décarboniser les grandes émettrices», investir dans la technologie propre et créer des incitatifs pour les projets de capture et de séquestration du carbone.
Ottawa veut aussi investir 4,4 milliards$ sur cinq ans pour subventionner les rénovations majeures des domiciles pour améliorer leur efficacité énergétique.
Selon la ministre Freeland, s’exprimant devant la Chambre des communes, «ce budget établit un plan visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 36% par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030 et met [le Canada] sur la voie de la carboneutralité d’ici 2050».
D’autres mesures en rafale
Ottawa se propose de poursuivre ses efforts dans la lutte contre la COVID-19, notamment en augmentant l’accès aux vaccins et soutenant les soins aux ainés.
Le gouvernement veut aussi soutenir les entrepreneurs noirs et racisés en octroyant 51,7 millions$ sur cinq ans pour développer l’entrepreneuriat dans les communautés noires et en investissant 87,4 millions$ pour diversifier les approvisionnements du gouvernement fédéral en facilitant l’accès aux les entreprises issues de communautés racisées.
Ottawa investira aussi 18 milliards$ sur cinq ans pour améliorer la qualité de vie dans les communautés autochtones, notamment en investissant dans les services de santé, l’éducation et les infrastructures.
Pour faire face à la crise du logement dans plusieurs villes canadiennes, le gouvernement prévoit construire ou restaurer 35 000 unités de logements abordables en investissant 2,5 milliards$ et réaffectant 1,3 milliard$ de fonds existants.
Le budget prévoit aussi l’instauration d’une taxe annuelle de 1% sur les biens immobiliers vacants appartenant à des propriétaires étrangers non résidents.
Ottawa entend aussi bonifier son offre pour l’amélioration du transport en commun, ajoutant 3 milliards$ par année à partir de 2025-2026 au plan d’infrastructure de 14,9 milliards sur huit ans annoncé en février dernier.
Le gouvernement compte également mettre en place une surtaxe sur les produits de luxe (tels les yachts et autres voitures de luxe), en plus de lutter contre l’évasion fiscale et les «stratagèmes fiscaux complexes».
Enfin, Ottawa appliquerait une taxe de 3% sur les revenus des géants du Web, en attendant que la communauté internationale s’entende sur une approche multilatérale sur cette question.