La culture prend sa place à Lachute

Par François Jobin
La culture prend sa place à Lachute
Claudia Tremblay, cheffe de division, bibliothèque et culture, responsable de la politique culturelle de Lachute. (Photo : François Jobin)

Cela fera 20 ans dans deux ans. En 2005, La MRC d’Argenteuil se dotait d’une politique culturelle affirmant la place que la MRC accordait à la culture dans l’administration des neuf municipalités qui la composent. Voilà qu’en 2024, la ville de Lachute décide de se doter elle aussi d’une politique culturelle distincte de celle de la MRC dont elle fait partie. 

Claudia Tremblay, cheffe de division, bibliothèque et culture, explique que Lachute en tant que ville-centre de près de 15 000 âmes a des besoins culturels spécifiques bien différents de ceux d’une petite municipalité de cinq ou six mille habitants. En outre, le tissu social a changé. De ville manufacturière qu’elle était jadis, Lachute s’est diversifié avec la venue de nouveaux arrivants.  

Il y a aussi deux autres raisons plus pragmatiques. La première, c’est que désormais, le ministère de la Culture et des communications subventionne les municipalités qui souhaitent se doter d’une politique culturelle, ce qui n’était pas le cas lorsque la MRC a adopté la sienne; la seconde, c’est que les villes et les MRC qui n’ont pas de politique culturelle n’auront pas droit « aux ententes de développement culturel menant à des subventions ». 

Autrement dit, Il est impératif pour Lachute d’agir si elle veut profiter de la manne culturelle de Québec. 

On dira qu’il s’agit d’opportunisme. Soit, mais l’opportunisme n’exclut pas la sincérité. La preuve : les attendus qui précèdent la résolution de doter Lachute d’une politique culturelle que le Conseil de ville a votée en octobre dernier. On y lit notamment que « …la culture constitue un des principaux facteurs d’identité de Ville de Lachute (…), que la culture est un des éléments indissociables du développement des individus (…), que la Ville de Lachute a une volonté d’appuyer concrètement les initiatives qui visent l’affirmation de son identité culturelle et la participation active de ses citoyens à la vie culturelle» (Extraits du procès-verbal de la séance du 2 octobre 2023). 

Mais au fait, qu’est-ce que la culture? C’est une question à laquelle la politique culturelle de Lachute devra sans doute répondre.  

Dans certains milieux, le mot fait encore peur à ceux qui l’entendent comme un ensemble de connaissances réservées à une élite intellectuelle. On parle beaux-arts, littérature, musique classique, danse, cinéma (d’art et d’essai) et théâtre. Tout cela est vrai, mais la culture d’un point de vue sociologique comprend beaucoup plus que les arts et lettres. La culture, c’est l’ensemble des caractères qui distingue un groupe, une population ou une nation d’une autre. Cela comprend tout ce qui a été mentionné plus haut, mais aussi la langue, le vêtement, la nourriture, l’habitation, les croyances, les traditions, bref tout ce qui constitue l’identité d’un groupe. Autrement dit, la culture, ça ratisse large. Trop large?  Au bout du compte, c’est la politique culturelle qui le déterminera et en fixera les limites.  

Le processus de dotation d’une politique culturelle prend d’ordinaire environ un an. On fait d’abord un constat de la situation (dénombrement des équipements culturels disponibles tels bibliothèque, salle de spectacle, librairies, manifestations artistiques, etc.). On procède ensuite à une consultation de la population pour connaître ses vœux et enfin – c’est l’étape la plus importante – on procède à la mise en place d’actions concrètes. Ces dernières peuvent prendre toutes sortes de forme. La ville peut par exemple choisir d’aider financièrement un organisme culturel déjà existant, créer des événements ou des manifestations pour stimuler l’expression culturelle de ses administrés, se doter d’infrastructures ou d’immeubles nouveaux qui favorisent le développement culturel. 

Claudia Tremblay opine. La future politique culturelle devra se tourner vers les citoyens et traduire par des actions concrètes (elle insiste sur le mot) leurs aspirations. Pour sa part, elle privilégie une culture de proximité, c’est-à-dire l’introduction dans la vie quotidienne d’éléments culturels plutôt que d’inciter la population à aller vers la culture. L’exemple de certaines grandes villes peut se révéler inspirant. New-York, Paris, Londres, Berlin, Rome pour ne nommer qu’elles sont des villes où la peinture, la sculpture, l’architecture reflètent l’héritage historique des populations si bien que celles-ci baignent dans un climat qui leur rappelle à tout moment non seulement qui elles sont, mais dans quelle direction elles vont.  

La comparaison est peut-être boiteuse, mais il faut bien commencer quelque part.  

Madame Tremblay préconise l’introduction d’œuvres d’art dans des endroits improbables qui permettent aux citoyens de les côtoyer malgré eux, pour ainsi dire. Un exemple qui vient spontanément à l’esprit est l’engouement pour les murales urbaines qui embellit les municipalités de toutes tailles, partout au pays et même dans le monde. Brownsburg-Chatham en compte déjà une importante au cœur du village sur le mur du laboratoire Notreau. Peut-on s’attendre, grâce à la future politique culturelle à voir surgir des œuvres semblables sur les murs aveugles de certains immeubles? Pourquoi pas. 

Jusqu’à présent, Culture Laurentides (anciennement le Conseil de la culture des Laurentides) accompagnait les villes et les MRC dans la rédaction de leur politique culturelle. Les annonces gouvernementales concernant l’octroi de subventions ainsi que l’obligation de se doter de cet outil ont entraîné une ruée des municipalités sur les formulaires de demande qui ont toutes découvert en même temps, semble-t-il, l’importance de la culture. Culture Laurentides ne dispose pas de ressources suffisantes pour gérer toutes ces demandes. Mme Tremblay devra donc identifier un partenaire privé pour l’aider dans la démarche qui devrait démarrer sous peu et dont on mesurera les résultats dans quelques mois. 

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