C’est un projet de purs passionnés -trois frangins, des médecins, des entrepreneurs généraux, des directeurs d’usines- en fait sept grands amateurs de whisky qui ont acquis 30 hectares de terres cultivables à Mirabel, des terres jadis rétrocédées à la famille Jeté.
Cet ambitieux projet a pris naissance dans la tête et le cœur des comparses provenant de la grande région de Montréal alors qu’on leur propose cette terre aux qualités exceptionnelles, laquelle possède en prime une eau souterraine de renom. On veut y créer des spiritueux d’une qualité exceptionnelle. De la terre à la bouteille, on produira tout de A à Z pour contrôler toutes les étapes de production. Les investisseurs caressent même l’idée et l’espoir de créer l’un des premiers whiskys classiques écossais, un 1er single malt au Québec, un grand scotch. En s’inspirant des méthodes des Écossais et des Asiatiques qui ont plus de 400 ans d’expérience, ils feront vieillir leur whisky dans des barils déjà utilisés pour d’autres alcools tels du Bourbon, du Rhum, du Sherry Oloroso. Ces profils aromatiques seront la personnalité de la jeune Distillerie Côte des Saints de Mirabel, située sur la route du même nom. «Il y a de jeunes distilleries qui ont commencé au début des années 2000 et qui battent des Écossais et des Asiatiques dans des concours internationaux avec des whiskys de 4 à 5 ans d’âge. Donc, pas besoin d’avoir 30, 35, 40 ans pour avoir un grand whisky», dénote Michel Dubé, l’un des propriétaires, en charge des communications et médecin spécialiste à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.
Pour y arriver, ils ne lésinent sur rien. Dès les débuts en 2015, ils y investissent toute leur énergie et intègrent de multiples connaissances, dont celle de faire pousser et récolter de l’orge sur des terres fertiles, qui n’avaient jamais été cultivées. Ils s’entourent des meilleurs experts. Ils iront chercher une sommité comme distillateur, Matt Sterling, un américain de 40 ans de métier, qui les aidera à mettre tout en place. Deux ans pour trouver celui qu’il considère comme le mieux qualifié et 4 ans pour que ce dernier mette en place une équipe de 7 personnes formées selon ses exigences. Tout autant de temps pour faire venir par bateau un alambic écossais fait de 100% cuivre, l’une des pièces maîtresses qui impressionne tous les visiteurs. «Juste monter cette pièce prend quasiment des ingénieurs à temps plein! C’est vraiment compliqué à faire. Tout mettre cette structure en place de 2015 à 2019, fait en sorte qu’après 3 ans, on était capable de présenter nos premiers produits», explique-t-il.
Leur première vente se fait donc en 2019 en présentant leur premiers gin et liqueur aux visiteurs. Récipiendaire de 3 prix en 2021 pour leur premium Gin, la Distillerie Côte des Saints à Mirabel ne passe pas inaperçue, malgré les secousses de la Covid-19. Ayant à bord médecins et infirmières, le magnifique bâtiment aux couleurs des distilleries écossaises servira aussi à fabriquer du désinfectant à main (70%) alors en pénurie. Durant ce temps, l’orge continue de pousser et les barils vieilliront dans le chai au rythme des saisons.
«On n’avait pas besoin de vendre une bouteille demain matin pour vivre et pour manger, ce qui nous permettait d’attendre que le produit soit prêt, qu’il atteigne une belle maturité, avance celui qui avoue tout de même avoir minimisé l’ampleur du projet. Parce que si vous voulez faire un whisky régulier, c’est un peu moins compliqué. Mais si vous voulez faire quelque chose de plus recherché, ça vous prend le meilleur grain, la meilleure eau, le meilleur distillateur, les meilleurs barils possibles pour faire vieillir et les meilleures conditions de vieillissement dans le chai à baril. Vous ne le voyez pas, mais il y a 2300 barils qui vieillissent sur le bord de la 15!»
C’est 8 ans après le début du rêve que les premiers barils de whisky ont enfin atteint tout leur potentiel et ont été présentés lors d’une ouverture officielle en septembre dernier. Au cours de ce week-end, la Distillerie Côte des Saints présentait aux dignitaires et à 180 membres sur 1000 leurs 3 sortes de whiskys, des cuvées de prestige, identifié par un master blender qui provient d’Écosse. Ces cuvées provenant d’un seul baril auront permis d’embouteiller 450 bouteilles chacun; des bouteilles à 129$, 139$ et 148 $ qui ont trouvé preneur rapidement. La série Premium, avec 4500 bouteilles à 98$, avait été embouteillée un mois auparavant. «On s’est entouré de beaucoup d’expertise pour sortir un produit de qualité, autant en distillation qu’en dégustation pour savoir à la fin à combien on le sort et quand on le sort», souligne M. Dubé, qui précise que les prix sont établis selon un comité d’expert qui dégustent à l’aveugle et selon des équivalents internationaux.
Ces premiers barils d’exception, ils les auront réussis dès leur première cuvée. Le médecin tente d’expliquer en ricanant: «Ceux-là ont bien évolué. C’est comme les enfants, parfois on a 3 enfants qui ont été élevés de la même façon, mais ils n’évoluent pas tous de la même façon. Il y en a certains qui vieillissent mieux d’autres!» Mais l’effort était au rendez-vous tout au cours du processus.
Sa conjointe, Josée Langlois (une infirmière retraitée qui n’a pas peur du travail), m’a d’ailleurs permis de voir certains barils qui vieillissent au sous-sol. Elle me glisse au passage que le Distillerie se retrouve au registre du livre de la Reine Élizabeth II «Strive for perfection 2022-2023, The Official Platinum Jubilee Edition». Au début, dit-elle, ils ont cru à une blague. Qui a parlé d’eux? Ils n’en ont aucune idée. Mais ils y figurent avec le titre «Malt of the earth». Dans ce livre d’exception d’Angleterre, on ne rassemble rien de moins que les meilleurs entrepreneurs-artisans au monde dans leur champ d’expertise.
Découvrir la jeune histoire de la Distillerie Côte des Saints à Mirabel est marquant. «Les Jeté sont fiers de Côte des Saints. Ils nous amènent souvent des gens de la place et de la famille! On a un beau lien avec les gens de la place et c’est une belle aventure qui commence», ajoute M. Dubé. D’ailleurs, ils s’engagent activement à limiter leur empreinte écologique sur le territoire. Tous les déchets organiques sont remis gracieusement à des fermiers locaux, qui alimentent leur bétail avec ces aliments riches en protéines. Ils ont aussi un souci de la gestion de l’eau potable en évitant le gaspillage.
Une visite de l’endroit suivie d’une dégustation peut être effectuée sur rendez-vous. Elle permet de suivre et de comprendre toutes les étapes nécessaires à la création de leurs spiritueux d’exception. La prochaine cuvée de whisky sera embouteillée d’ici quelques semaines, juste à temps pour les fêtes… Des produits du terroir sous le sapin? Quelle idée!