La nouvelle Prestation de la relance économique bien vue

La nouvelle Prestation de la relance économique bien vue

La ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées, Carla Qualtrough, accompagnée de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, en ont fait l’annonce le 20 aout en conférence de presse.

La ministre Qualtrough ajoute que ces nouvelles mesures devraient être adoptées dès le début de la nouvelle session parlementaire, le 23 septembre prochain. Elle précise cependant que les changements au programme d’assurance-emploi pourront être effectués à travers des modifications règlementaires.

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Quelques milliards de plus pour assurer la transition

Selon des cadres supérieurs d’Emploi et développement social Canada (EDSC), les nouvelles mesures annoncées seront en vigueur pour une période d’un an. Le cout de la prolongation de la PCU est évalué à 8 milliards de dollars. Les couts des PCRÉ sont présentement évalués à 22 milliards de dollars. À ces sommes s’ajoutent 7 milliards pour les modifications proposées à l’assurance-emploi.

La Prestation canadienne d’urgence (PCU) a été établie par le gouvernement fédéral en mai 2020 pour remplacer les revenus des travailleurs qui avaient perdu leur emploi suite à la crise créée par la COVID-19. La PCU verse 2000 dollars par mois aux travailleurs admissibles dont le revenu d’emploi mensuel ne dépasse pas 1000 $.

Présentement, environ 4 millions de Canadiens bénéficient de la PCU, alors que 8,5 millions de personnes y ont eu recours depuis le début de la crise.

Avec la reprise relative de l’emploi au cours des moins de juin et juillet, la PCU avait fait l’objet de nombreuses critiques. Les employeurs et les chambres de commerce lui reprochaient notamment de prévenir le retour au travail et donc de ralentir la reprise économique. Une critique partagée par le Bloc québécois et le Parti conservateur. Les nouvelles mesures annoncées visent donc à favoriser le retour au travail.

Des changements à l’assurance-emploi

À partir du 27 septembre, le seuil d’admissibilité à l’assurance-emploi (AE) sera modifié sous la forme d’un crédit d’heures travaillées. Ainsi, les employés qui auront travaillé 120 heures au cours des 52 dernières semaines pourront avoir accès aux prestations d’AE. Ces dernières sont fixées à un seuil hebdomadaire minimal de 400 dollars. Le montant de la prestation maximale demeure 573 $. Les prestations seront versées pendant un maximum de 45 semaines.

Par le passé, les critères d’admissibilité à l’assurance-emploi étaient établis selon les conditions du marché du travail dans la région du demandeur. Le programme exigeait au minimum 420 heures travaillées et fixait les prestations hebdomadaires à 55 % des revenus d’emploi.

Colin Guldimann, économiste à la Banque Royale du Canada, pense que «l’élément critique ici est l’augmentation des prestations minimales d’assurance-emploi [à 400 dollars par semaine].»

«Le taux de remplacement des revenus hebdomadaires de 55 % n’aurait pas été suffisant pour beaucoup de travailleurs qui ont perdu leur emploi, particulièrement parce qu’un nombre important d’entre eux se situaient au bas de l’échelle des revenus. Donc beaucoup de Canadiens qui travaillent dans des emplois peu rémunérés, comme le commerce de détail et la restauration, ont perdu leur emploi», ajoute Colin Guldimann.

L’économiste observe aussi que le programme normal d’assurance-emploi offrait une période beaucoup plus courte de bénéfices pour les gens qui avaient moins travaillé. En établissant l’admissibilité aux prestations de 26 à 45 semaines, les nouvelles mesures reconnaissent que les gens ont été incapables de travailler à cause de la crise.

Tout comme dans le cas du programme habituel, les nouvelles mesures exigent que le demandeur soit à la recherche d’un emploi et permettent à celui-ci de cumuler des revenus d’emploi à celui des prestations. Pour chaque dollar gagné au travail, cependant, les prestations d’AE sont réduites de 50 cents.

