La Galerie de la Route des Arts marque un grand coup pour sa première programmation annuelle : Variations Émile Nelligan & portraits numériques, une exposition d’envergure qui retrace la carrière d’un pionnier du copy art québécois, Jacques Charbonneau.
En résumé, le copy art consiste à intervenir sur du matériel reproduit par différents moyens, en particulier la photocopie. La multiplicité des médiums, manipulations, techniques et transformations permettent de créer des œuvres d’une profondeur insoupçonnée, mais aussi des pièces uniques à partir de copies.
Le message dans le médium
Jacques Charbonneau s’intéresse à l’art comme à la société, et les deux champs sont très présents dans son travail. Qu’il détourne ou métisse des œuvres classiques, l’artiste natif de Hull maquille, camoufle et refaçonne les portraits d’artistes et les œuvres classiques. En ce sens, son travail d’appropriation et de subversion n’est pas sans rappeler celui de Francis Bacon (dans la transformation) ou de Warhol (dans la reproduction).
Mais il ne s’agit là que d’un pan de son travail. Car Jacques Charbonneau est prolifique et peut-être même politique. Sa série sur les Patriotes ou sur la crise d’Oka introduit le discours public dans son art. Il interroge aussi la mémoire du peuple québécois, et loin de banaliser l’histoire, il en fait ressortir la complexité.
Le regard du poète
L’œuvre de Jacques Charbonneau désoriente et joue avec notre regard. C’est d’ailleurs le regard d’Émile Nelligan qui le hante et le pousse à réaliser une monumentale série de tableaux consacrés au poète maudit québécois. Cette série, dont une partie apparait en ce moment au Théâtre du Nouveau-Monde, à Montréal, part d’une seule base: la célèbre photo de Nelligan.
L’exposition Variation Émile Nelligan & portraits numériques regroupe un nombre imposant d’œuvres depuis 1980, bien assez pour faire un usage généreux de la galerie Route des Arts, qui pourtant n’est pas avare en murs. La profondeur des compositions est telle qu’il est possible de s’égarer dans chacune d’elles, et de perdre le fil du temps. Organisée en collections, l’exposition reste toutefois cohérente et on ne peut qu’applaudir le travail de la chargée de projet, Lise-Anne Bernatchez et de l’artiste dans la configuration de l’espace.

Un héritage non conclu
«C’est un pionnier, un visionnaire, un artiste de calibre international! Chaque jour, je le regarde travailler, et il n’arrête pas», a lancé fièrement sa fille Jordane, elle aussi artiste. Car à 76 ans, Jacques Charbonneau ne chôme pas et planche sur un autre projet. «Je pourrais monter 10 expositions tellement j’ai d’œuvres de prêtes!», s’est-il exclamé, en parlant de son rythme de travail acharné et ininterrompu.
Multidisciplinaire, il est aussi à l’origine du mouvement sculptural Recycl’Art qui, comme il le dit, «fait du génie avec du débris». Une de ses sculptures, ainsi qu’une de sa fille, se trouve en permanence au Centre culturel le Chenail de Hawkesbury, endroit où il a d’ailleurs présenté Anthologie Anthropique en 2018.
L’exposition Variations Émile Nelligan & portraits numériques a lieu du 16 janvier au 23 février à la Galerie Route des Arts, au 76, rue Clyde, à Lachute : www.routedesarts.ca.
