Scott Pearce a d’abord gagné la confiance des citoyens de Gore pour qui il dirige le canton depuis bientôt 20 ans. Puis, dans l’espoir de pouvoir discuter d’un règlement sur l’un des lacs à moteur de sa municipalité -juridiction fédérale-, il s’implique dans la Fédération canadienne des municipalités (FCM) moins de 4 ans après son élection. Cette organisation, qui réunit des élus municipaux «across the country», manquait cruellement de représentants du bas Canada. Il est tombé en amour avec l’organisation.
Canadien dans l’âme, québécois dans le cœur, cet anglophone provenant de la banlieue de Montréal, qui s’exprime avec un léger accent dans la langue de Molière, voulait donner une voix à sa municipalité et un pouvoir à toutes celles du Québec. Préfet de la MRC d’Argenteuil depuis 2014, cet ancien tenancier de bar a convaincu plus de 120 municipalités du Québec à devenir membres de la FCM. Il a tissé des liens autant entre les francophones du Québec qu’avec tous les élus du reste du Canada, de la Nouvelle-Écosse à la Colombie-Britannique, pour devenir le porteur des besoins des banlieues et des régions rurales numéro 1.
Scott Pearce a été élu président de la FCM par ses pairs en juin dernier au sein d’un organisme fort et en santé. «J’ai toujours réussi à rassembler les maires du Canada autour de beaux projets!, avance celui qui est aussi représentant des municipalités bilingues du Québec. Charlie Clark, le maire de Saskatoon, a fait une entrevue et a dit: Scott, tu es une rock star municipale. Merci pour tout ce que tu fais pour nous et nos municipalités. C’est un maire d’une grande ville, ce n’est pas rien! C’est bon de recevoir ce style d’encouragements.»
Cet homme, qui n’aimait pas les bancs d’école, a littéralement gagné sa place dans l’organisation, non pas parce qu’il serait un fin renard, mais bien parce qu’il porte l’amour et le respect du travail de chacun, qu’il est un homme d’action, de solutions constructives et qu’il est un acteur de changement. En moins de temps qu’il n’en faut, lors de sa première élection, il fait construire un parc pour les enfants et les adolescents de sa municipalité rurale et réussi même à y établir un CPE. D’ailleurs, dans ses brefs moments de découragements, on peut le retrouver sur ses patins sur cette patinoire. Il retrouve son sourire à l’instant.
Scott Pearce a reçu la médaille du Jubilée du diamant de la Reine Elisabeth II pour son implication auprès des municipalités canadiennes. Prêt à répondre à son téléphone en pleine nuit pour aider un concitoyen, un collègue ou un ami (les citoyens ont tous son numéro personnel), on peut considérer son investissement comme une véritable dévotion.
L’importance du FCM
Lors de ses débuts avec l’organisation, le FCM a convaincu le gouvernement fédéral de créer un fonds pour les municipalités pour atténuer les effets pervers des gros programmes fédéraux, «qui ne sont pas faits pour les plus petites municipalités», dit-il. Le maire souligne qu’il peut coûter près de 200 000 dollars juste en analyse de toutes sortes pour déposer un projet. «Si je suis refusé, c’est de l’argent perdu pour mes contribuables. Donc, on ne s’essayait même pas. Avec ce Fonds, c’est de l’argent qui vient directement chez nous.»
Le programme de taxes d’essence du Canada est transformé en Fonds pour le développement des collectivités du Canada (FDCC). «La beauté de ce programme est qu’il est très large, souligne le président du comité sur les finances et d’audit de la FCM. Les municipalités, ce sont des gouvernements de proximité. On connaît nos besoins locaux. Il nous donne l’argent, on fait la reddition de compte et le gouvernement voit que c’est bien investi!»
