Le mégaprojet de développement résidentiel et commercial de La Nation a reçu le feu vert des maires des Comtés unis, malgré le refus de l’administration et les inquiétudes quant à la capacité de l’infrastructure de la municipalité à soutenir la croissance.
Le conseil des Comtés unis de Prescott et Russell (CUPR) a voté à l’unanimité en faveur d’une résolution soumise par le maire de la municipalité de La Nation Francis Brière, en appui au projet du contracteur Brigil visant la création de 2 000 unités résidentielles et 10 220 mètres carrés (110 000 pieds carrés) d’espace commercial près du village de Limoges, lors de la réunion du 27 mars.
La résolution stipule que le conseil des CUPR s’engage à ne pas interjeter appel auprès du Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire si la modification de zonage est approuvée par le conseil de la municipalité de La Nation.
La maire de La Nation, Francis Brière, a argumenté que le projet Brigil suit la politique d’aménagement du territoire de la province de l’Ontario, et qu’il serait bénéfique pour faire baisser le cout des loyers dans la région entière. « Les prix des loyers dans la région sont élevés, a-t-il affirmé. Il y a des familles de classe moyenne qui ont de la misère. »
Il a ajouté que la réalisation du projet d’une valeur de 850 millions de dollars augmenterait les revenus d’impôts de 20 % à 25 % pour la municipalité de La Nation, ainsi qu’une augmentation importante pour les CUPR.
D’après M. Brière, Brigil s’est engagé à faire toutes les études nécessaires et à obtenir tous les permis nécessaires à la réalisation du projet, incluant une étude d’impact sur le transport. Brigil aurait aussi besoin de signer un accord de développement économique avec les CUPR et la municipalité de La Nation avant d’entamer toute construction.
L’administration mécontente de la décision
« Je suis en profond désaccord avec les arguments de M. Brière, a affirmé Louis Prévost, directeur du département d’urbanisme et de foresterie, lors de la réunion du conseil. C’est un nouveau village qu’on crée, sans aucune analyse ». Il a ajouté que le projet est maintenant devenu hautement politisé et qu’il en revient tout de même au conseil de décider.
Bien qu’en appui au projet, M. Zanth a demandé à M. Brière pourquoi Brigil ne pouvait pas fournir les études nécessaires avant le changement de zonage. M. Brière a répondu que Brigil voulait une garantie que le conseil des CUPR allait les soutenir, mais que Brigil était engagé à fournir toutes les études nécessaires.
Le président des Comtés unis Pierre Leroux a été le dernier à prendre parole sur le sujet avant que le conseil passe au vote.
« Je pense qu’ici, à cette table, nous devons nous demander, en tant qu’individus, si ce projet était proposé dans notre municipalité, je pense que nous serions tous d’accord pour dire que nous ferions probablement tous la même chose que le maire Brière. Je remercie M. Prévost pour son professionnalisme, mais comme il l’a mentionné plus tôt, il s’agit maintenant d’une décision politique. Donc, dans mon cas, je l’appuierai. »
Discussion du conseil
« C’est une position difficile, car nous sommes liés à un plan officiel que nous avons approuvé et que nous respectons, mais la province nous a également dit que nous devrions construire 1,5 million de logements dans la province d’ici 2031 », a déclaré le maire de Clarence-Rockland Mario Zanth, pour commencer la discussion. Il a ensuite ajouté qu’il appuie entièrement le projet.
Clarence-Rockland fournit actuellement à La Nation toute son eau potable par le biais d’un accord de système d’eau commun. Le projet Brigil, une fois construit, obligerait les deux municipalités à renégocier une augmentation considérable de la capacité journalière d’eau actuellement fournie à La Nation.
C’est le maire de Champlain, Normand Riopel, qui a posé le plus de questions. M. Riopel a commencé par exprimer son inconfort en ce qui a trait à la résolution du conseil empêchant le département d’urbanisme de faire une plainte au Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire.
Il a ensuite demandé pourquoi le projet Brigil n’avait pas été discuté avant l’adoption du plan officiel des Comtés unis par son conseil en septembre 2022. En effet, les Comtés unis de Prescott et Russell ont terminé en septembre 2022 un long processus de révision et de redistribution des désignations de lotissements. Ils ont redistribué du territoire désigné comme lot commercial et industriel des municipalités de Champlain et de Hawkesbury vers La Nation, pour favoriser la croissance. Le terrain sur lequel Brigil veut réaliser son projet est donc présentement désigné pour le commerce et l’industrie.
Brigil a d’ailleurs obtenu une approbation préliminaire pour un développement commercial et industriel en 2017 et a obtenu une prolongation de cette approbation préliminaire en 2023, d’après Louis Prévost, directeur du département d’urbanisme des CUPR. La Nation a envoyé l’avis de proposition de changement de zonage aux CUPR le 6 octobre 2023, pour changer la catégorie de zonage de la propriété de zone commerciale routière et de zone industrielle avec restrictions à une zone commerciale routière avec exceptions, afin de permettre une combinaison d’usages commerciaux de service et d’usages résidentiels de haute densité.
M. Brière a répondu qu’un nouveau conseil est arrivé au pouvoir après les dernières modifications du plan officiel et qu’il n’a donc pas pu présenter le projet Brigil avant l’arrivée de ce conseil.
M. Brière a ajouté que la pandémie de Covid 19 a changé bien des choses en ce qui concerne la demande de logement dans la région et que plusieurs familles veulent déménager à l’extérieur des grandes villes depuis 2022.
M. Riopel a aussi demandé pourquoi l’urbaniste de la municipalité de La Nation n’est pas venu présenter un rapport au conseil des CUPR. M. Brière a répondu que le département d’urbanisme de La Nation veut travailler en concert avec celui des CUPR et que la Nation n’émettra pas de permis à Brigil jusqu’à ce que « toutes ces choses-là soient complètes », sans préciser quels documents étaient nécessaires avant l’émission d’un permis.
M. Riopel a aussi demandé à M. Brière si le village de Limoges, comme il l’est au moment présent, court le risque de devenir un village fantôme. M. Brière a dit que le village de Limoges et le projet Brigil ne se trouvent qu’à un demi kilomètre l’un de l’autre. D’autres développeurs ont déjà exprimé leur désir de bâtir sur les terrains commerciaux qui séparent les deux communautés. Riopel a finalement demandé si Brigil va assumer les coûts des travaux routiers si une étude démontre qu’ils sont nécessaires. « La croissance paye pour la croissance », a répondu M. Brière. Cependant, M. Brière a affirmé que Brigil est prêt à payer les infrastructures pour l’eau et les égouts, nécessaires à la réalisation du projet, même avant qu’elle ne soit essentielle.
Détails du projet Brigil
Le projet Brigil présente une toute nouvelle communauté urbaine, près de la sortie 79 de l’autoroute 417, à environ un kilomètre du village de Limoges dans La Nation.
Le projet comprend dix immeubles d’appartements de quatre étages, soixante-douze maisons en rangée superposées, un immeuble de 10 étages, un immeuble de 12 étages, un immeuble de 18 étages, et deux immeubles de plus de 20 étages, avec les quatre premiers étages de plusieurs tours réservés à l’espace commercial. En tout, cette proposition vise l’ajout de 2 000 unités d’habitation. Le projet inclura aussi un parc public, une place urbaine, et un bassin de rétention.
Aucun représentant de Brigil n’a parlé à la rencontre pour discuter du projet.