«La pandémie a eu un impact inimaginable, a lancé le curé Éric Robichaud, abbé de la paroisse Saint-Pierre-Apôtre de Hawkesbury. C’est comme si on avait perdu la moitié des gens au front, comme dans une guerre. Je crains beaucoup la sortie de cette pandémie.»
Pour Mgr Daniel Berniquez, abbé dans plusieurs églises, dont la paroisse Sainte-Marie d’Orléans à Ottawa, la pandémie a brisé une routine de communauté.
«Il y a un certain nombre de fidèles qui sont revenus, mais si on compare à l’année dernière, c’est très préoccupant, s’inquiète-t-il. Est-ce qu’on va la reprendre cette routine? Je ne suis pas sûr du tout. Aller à la messe, c’est une habitude. Quand on perd une certaine habitude, ça ne revient pas si facilement que ça.»
Les curés disent tout de même avoir ressenti au cours des derniers mois le soutien des citoyens. «La fidélité des paroissiens a permis de tenir le coup», croit Mgr Berniquez.
Mais le travail de restructuration qui devait se faire au cours des prochaines années au sein des paroisses devra être fait en mode accéléré.
«On n’est plus où on était il y a deux ans. Ce n’est plus le même monde, il n’y a plus rien de pareil. Il va falloir y penser, réfléchir, réagir autrement, parce que les changements qui nous attendent sont majeurs», ajoute Mgr Robichaud.
Aller plus loin que le virtuel
Actuellement en Ontario, les lieux de culte sont autorisés à recevoir des fidèles jusqu’à 30 % de la capacité à l’intérieur des bâtiments et jusqu’à 100 personnes à l’extérieur pour toutes les zones sanitaires provinciales, hormis la zone grise.
En zone grise, ces restrictions sont de 15 % de la capacité à l’intérieur des établissements et de 50 personnes à l’extérieur.
Pour pallier le manque d’assistance aux cérémonies religieuses en personne, bien des paroisses ont donc opté pour la diffusion de messes sur leur page Facebook ou pour l’enregistrement de capsules vidéo diffusées sur leur site web. Ces cérémonies virtuelles ont d’ailleurs réussi à avoir un impact considérable sur bon nombre de fidèles.
«[Pendant la pandémie], on a vu une utilisation créative de la technologie. Il y a tout un monde numérique qui est là. Il faudra toujours aller où sont les gens. Il ne faut pas attendre que les gens viennent vers nous. On essaie de nous adapter», explique Mgr Pierre Domerson, abbé pour l’Unité pastorale Soleil Levant.
Mais sur le long terme, il faudra voir plus loin pour assurer la pérennité des messes en personne.
Le numérique à lui seul ne rend pas justice à l’expérience religieuse d’une messe en présentiel, avancent les curés.
«La foi catholique n’est tellement pas virtuelle, lance Mgr Berniquez. Quand tu viens à la messe, tu manges, tu sens, tu donnes la main aux autres. Quand tu baptises, tu verses de l’eau, tu mets de l’huile sur le front. C’est fait pour des contacts, la communion des personnes qui se rencontrent. Il y a un côté intellectuel, mais ce n’est pas juste ça. Là, c’est devant un écran et on écoute. C’est loin de ce qu’on vit quand on est en présentiel. C’est complètement dénaturé.»
La crise agit alors comme une opportunité de faire les choses autrement, de se réinventer et de miser sur la prochaine génération.
«Les crises dans l’Église peuvent devenir des opportunités de croissance, des occasions de renouveau, ajoute Mgr Domerson. Il va falloir réorganiser nos ressources de sorte qu’on ne soit pas seulement une Église qui survit, mais une Église vive capable de toucher nos jeunes. Les humains que nous sommes avons une exceptionnelle capacité d’adaptation. C’est à nous de tirer les leçons de cette crise.»
Les curés s’entendent, il faudra se relever les manches. «Il n’y a pas un défi qui est irréalisable», conclut Mgr Robichaud.