Pour Colin Guldimann, ces changements à l’assurance emploi soulèvent des questions sur la structure du programme à long terme. Il devra y avoir un débat public sur le programme d’assurance-emploi : est-ce qu’on doit continuer à limiter l’admissibilité à ceux qui ont payé des prestations? Est-ce que le taux de remplacement des revenus de 55 % est suffisant?

Introduction de nouvelles mesures de soutien au revenu

Cependant, selon la ministre Qualtrough, comme l’assurance-emploi ne couvre pas les travailleurs autonomes et les pigistes, ce qui aurait laissé des millions de personnes sans mesures de soutien.

En conséquence, la PCU se voit remplacée par la Prestation canadienne de relance économique (PCRÉ) pour les travailleurs qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi, et ne peuvent retourner au travail à cause de la COVID. La PCRÉ offre à ces travailleurs 400 $ par semaine pour un maximum de 26 semaines.

Colin Guldimann observe que cette période de 26 semaines est inspirée du programme d’assurance-emploi. Le gouvernement croit sans doute qu’il y aura eu une relance économique et une reprise de l’emploi d’ici là, mais cela dépend vraiment de la situation de la pandémie, ajoute-t-il.

Tout comme dans le cas des nouvelles mesures d’assurance-emploi, les demandeurs de la PCRÉ devront être à la recherche d’emploi. Ils pourront aussi cumuler la prestation avec des revenus de travail. Ils devront toutefois rembourser 50 cents pour chaque dollar gagné au-delà de 38 000 $ de revenus annuels nets au moment de produire leur déclaration de revenus.

Ce taux de récupération des prestations constitue un meilleur incitatif au travail que celui de la PCU, qui récupérait tous les revenus de travail au-delà de 1000 $ par mois, souligne Colin Guldimann. «Si quelqu’un ne peut travailler qu’à temps partiel, on ne veut pas récupérer toutes ses prestations, parce qu’alors, ils ne voudront peut-être pas retourner au travail», dit-il. Et maintenir le lien entre employeurs et employés est un atout critique pour la relance économique.

L’économiste Jean-Michel Cousineau, professeur titulaire au département de relations industrielles de l’Université de Montréal, rappelle que la reprise sera asymétrique. «Il y a certains secteurs qui ne reviendront pas : hébergement, restauration, certains secteurs du commerce, aéronautique, transport en commun», dit-il.

Pour le professeur Cousineau, les mesures de soutien doivent maintenir un équilibre : «Il faut protéger les gens qui sont en détresse, mais en même temps il ne faut pas les figer dans un secteur où il n’y a rien à faire.» La reprise aura lieu plus rapidement dans certains secteurs que d’autres, aussi faudrait-il faciliter la «flexibilité entre les secteurs et les professions».

Il note d’ailleurs que la ministre Qualtrough a brièvement mentionné l’importance de la formation en conférence de presse. Cependant, ajoute-t-il, il y a un problème de juridiction, puisque la formation relève de la compétence des provinces.

Deux autres types de prestations de relance économique s’ajoutent à la PCRÉ : la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique (PCRÉ de maladie) et la prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants (PCRÉ proches aidants).

La PCRÉ de maladie offre 500 $ par semaine pendant deux semaines aux travailleurs qui sont touchés par la COVID-19 et doivent s’isoler. Une personne ne pourra la réclamer qu’une fois, et les critères d’admissibilité seront les mêmes que pour la PCU.

La PCRÉ proches aidants vise à appuyer les personnes qui doivent s’absenter du travail pour prendre soin d’un enfant de moins de douze ans ou d’une personne à charge parce que les garderies ou les écoles sont fermées à cause de la COVID-19. La prestation offre 500 dollars par semaine à ces travailleurs, pour une période maximale de 26 semaines. Les personnes qui désirent garder leurs enfants à la maison si les écoles sont ouvertes ne sont pas admissibles.

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