Guillaume Marcoux et Ritchie Deraiche, des passionnés de développement immobilier, ont réfléchi à ce qu’ils voulaient léguer aux générations futures. Ils ont pris le temps de penser pour dénicher une idée, une idée carrément géniale: créer des espaces commémoratifs majestueux en pleine nature et régénérer une forêt autour de l’industrie funéraire. Voilà La forêt de la seconde vie, une première au Canada.
On dit que le nombre de décès dépassera celui des naissances au Québec d’ici 20 ans. Mais patauger dans le domaine des cimetières traditionnels en Amérique du Nord, c’est tout un défi, raconte le résident de Brownsburg-Chatham, Guillaume Marcoux. «On était tellement en dehors de la boîte et dans l’innovation, que lorsqu’on a fait notre plan d’affaires, qu’on a fouillé ce qui se faisait partout sur la planète, on ne rentrait pas dans une case. La loi au Québec sur les cimetières catholiques romains est assez archaïque!», raconte-t-il.
Les entrepreneurs, qui travaillent sur cet ambitieux projet depuis bientôt 4 ans, ont transformé le Club de golf New Glasgow de Sainte-Sophie en un premier cimetière accrédité comme producteur forestier permettant d’y disposer des cendres. «Chez nous, on veut reboiser et naturaliser l’ancien golf. On a géo localisée 7000 arbres à enraciner. Chez nous, on ne parle pas d’enterrement, on parle d’enracinement», dit celui qui a transformé son vocabulaire. Lors du processus de photosynthèse, l’arbre absorbe une moyenne de 25 kg de CO2 par an. Il compense grandement les émissions de gaz au bénéfice des générations futures. Cet héritage écoforestier permettra de capter annuellement près de 175 tonnes de carbone.
Avec 2,5 millions de pieds carrés, les visionnaires avaient l’opportunité de faire quelque chose de grand, un véritable espace commémoratif. La municipalité de Sainte-Sophie (dont le DG provient aussi de la région) est, pour l’instant, la seule municipalité qui a emboîté le pas et permet cette forme de cimetière écologique. Fort d’une expérience de 10 ans dans le monde municipal, Marcoux a réussi à le faire introduire dans le règlement de zonage. Puis ils ont obtenu l’accréditation du ministère de l’Environnement ainsi que reçu la lettre du ministre Dubé pour faire ce cimetière. La Forêt de la seconde vie a ouvert enfin ses portes le 7 août dernier. «Il était temps d’accoucher!», s’exclame-t-il! Les partenaires d’affaires y croient beaucoup. Ils y ont investi énormément de leur argent. «Ce n’est pas financé par quiconque autre que nous!, rappelle celui qui reçoit aujourd’hui des appels de la France pour expliquer des détails du projet novateur.
Selon les tendances démographiques, le cap symbolique des 100 000 décès annuels sera atteint en 2043 au Québec. L’industrie funéraire se prépare à accueillir une clientèle croissante. Ce géographe de formation a plusieurs cordes à son arc, de l’aménagement urbain au développement des territoires à la gestion de ressources humaines. «La forêt de la Seconde Vie constitue un legs générationnel inestimable. En tant que pères de jeunes enfants, c’est une façon unique pour nous de protéger et de créer des forêts, exprime-t-il. Je pense qu’avec le recul, on se dit qu’on a réalisé quelque chose qui est beaucoup plus grand que nous! La vraie alternative écologique dans le monde funéraire parle à beaucoup de gens et en inspire énormément.»
Marcoux travaille depuis le début avec son ancien patron André Goulet, aujourd’hui à l’Institut des territoires, qui assurera la servitude de protection et de conservation de la forêt à perpétuité. Un fond est même créé pour s’assurer de sa conservation à travers le temps par Philanthropie Laurentides. «Ça veut dire qu’on est responsable !», lance celui rejoint au Congrès des thanatologues du Québec à Charlevoix.
Développé en collaboration avec des ingénieurs forestiers, les 5 zones forestières de la Forêt de la Seconde Vie présente chacune 5 essences d’arbres minutieusement choisies en fonction des caractéristiques de la zone (type de sol, localisation, ensoleillement, etc.), mais également en lien avec la symbolique se rattachant à la personnalité et aux croyances des personnes qui y seront inhumées. «On nous dit, j’aurais toujours voulu être un arbre, mais je ne sais pas comment. Nous, on offre le site pour ça!»
Planter un arbre significatif sur le terrain de la maison familiale est toujours un risque, prévient-il. La maison pourrait être vendue et l’arbre coupé par les nouveaux propriétaires. Les amoureux de la nature trouvent dans la Forêt de la seconde vie un endroit de réconfort et de recueillement exclusif, qui sera protégé dans le temps. «Les gens se sentent envahis par la nature et la beauté du site chaque fois qu’ils viennent visiter la place! Les gens nous disent merci!», dit-il avec émotion.
C’est le Salon funéraire Rolland Ménard à Lachute qui a été l’un des premiers partenaires essentiels à croire au projet des deux associés. Aujourd’hui, la forêt de la Seconde Vie collabore étroitement avec plusieurs professionnels des différentes entreprises de services funéraires du Québec pour tout ce qui concerne la crémation, la planification et les préarrangements. L’endroit demeure un cimetière, mais aussi un milieu de vie pour construire des souvenirs en famille. C’est ainsi que l’arbre de vie peut être planté de son vivant pour contribuer à la diminution de sa propre empreinte écologique. Un arbre de vie dans une concession permettra 8 inhumations tout autour. Forêt nourricière ou forêt des aulnes, on choisit l’essence d’arbre de notre arbre de vie. Cet espace constitue une destination calme et apaisante pour vivre ses émotions.
Puis, s’ajoute une application interactive permettant de commémorer la mémoire des proches. Cette application novatrice, en plus de favoriser le repérage de l’endroit, permet de découvrir au pied de chaque arbre un coffre virtuel 3D contenant une banque de souvenirs et de réflexions (photos, vidéos, etc.) de celui ou celle qui y repose.
Plusieurs collaborateurs participent au projet, comme de l’accompagnement au deuil et de la planification des célébrations de la vie avec Totem, Table forêt Laurentides, Deuil-Jeunesse, Muna et Caltha. D’ailleurs, des chercheurs de l’Université de Montréal s’intéressent vivement au projet.
Puis, on a aussi pensé à l’animal de compagnie. Au pied de leur arbre de vie, il sera possible d’enterrer les cendres de l’animal de compagnie, un membre actif de la famille des années 2000. Mais c’est la prairie de la biodiversité, qui laisse entrevoir la créativité sans limite de l’équipe. «C’est une prairie que l’on va créer au printemps prochain. Les gens seront invités à mélanger les cendres de pitous ou minous à des graines de prairie rustique du Québec. Ils pourront disperser les cendres et aider la création de cette prairie de la biodiversité avec les écosystèmes qui seront générés tout autour.»
Afin qu’aucune matière néfaste pour l’environnement ne soit enterrée dans le sol lors de l’inhumation, la forêt de la Seconde Vie offre des urnes non polluantes à ses partenaires funéraires. Il est aussi possible de mettre les cendres en terre sans urne.
Définitivement, l’espoir d’un monde nouveau existe et le duo est épique!