«On a presque 250 000 pieds de surface réservée », a affirmé Pierre Gagné, organisateur de Collectomania, une vaste exposition d’objets de toutes les époques, orientée principalement vers les articles à saveur publicitaire. Tout ce qui porte une marque y est à l’honneur – paquets d’allumettes, tasses, enseignes, cartes postales, et même les bonnes vieilles canisses à huile. «Le tabac est très prisé, le café aussi, a indiqué M. Gagné. Les boites métalliques lithographiées (à l’effigie de marques) sont à leur summum, a-t-il déclaré, ajoutant que les gens recherchent beaucoup ce qui est en français, qui est typiquement québécois.»
L’évènement était un des rares du genre à se tenir en 2020, et le lieu tout désigné pour y trouver ou y apporter des trouvailles inusitées.
Un nouveau toit à Lachute
Les dernières années, Collectomania s’est déroulé à Longueuil. Toutefois, pour diverses raisons, dont la pandémie, Pierre Gagné, qui réside à Lachute depuis quelques années, a décidé de tenir cette exposition-foire très courue à l’extérieur, au marché aux puces de Lachute. L’entrée était gratuite.
Un des principaux arguments jouant en la faveur de ce lieu-culte d’Argenteuil: les toitures. Grâce à ses longues allées couvertes, le marché aux puces a parmi aux exposants et marchands de présenter leur précieuse marchandise en atténuant le risque que de dangereuses gouttes de pluie viennent endommager les trésors chéris. D’ailleurs, encore tôt en matinée, le ciel était couvert et le temps incertain.
La majorité des exposants sur place étaient des habitués de ce grand rendez-vous. Sur un total de 63 exposants, 13 en étaient à leur premier Collectomania. Et si l’année s’annonçait longue, il faut croire que la possibilité retrouvée de sortir a motivé les gens. « On a 170 tables, mais si ce n’était des mesures de distanciation, on aurait facilement pu en avoir 230! », déclare Pierre Gagné.
Lance Ford, un exposant habitué du marché aux puces Lachute et de Collectomania était ravi de ce changement de lieu. «Je préfère ça ici, le public est plus varié, a-t-il dit. On n’a pas seulement les collectionneurs sérieux.» En effet, comme le marché aux puces poursuivait ses activités dominicales normales, de nombreux marchands réguliers étaient présents, et par conséquent, la clientèle habituelle également, multipliant le volume de curieux pour les deux activités. « Tout le monde y gagne! », a déclaré M. Ford.
Pour l’exposant longueuillois Claude Joyal, le détour en valait somme toute la peine. « Avant, c’était à quatre minutes de chez moi, a-t-il expliqué, mais côté achalandage et relations avec les gens, c’est bien correct. Je n’ai que de bons commentaires à faire sur l’évènement. »
Fanta-stiques boissons gazeuses
Cette année, Collectomania a réservé une place de choix aux boissons gazeuses, et avant tout aux bouteilles qui ont façonné leur histoire. C’est d’ailleurs à cette occasion que Pierre Gagné et Mario Lussier ont lancé en primeur la première édition de Bouteilles anciennes du Québec : boisson gazeuse, bière de gingembre, eau minérale et eau gazéifiée, qui sert à la fois de livre d’histoire, de guide pour collectionneurs et de document d’archives. L’ouvrage foisonne de détails sur ce sujet pourtant méconnu.
«C’était un monde de boissons gazeuses, a expliqué Pierre Gagné, mais on ne les voyait pas au cinéma ou à la télé.» En fait, c’est un monde si riche que le livre de MM. Lussier et Gagné s’est limité à la période s’étendant de 1820 à 1910, à l’arrivée de la fameuse bouteille à bouchon couronne. «Ça représente des milliers d’heures de travail, ce livre-là», a affirmé Pierre Gagné.
Une bouteille lachutoise rarissime à l’honneur
Au tournant du siècle, entre approximativement 1870 et 1910, les innovations et fantaisies techniques se multiplient dans tous les domaines, et la bouteille n’y échappe pas. L’une de ces «avancées» est la bouteille Codd, importée principalement d’Angleterre. Ce type de bouteille comporte une bille à l’intérieur dont la fonction est de boucher ou de dégager le goulot selon l’inclinaison de la bouteille.
Ingénieux bouchon interne, direz-vous? Le procédé s’est avéré fort couteux, et rendait la bouteille difficile à laver. De surcroit, son principal attrait n’est pas celui prévu. «Les enfants voulaient avoir la bille à l’intérieur, alors ils cassaient la bouteille pour la prendre!», a raconté Pierre Gagné.
Par un concours de circonstances aussi mystérieux qu’incroyable (ce qui est souvent le cas avec les antiquités), une bouteille de l’embouteilleur lachutois François Laurin, datant d’environ 1904, a été retrouvée. Son propriétaire, John Dufresne de Hawkesbury, un autre habitué du marché aux puces de Lachute, l’a apporté pour la montrer aux médias et aux intéressés. Il s’agit à ce jour de l’unique exemplaire connu de cette bouteille, ce qui en fait un objet d’une extrême rareté, et lui confère du même souffle une valeur potentiellement très élevée. Elle n’est toutefois pas à vendre, nous a-t-on dit.
Appel aux sources
Toutefois, malgré des recherches exhaustives telles que décrites dans leur livre de MM. Lussier et Gagné, et de leurs collaborateurs on ne sait à peu près rien sur ce François Laurin. Les auteurs et le propriétaire lancent donc un appel – une bouteille à la mer, si l’on veut – à ceux et celles qui pourraient leur apporter de précieuses pistes permettant d’en apprendre davantage sur l’embouteilleur et l’histoire de cette bouteille.
Pierre Gagné veille également aux destinées de l’exposition Fantasticon qui a eu lieu le 16 aout dernier, et a connu un vif succès. Il est de surcroit membre de l’Association des collectionneurs d’armes du Bas-Canada, qui organise le Salon de l’arme sous le toit de Lachute le 12 septembre prochain, connu dans le passé sous le nom du Salon de l’arme de Montréal.