Ils étaient environ une centaine de personnes arborant le coquelicot du souvenir venues se recueillir au Parc des Vétérans dans la rue Principale de Brownsburg-Chatham. Plusieurs portaient leur uniforme; sur leur poitrine, des rubans de couleurs et des médailles témoignaient de leurs actions courageuses accomplies au service de leur pays.
Pour ceux qui ont servi à l’étranger, le 11 novembre évoque des souvenirs difficiles. La caporal-chef Marie Godfrey-Labonté faisait partie des casques bleus de L’ONU lors de la mission qui a suivi le massacre au Rwanda.
Ces missions ont ceci de particulier, c’est que les soldats ne peuvent utiliser leurs armes que s’ils sont attaqués et qu’ils doivent se défendre. « Nous étions bien protégés par les soldats de l’armée régulière, dit-elle, mais l’ambiance était plutôt sinistre » Elle se rappelle l’état des lieux, la saleté et les ordures, les ossements humains qui pourrissaient dans les rues et l’anarchie omni présente. Elle constate que ses camarades qui ont connu les horreurs des guerres ont tendance à se taire. Ils refusent d’en parler parce que cela leur rappelle des images trop pénibles. Elle-même est revenue de ses neufs mois d’Afrique avec des symptômes de stress post traumatique (SPT); encore aujourd’hui, elle sursaute lorsqu’elle entend des bruits soudains, elle refuse de regarder des films de guerre et certaines odeurs lui soulèvent le cœur.
De son côté, le caporal Mathieu Sansoucy s’estime chanceux : de son séjour de quelques mois en Afghanistan en 2009 alors qu’il avait 22 ans, il est revenu indemne physiquement et psychologiquement. Il faisait partie du 2e bataillon rattaché au Royal 22e. Ils étaient quarante dans son unité. 39 sont revenus, un des leurs, Alex Péloquin de Brownsburg-Chatham a été tué par un engin artisanal alors que le peloton effectuait une patrouille chargée de débusquer et de neutraliser de telles armes. 24 ans plus tard, un autre membre de l’unité mourrait, victime du SPT, comme quoi le temps n’arrange pas toujours les choses. Pour le caporal Sansoucy, qui est toujours dans l’armée, le 11 novembre est une occasion de retrouver ses camarades et d’évoquer le souvenir d’Alex.
Pour sa part, Brian Le Breton a pris sa retraite après 20 ans de vie militaire. Des fronts, il en a connu plusieurs, notamment en ex-Yougoslavie où il a combattu à plusieurs reprises. Il a participé à des opérations secrètes de 70, 90 et 120 jours en Afghanistan où le travail consistait à observer sans se faire prendre. Stationné en Allemagne après la guerre, il dit y avoir perdu plus de camarades que durant les combats « officiels ». Pour lui, le 11 novembre est l’occasion de rappeler que la participation canadienne dans les différents conflits armés qui ont marqué le monde depuis la dernière guerre mondiale n’a pas été inutile. Un sentiment que partage Mathieu Sansoucy, « même si on y a laissé une partie de nous-mêmes. On revient changé, et pas tous au même niveau. L’entraînement qu’on nous fait subir ne nous apprend pas comment nous allons réagir en pleine action. » Autrement dit, la préparation des soldats au combat a ses limites. Les vraies balles qui entraînent des vraies blessures et des vrais morts ne font pas partie de l’entraînement.
Le 11 novembre rappelle le jour de la fin de la guerre de 39-44, mais partout dans le monde, cette date évoque pour tous ceux qui n’ont pas connu ce conflit toutes les autres guerres dont on parle peu, mais qui mènent des peuples entiers à la misère et au désespoir. Cela est particulièrement vrai cette année alors que le Moyen Orient et l’Europe de l’Est sont à feu été à sang, victimes d’engins tous plus meurtriers les uns que les autres.