Des personnes pas tout à fait comme tout le monde

Des personnes pas tout à fait comme tout le monde

Le monde est fait pour les gens bien portants, qui disposent de tous leurs morceaux et qui peuvent «performer». Autrefois, on appelait ceux qui ne correspondaient pas à la norme des infirmes. Aujourd’hui, on préfère parler de personnes handicapées. Mais quelque nom qu’on leur donne, il reste que plusieurs demeurent en marge de la société. 

C’est pourquoi, en 1992, l’ONU décrétait le 3 décembre Journée mondiale des personnes handicapées. Le but visé était et reste l’intégration des handicapés dans toutes les sphères de l’activité humaine, de faire respecter leurs droits et de promouvoir le Design pour tous, une approche à la création d’objets centrée sur les besoins de la personne. C’est ainsi que petit à petit, on vit apparaître des normes pour faciliter la vie des handicapés: rampes d’accès aux édifices publics, élargissement des portes pour accommoder les fauteuils roulants, mise en place de transport adapté pour faciliter les déplacements, etc.  

Mais les handicapés n’ont pas attendu le décret onusien pour agir. Au siècle dernier, ils se sont regroupés un peu partout en association afin de se faire respecter et de parler d’égal à égal avec tous les niveaux de gouvernements. Puis ces associations se sont à leur tour réunies afin d’amplifier leur voix.  

Chez nous, au Québec, cela a donné naissance au Regroupement pour la concertation des associations de personnes handicapées des Laurentides (RCPHL). Il rassemble 31 organismes qui offrent des services de toute nature et favorisent l’intégration des handicapés au travail. Dominique Laroche, autrefois gestionnaire au CISSS de Lachute puis travailleuse sociale à la Clinique de pédiatrie sociale, en est la nouvelle directrice.  

Le rôle du RCPHL est multiple: il assure d’abord la défense collective des droits, la circulation de l’information entre les nombreux groupes de services aux handicapés, favorise ensuite la mobilisation sociale par l’éducation populaire et enfin offre du soutien aux associations dans leurs interactions avec leurs interlocuteurs. Le RCPHL relève du Secrétariat à l’action communautaire autonome et aux initiatives sociales (SACAIS) alors que la plupart de ses membres sont du ressort du ministère de la Santé et des Services sociaux. 

Les organismes communautaires pour personnes handicapées (handicaps moteur, visuel, auditif, intellectuel, etc.) font également partie de plusieurs autres regroupements comme par exemple la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN) ou le Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ) pour ne nommer que ces deux-là. Cela fait beaucoup de monde et Mme Laroche laisse entendre qu’il y en a peut-être un peu trop. Mais du même souffle, si elle constate une abondance d’organismes au Québec, elle déplore la situation particulière dans Argenteuil. Notamment en ce qui concerne le transport adapté qui ne va pas au-delà des limites de la MRC alors qu’ailleurs, à Saint-Jérôme par exemple, on peut l’emprunter pour se rendre à Laval ou à Montréal. Elle donne pour exemple le triste cas de ce jeune Lachutois handicapé qui a dû renoncer à un emploi à Mirabel faute de pouvoir se rendre à son travail.  

Pourtant, le transport adapté a été un des chevaux de bataille d’un organisme local fondé il y a près de quarante ans par Mme Cécile Wojas, dont la Commission scolaire de la Rivière-du-Nord a reconnu en 2018 l’engagement communautaire en donnant son nom à la Salle de spectacle de la polyvalente Lavigne (on soulignait aussi son apport à l’enseignement des sciences). Présidente pendant vingt ans de Rond-Point loisirs d’Argenteuil (RPLA), un organisme d’animation et de défense des droits des handicapés d’Argenteuil dont certains niaient l’existence. «Ils y en avaient, dit Mme Wojas, mais on ne les voyait pas parce qu’ils ne pouvaient pas sortir de chez eux!» Assez tôt, le RPLA s’intéresse au transport adapté. Il obtient une subvention et en 1993, on assiste au premier voyage d’un véhicule adapté.  

Aujourd’hui, la gestion du transport adapté relève de la MRC et assure la liaison entre divers points du territoire. Mais cela ne suffit pas soutient Dominique Laroche. Il faut développer davantage le service afin d’atteindre des destinations plus éloignées. Les handicapés donc ont marqué des points remarquables depuis la Révolution tranquille. Mais il reste beaucoup de travail à faire. Le monde du travail ne se montre pas toujours convivial pour qui affiche une déficience physique ou intellectuelle. Les promoteurs immobiliers non plus qui construisent encore des projets sans tenir compte des besoins spécifiques des personnes handicapées. C’est pourquoi, durant une semaine à partir du 3 décembre, on entendra beaucoup parler de ces personnes pas tout à fait comme tout le monde qui sont pourtant des citoyens à part entière…  

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