Rêver… les deux pieds sur terre

François Jobin
Rêver… les deux pieds sur terre
Laura-Anne Montpetit et Uhriel Madras-Cyr dans leur boutique, La Fermette des Herbes Chouettes. (Photo : François Jobin)

La boutique porte le nom de leur ferme : La Fermette des Herbes chouettes. Elle se trouve dans la rue Principale à Lachute et dimanche dernier, elle fêtait son premier anniversaire. À cette occasion, Laura-Anne Montpetit et Urhiel Madras-Cyr invitaient leur clientèle à déguster leurs produits ainsi que des plats indiens provenant d’un fournisseur de Morin Heights. 

Laura-Anne et Urhiel sont un couple dans la vie comme en affaires : elle, fille d’une artiste et d’un informaticien, est diplômée en herboristerie; lui, musicien, sommelier (responsable de la carte des vins au Long’Soh) a hérité de ses parents le sens de l’entreprenariat. Ils n’ont pas encore trente ans. 

Tout commence par une histoire d’amour. Coup de foudre? L’histoire ne le dit pas, mais on peut le supposer. Les deux jeunes constatent qu’ils partagent les mêmes valeurs, les mêmes ambitions, la même passion pour la nature, bref… Ils décident de mettre leurs talents et leurs espérances en commun et louent 5 acres de terre agricole à Brownsburg, dans la montée la Branche où ils élèvent plantes médicinales et fleurs comestibles. Ils cultivent la terre selon certains principes issus de la permaculture qui favorise entre autres choses la biodiversité, la régénération des sols et la résistance aux fluctuations climatique. Bref, on est aux antipodes de l’agriculture intensive qui se caractérise par des rendements élevés obtenus par l’ajouts d’éléments extérieurs (insecticides, herbicides, engrais, etc). 

Parmi les projets que le couple caresse, il y a la création d’un vignoble. C’était à l’origine un rêve pour le jour où Urhiel prendrait sa retraite, mais le couple a décidé de devancer l’échéance de quelques décennies. Cette année, on plantera donc des cépages rustiques (il n‘y a pas que le Cabernet, le Pinot et le Grenache dans la vie, mais aussi le Frontenac, le Sainte-Croix et le Vandal-Cliche, moins connus, mais tout aussi productifs et plus robustes que leurs cousins européens).  

Laura-Anne a découvert l’herboristerie à cause d’une santé fragile. Abonnée aux hôpitaux pour toutes sortes d’affection (bronchite chronique, propension aux infections, etc.), elle découvre un praticien qui exerce une médecine holistique (qui traite la totalité du malade plutôt que ses seuls symptômes). Celui-ci l’initie aux plantes médicinales, ce qui résout une partie de ses problèmes. Fascinée, elle creuse le sujet et décide de s’y consacrer entièrement. Son rêve : posséder un lopin de terre pour y faire pousser des plantes médicinales et éventuellement en vivre. Avec Urhiel, elle fait du woofing en Gaspésie (séjour en échange de travaux) et travaille à la coopérative Les Champs qui Chantent. Les deux apprennent leur métier. 

Urhiel entretien aussi une envie de campagne. Multi-instrumentiste, auteur compositeur, coache de voix, il s’intéresse aussi à la nature, en particulier au raisin et à leur transformation. En 2029, avec Laura-Anne, ils choisissent de réaliser leurs rêves à deux. 

Des rêves, certes, mais mâtinés d’une bonne dose de réalisme. On est loin du retour à la terre des années « psychédéliques » où on se lançait dans l’agriculture avec pour seul bagage un goût de liberté en se disant qu’on apprendrait sur le tas parce que ça ne devait pas être la mer à boire. 

Les temps ont heureusement changé. Les pratiques agricoles aussi. On note un retour des petites exploitations qui occupent des niches spécifiques et dont l’objectif n’est pas de concurrencer les mégafermes. Ce qui n’exclut pas un plan d’affaire et une gestion rigoureuse. 

Les préjugés à l’égard du nouvel âge subsistent néanmoins. On assimile souvent les tenants de l’agriculture bio, des pratiques économiques frugales et de la consommation raisonnable à des nouveaux curés complètement déconnectés de la réalité. Ce sont des idées reçues qu’une nouvelle génération est en voie de battre en brèche. 

« Ici c’est un lieu de culte! » lance soudain Laura-Anne à la blague. Urhiel éclate de rire. Oui, l’entreprise des Herbes chouettes correspond à des valeurs, mais ces dernières n’impliquent pas la foi du charbonnier. Le couple ne se considère pas comme des gourous. Pour Laura-Anne, il s’agit d’être fidèle à soi-même, d’être authentique pour employer un mot quelque peu galvaudé; cela implique une honnêteté rigoureuse face à la clientèle (le code de déontologie des herboristes existe pour le garantir). On parle également  d’entraide, de solidarité entre entrepreneurs (ce qui n’exclut pas une certaine compétition), de partage des connaissances et de recherche pour soi d’une qualité de vie. Autrement dit, renchérit Urhiel, il s’agit de repenser l’entreprenariat d’une manière éthique. 

Pour le moment, la seule production des Herbes Chouettes ne suffit pas à assurer le confort de ses propriétaires. C’est pourquoi, il faut compter sur d’autres sources de revenus. 

Il y a d’abord les ateliers ou Laura-Anne propose des manières d’utiliser les plantes médicinales et aromatiques dans la vie de tous les jours. Il y a aussi les conférences que l’entreprise propose sur des sujets aussi variés que la santé et la gastronomie. Le 27 avril prochain, la pédopsychiatre Céline Lamy livrera une causerie sur Le drame des enfants parfaits, titre de son dernier ouvrage. Laura-Anne s’empresse de préciser qu’elle n’est pas du tout en conflit avec la médecine officielle. Bien au contraire. Les plantes ne sont ni des médicaments ni des panacées, mais servent avant tout à prévenir la maladie. 

De son côté, Urhiel continue dans son entreprise de musique. Combinée avec ses activités de sommelier, il parvient avec sa partenaire à boucler les fins de mois. Les deux estiment pouvoir s’en sortir et espèrent le rêve qu’ils caressent tous les deux devienne éventuellement une réalité. Vu d’un œil extérieur, cela semble bien parti et Les Herbes Chouettes entament leur seconde année sous des auspices favorables. 

  

 

 

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