« Est-ce qu’on m’a traité comme ça parce que j’étais un Ontarien ? », a demandé Jonathan Lapensée, 32 ans, qui a vécu l’enfer dans un hôpital de Montréal à la suite d’une fracture. Il se demande si un Québécois vivrait un pareil supplice en Ontario : « Je suis assez certain qu’il serait bien mieux traité ici. »
Tout avait si bien commencé
Le vendredi 6 décembre s’annonçait pourtant enchanteur pour M. Lapensée. À son arrivée à l’endroit où il devait donner sa première prestation privée, M. Lapensée a perdu pied et ressenti une vive douleur. Il a tout de suite su ce qui clochait. Son hôte a vite appelé une ambulance, qui n’est venue qu’au deuxième appel.
Son admission à l’hôpital du Sacré-Cœur, dans le nord de Montréal, s’est toutefois bien passée – radiographies comprises. Diagnostic : son fémur était bel et bien fracturé. M. Lapensée est habitué à ce genre de scénario. Il souffre d’ostéopétrose, une condition rare qui rend ses os extrêmement vulnérables aux chocs. Il a rapidement informé le personnel qu’il avait un dossier à l’hôpital général d’Ottawa, et a été installé dans une chambre.
De mal en pis
C’est là que les choses se sont gâtées. M. Lapensée a pris conscience qu’il partageait sa chambre avec un homme suicidaire sous garde constante, qui était bruyant et agressif avec le personnel, ce qui l’empêchait de dormir, ou même de se calmer.
Le lendemain, soit le samedi, on lui a indiqué qu’il serait opéré lundi sur les lieux ou à Ottawa, puisqu’il avait déjà un suivi là-bas. Toutefois, à partir de ce moment, il s’est senti ignoré par les médecins et infirmiers : « C’est comme si je n’existais plus. On aurait dit que les médecins riaient de moi », a-t-il expliqué, revivant le découragement qu’il a ressenti. En raison de la douleur et des puissants antidouleurs qu’on lui administrait, il a vomi sur le plancher. Il a fallu deux jours avant qu’on nettoie la flaque au sol, qui avait été jusqu’alors recouverte d’un piqué. C’est sans compter qu’il a dû insister à deux occasions pour qu’on remplace son soluté : « Quand je sonnais, ça pouvait prendre une heure avant qu’une infirmière vienne. C’est comme si je devais prendre soin de moi-même », a-t-il ajouté.
Le dimanche et le lundi ont passé sans qu’il soit opéré ou qu’il obtienne de réponses claires. Il était désespéré au point d’en perdre l’appétit. Il affirme que les repas qu’on lui servait n’aidaient en rien : « Disons que la qualité de la nourriture n’était pas comparable à celle d’Ottawa ! ».
À bout de patience
Tous exaspérés, ses proches et lui, dont sa mère qui est actuellement en Saskatchewan, ont finalement pris les choses en main. Coup de fil après coup de fil, ils ont découvert, avec le personnel de l’hôpital d’Ottawa, que les démarches de transfert n’avaient jamais été faites à Sacré-Cœur. De plus, ils se sont butés au refus des services de santé québécois d’accorder à M. Lapensée un transfert ambulancier vers Hawkesbury. De là, il aurait pu être transporté à Ottawa par les services ontariens. Toutes ses démarches, il a fallu qu’ils les effectuent eux-mêmes, en collaboration avec les services sociaux ontariens et l’hôpital général d’Ottawa. Jonathan a été enfin transféré à Ottawa le samedi 14 décembre – huit jours plus tard, où il a été opéré avec succès.
Aujourd’hui, Jonathan Lapensée, père de deux enfants de 9 et 10 ans, est de retour à la maison, et se rétablit lentement. S’il raconte son histoire, c’est pour obtenir des réponses à ses questions: « Pourquoi est-ce qu’on m’a gardé si longtemps ? Est-ce que c’est parce qu’ils se faisaient plus d’argent avec un patient ontarien (et non québécois) ? » C’est aussi pour que son expérience serve d’avertissement aux autres Ontariens qui vont au Québec. Pour sa part, le jeune chanteur, dont le répertoire comprend beaucoup de chansons québécoises, confie qu’il hésite à retourner chanter dans la Belle Province : « Je pense que je n’ai plus trop le gout d’aller du bord du Québec ! ».
Ultimement, M. Lapensée espère que son histoire fera écho à celles d’autres citoyens et fera bouger les choses. Mais une chose le démange par-dessus tout : il a bien hâte de reprendre sa guitare d’ici quelques jours et recommencer à jouer de la musique.
Réactions de l’hôpital
Du côté de l’hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal, Séléna Champagne, Conseillère aux relations médias et aux affaires publiques du Centre intégré universitaire de santé et services sociaux du Nord-de-l’Île-de-Montréal (CIUSSS-NIM), a indiqué que 80 % des chambres sont partagées, qu’elles doivent être nettoyées chaque jour, et que « le personnel est habilité à répondre aux besoins ponctuels si un dégât survient ». De plus, précise-t-elle, « il est attendu que le personnel infirmier remplace le soluté avant la fin afin d’éviter une manipulation supplémentaire. »
Dans les cas de transferts externes, elle a expliqué que lorsqu’une demande est envoyée, « l’hôpital a 48 h pour nous répondre. Une fois autorisé, le transfert peut prendre quelques jours. » Enfin, elle ajoute que « les plaintes sont analysées en suivant un processus rigoureux, et des recommandations sont déposées après 45 jours. »