«Ce fauteuil-là, c’est pour parler et celui-là, c’est pour écouter», prévient-elle d’entrée de jeu dans son modeste cabinet rue principale où elle fait encore de la pratique privée. Il faut dire que cette psychiatre généraliste diplômée de l’Université de Montréal avoue qu’elle s’est fourvoyée dans son choix de carrière. Après plus de 35 années dans le milieu de la psychiatrie, ces médecins qui posent des diagnostics et qui prescrivent des médicaments, c’est dans son rôle d’écoute comme une psychologue qu’elle se sent à son plein potentiel, autant avec les adultes que les enfants. Non qu’elle regrette, rien dans son regard ne laisse présumer d’amertume, «mais gérer de la médication, ce n’est pas ce qui est le plus palpitant…»
Elle aurait pu être bohémienne, elle qui n’a pas eu de port d’attache durant son enfance ayant passé par Québec, Montréal, Hull et Coaticook, mais c’est à Lachute qu’elle a décidé d’y bâtir son nid et déposer ses pénates auprès de son homme médecin, rencontré à 28 ans, Gregor Mitchell, qui tomba amoureux d’elle grâce à son canot. «Je voulais tellement être en couple à nouveau», se rappelle celle qui était mère d’une petite fille de 3 ans. Ils se sont rencontrés dans un hôpital de Val d’Or. Anglophone de Westmount, il a tout de même fait sa spécialité à Sherbrooke pour apprendre le français et… il lui convenait parfaitement.
Après un bref essai dans les montagnes de Sainte-Agathe, le couple de professionnels de la santé a décidé de s’éloigner des touristes laurentiens pour se retrouver ici, un peu plus à l’ouest du Québec, là où un modeste hôpital cherchait un médecin pour son urgence. Louise Gendron s’est jointe à ce moment auprès d’un certain Bertin Legault, directeur dans ces nouveaux établissements qu’on a nommés les CLSC pour y pratiquer la psychiatrie surtout avec les enfants. «Dans ce temps-là, c’était plus libéral. Il y avait beaucoup de place à la créativité, aux initiatives et nous étions très ouverts sur la communauté.»
Bon an, mal an, on ne peut pas dire que Mme Gendron n’a pas usé de sa créativité, elle qui a créé la Fondation Espoir Jeunesse Argenteuil en 2003 avec Rolland Richer, directeur de L’Oasis et d’autres personnes du milieu. Avec des amis et Renée Paule Guertin, une infirmière qui devait réaliser un projet universitaire, est né la course relais d’Argenteuil, principal moteur de levée de fond pour cette fondation en 2011. Elle et son acolyte Manon Lavigne, co-directrices, investissent temps et énergie pour amasser des fonds pour venir en aide aux enfants défavorisés de notre communauté. C’est un peu notre docteur Julien argenteuilloise (d’ailleurs, elle collabore souvent avec le Centre de pédiatrie sociale de ce dernier).
Outre le travail, durant toutes ces années, le couple s’est fabriqué des souvenirs familiaux et ont sillonné le monde: Italie, Espagne, Allemagne, Autriche, l’Ouest américain, le Québec, etc. Rien avec de grandes chambres de luxe, mais des expéditions à vélo, dans de petites auberges à découvrir souvent avec un sac à dos. C’est de cette façon qu’elle retrouve son côté nomade et aventurière et que les deux se sont appréciés. «On apprend en vivant les choses, en expérimentant», de dire celle qui a transmis plusieurs de ses passions à sa progéniture.
À 40 ans, les cloches sonnent pour Louise Gendron, qui aspire à rester jeune et en santé longtemps. Elle se lance le défi d’un 1er marathon. «Je n’y croyais pas vraiment, je ne pensais jamais être capable de faire un marathon. Ce n’était pas encore la folie furieuse des femmes qui font du jogging, évoque-t-elle. Les défis de vitesse, ce n’était pas mon fort. Moi, c’est l’endurance. J’ai une humeur assez stable, mais quand j’ai terminé mon 1er marathon à Chicago, j’ai pleuré. J’étais une fontaine d’émotions. J’étais tellement contente de l’avoir fait.»
Elle qui ne fait rien à moitié fait aussi partie de la trentaine de femmes à avoir réalisé le défi coureur des bois OR du Marathon Canadien de ski de fond, qui consiste à parcourir 160 km sur deux jours avec un sac à dos de 5 kilos et en couchant à la belle étoile durant une nuit. Les fondeurs sont accueillis au campement par une équipe de cadet de l’armée qui leur fournit deux ballots de paille, de l’eau bouillante et des toilettes sèches. «C’est un camping de luxe!, clame-t-elle. On a chacun notre feu et ce sont les jeunes qui l’alimentent toute la nuit!» Après la quarantaine, Louise Gendron ne l’a pas fait qu’une fois, mais bien 5 fois, entraînant aussi certains de ses enfants dans son sillon.
Cette dernière année de pandémie pour Louise Gendron en a été une de spectatrice. Elle a perdu sa mère au début du printemps 2020 la laissant un peu loin de tous ses exploits. «Pour une première fois, j’ai mis les rames dans le canot et je me suis laissé aller, décrit-elle de sa douce voix. Il n’y a pas de raccourci dans ces histoires-là, on n’a pas le choix.»
Tranquillement, elle reprend pied. Elle voit sa fille qui, malgré un accident de cheval qui aurait pu être fatal, se réaliser dans la massothérapie et profite de ses cinq petits-enfants alors qu’elle a reçu un vaccin en janvier dernier.
Si vous rêvez de la croiser, embarquez sur une rivière de la région ou parcourez les sentiers de ski de fond des Laurentides parce qu’elle est déterminée à prendre sa retraite cet été et de profiter de la vie comme lorsqu’elle était enfant et qu’elle parlait déjà aux arbres.