En visioconférence, Carol Jolin, président de l’AFO, et Me François Larocque, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie canadienne en droits et enjeux linguistiques, ont présenté une proposition de loi qu’ils décrivent comme étant «digne du XXIe siècle».
Une première ébauche du libellé avait d’ailleurs fait objet de consultations en octobre dernier.
Quatre «grandes priorités»
Lors de la conférence, Me Larocque, qui était à la barre du comité de rédaction, a identifié les priorités du projet : assurer l’accès aux services en français partout en Ontario, enchâsser l’offre active dans la loi, mettre en place des mécanismes de reddition de compte et rétablir l’indépendance du Commissariat aux services en français (CSF).
Le 15 novembre 2018, connu comme le «jeudi noir» en Ontario, le gouvernement Ford avait annoncé l’abolition du Commissariat aux services en français. En mai de l’année suivante, le CSF passait sous la gouverne du Bureau de l’Ombudsman.
Contrairement à la loi en vigueur, le libellé fait fi des 26 zones désignées, proposant plutôt que la loi s’applique à l’ensemble du territoire ontarien.
À l’heure actuelle, les services en français ne sont garantis que dans les régions où les francophones représentent au moins 10 % de la population, ou encore dans une ville qui compte au moins 5000 francophones.
Il existe présentement 26 régions identifiées par le gouvernement ontarien. Toutefois, plusieurs municipalités comme Thunder Bay, Barrie, Peterborough et Kitchener et ne sont pas incluses. Selon le ministère des Affaires francophones, 20 % des francophones de l’Ontario ne vivent pas dans une zone désignée.
«Le problème, c’est que les services en français sont inégaux à travers la province, explique M. Jolin. Avec la nouvelle loi, on veut garantir l’accès aux services en français partout en Ontario.»
L’offre active de services en français est aussi primordiale pour le président de l’AFO. «De la manière que ça fonctionne en ce moment, si on ne le demande pas des services en français, on ne les a pas. Mais on sait que les francophones sont mal à l’aise de demander de se faire servir en français. Si on veut que les Ontariens reçoivent réellement ces services, il faut qu’ils soient visibles et offerts activement.»
Bâtir sur le travail de la francophonie canadienne
François Larocque avoue s’être inspiré d’autres légalisations dans la proposition de modernisation de la loi ontarienne.
«La définition de l’offre active est tirée de la Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine, note-t-il. La proposition qui prévoit la révision périodique de la loi aux dix ans est inspirée de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick.»
«En ce qui a trait aux recours du commissaire, on s’est inspiré grandement de la Loi sur les langues officielles du Canada», poursuit-il. « Les commissaires aux langues officielles de l’Île-du-Prince-Édouard ou des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut ont tous le pouvoir d’ester [intenter une action] en justice. On souhaite donc que le commissaire de l’Ontario ait une compétence semblable.»
Qui déposera le projet de loi?
La conférence a su réunir plusieurs acteurs importants de la francophonie ontarienne, notamment la Commissaire aux services en français Kelly Burke, l’Ombudsman de l’Ontario Paul Dubé, la sénatrice franco-ontarienne Josée Forest-Niesing et l’ancienne ministre déléguée aux Affaires francophones, Madeleine Meilleur. Toutefois, pour que le projet devienne loi, il devra être soumis à l’examen de l’Assemblée législative par un député, un ministre ou un comité permanent.
C’est dans ce but que, lors des prochaines semaines, l’AFO rencontrera divers députés et ministres, dont la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, afin de faire valoir le libellé.
«On va faire un blitz de lobbying avec le document, explique Carol Jolin. Ensuite, il ne restera qu’au gouvernement de donner suite à sa promesse électorale et d’aller de l’avant avec la modernisation de la Loi avant la prochaine élection.»
Le président de l’AFO dit avoir confiance que la ministre Mulroney présentera le projet à l’Assemblée législative.
«Depuis le début de la pandémie, on se parle régulièrement, à chaque deux ou trois semaines. Elle nous a toujours dit que c’est dans son mandat de s’assurer que la loi soit modernisée. On s’attend donc à ce que Mme Mulroney et son équipe soient les premiers à prendre en main le projet et à le présenter en chambre.»