En cette période incertaine, j’aimerais vous parler un peu de la Nouvelle-France, des pandémies et surtout des Indiens d’Amérique, aujourd’hui nommés les Premières Nations, les Métis et les Inuits (PNMI).
Dès les débuts de la Nouvelle-France, les Européens ont amené en Amérique des maladies contagieuses : rougeole, variole, grippe, typhus, etc. Par exemple, «pendant les épidémies de variole de 1634 à 1640, les Hurons subissent une perte de la moitié de leur population. Entre 1600 et 1700, on estime que l’ensemble des Amérindiens (Canada et États-Unis actuels) voient leur population s’effondrer de 90 %, passant de sept millions à 700 000 autochtones en Amérique du Nord», rapporte l’historienne Isabelle Bernier dans un article publié dans Futura Sciences et intitulé Histoire : Amérindiens et Français du Canada.
Plus de trois siècles plus tard, les Indiens d’Amérique sont revenus sensiblement au même nombre. Aux États-Unis, il y a 5 millions de Native Americans (2 % de la population), alors qu’au Canada, les Premières Nations sont 1,8 million (5 % de la population).
Qu’est-ce qui peut expliquer une si longue période de 300 ans avant de retrouver une population similaire? Les PNMI ont traversé entre autres des épidémies, des guerres, des tentatives d’extermination et plus de 150 ans de tentatives d’assimilation dans les pensionnats indiens. Il fallait à tout prix «tuer l’Indien dans l’enfant» au nom de la civilisation occidentale.
La longue période des pensionnats indiens a cherché à faire disparaitre leurs cultures, leurs langues, leurs spiritualités, leurs us et coutumes, leurs identités, etc. De ces nombreuses années découlent, depuis quelques décennies, des problématiques sociales, psychologiques et spirituelles dans les communautés autochtones. Sans oublier la méfiance fondée des PNMI à l’égard des Canadiens et des ravages du colonialisme au cœur de leurs communautés.
Les nombreuses recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation du Canada (CVR) proposent, à juste titre, de construire des chemins de réconciliation à partir de la vérité des réalités vécues.
L’adversité peut écraser comme elle peut intensifier une logique de conservation vers une intensification des forces individuelles et collectives. Les PNMI ont expérimenté douloureusement cette réalité. L’expérience autochtone non seulement de survie, mais aussi de vivacité et de force pourrait contribuer au monde à venir.
Je ne suis pas historien ni spécialiste des PNMI. Peut-être que les chiffres historiques sont contestables, mais il n’en demeure pas moins qu’ils sont là pour de bon. Ni les actions haineuses et mortifères ni les pandémies n’auront le dernier mot. Ils sont des enfants de la Terre. Ils sont constitutifs à l’équilibre de la Terre.
Le déséquilibre que nous connaissons entre la nature et l’être humain, entre l’espèce animale et l’être humain ou encore entre le monde spirituel et l’être humain témoigne qu’il est grand temps de s’arrêter ; de prendre une pause de nous-mêmes et de réfléchir à notre place dans cet équilibre à retrouver entre nous et la Terre.
Les PNMI peuvent nous guider. À nous de le (re)découvrir et d’écouter le savoir et la sagesse autochtone.
Suggestions de lecture pour aller plus loin dans la réflexion :
- Ce que nous devons aux Indiens d’Amérique de Jack Weatherford, Éditions Albin Michel, 1993.
- Pour une histoire amérindienne de l’Amérique, Georges E. Sioui, Presses de l’Université Laval, 1999.
*Christian Bergeron (PhD) est sociologue et professeur dans le domaine de l’éducation et des sciences de la santé à l’Université d’Ottawa (Faculté d’éducation et École interdisciplinaire des sciences de la santé). Il est également professeur à temps partiel à l’Université Saint-Paul (Faculté des sciences humaines).