Pour notre MRC, ces fonds représentent plus de 2,2 millions à investir annuellement, dont pour des projets d’infrastructures. Durant la pandémie, Argenteuil a reçu plus de 4,4 millions par année, puisque le fonds a été doublé durant deux ans. «Ce sont de gros sous pour des petites municipalités comme nous!», renchérit celui qui affirme que tout se décide là! Bien que le conseil négocie pour toutes les municipalités, peu importe s’ils sont membres, il affirme l’importance de la proximité avec le pouvoir. «J’ai beaucoup de succès dans mes échanges avec les ministres pour les convaincre des besoins», avance-t-il, sans prétention. D’ailleurs, la FCM demande une augmentation de ce compte à 4,4 milliards par année ainsi qu’une indexation de 3,5% dans sa liste de recommandations.
Il a apporté plusieurs résolutions appuyées unanimement par le conseil d’administration et transposées dans les politiques de la FCM. Le maire de Lachute, Bernard Bigras-Denis, a joint les rangs de l’organisation l’an dernier, ce qui lui donnera à lui aussi l’occasion de débattre et de voter sur les orientations. On aspire, très bientôt, à de gros sous, près de 900 000 dollars, pour exécuter les travaux de la future bibliothèque entrepris dans l’église Christ Church de la rue principale voilà près de 15 ans. Pearce y voit plus qu’une bibliothèque, il rêve d’une maison de la culture; mais laisse le conseil lachutois déterminer la vocation. C’est une question de respect. Le travail d’équipe et la bienveillance font partie de ses forces.
Son équipe municipale à Gore -pour qui il n’a que de bons mots- a notamment développé un programme de prêt pour aider les propriétaires moins nantis à changer leurs fosses septiques (écoprêt), un programme copié aujourd’hui par plusieurs municipalités. En collaboration avec la Ville de Lachute, ils ont aussi veillé à protéger une terre et ainsi donné accès à un lac de 2 km de long et à des sentiers pédestres sur 300 Ha à tous les citoyens, le parc nature du Lac Beattie. Un programme pour diminuer les gaz à effets de serre et améliorer les maisons énergivores en collaboration avec 76 municipalités des Laurentides est en route. Ce programme permettra des prêts et des subventions pour la rénovation de maisons pour les propriétaires moins nantis.
Lors de son élection à la présidence en juin dernier, Pearce a livré un discours senti et émotif faisant du travail de l’élu une priorité. «Mon but cette année est de valoriser les élus municipaux. Il y a peut-être un élu sur 1000 qui a un pet de cerveau dans les statistiques. Mais la majorité du monde sont des gens qui travaillent très très forts pour leur communauté et améliorer leur qualité de vie. Je connais des élus qui sont partout.» En plus d’être conseiller, ils peuvent être un capitaine des pompiers, président de conseil d’administration et siéger sur des tables d’organismes communautaires pour moins de 700$ par mois! «Ils ne le font pas pour l’argent. Ce sont des gens qui croient au monde municipal!» Avec les effets pervers des réseaux sociaux des «keybord warriors», comme il s’amuse à les prénommer, trop d’élus quittent leur poste avant la fin de leur mandat. «Une pression non nécessaire», indique-t-il. Il y a ceux qui critiquent, ceux qui conseillent et a ceux qui font; clairement, il fait partie de la dernière catégorie.
Bien que les élus municipaux soient courageux, le FCM crie tout de même à davantage du support. «Aujourd’hui, les municipalités gèrent 60% des infrastructures au Canada avec 10 sous sur le dollar. Ça ne peut pas continuer de même. Les municipalités vont faire faillite!», s’insurge-t-il. Les membres de la FCM établissent les priorités stratégiques qui reflètent les préoccupations des gouvernements municipaux et des membres affiliés, sans égard aux partis fédéraux. Ils ne doivent pas être partisans d’aucun parti fédéral. Ils se réunissent trimestriellement pour établir les orientations à l’égard des principaux enjeux municipaux nationaux, parfois avec la technologie, parfois en présentiel. Ces recommandations sont ensuite transmises au Conseil national d’administration, qui les examine et les adopte.
Les représentants de partout au Canada aspirent à un nouveau cadre de croissance municipal qui allierait mieux les ressources locales aux dynamiques nationales, telles que la croissance démographique et économique. À titre d’exemple, les Laurentides doublent de population durant la période estivale, tout comme Gore. Encore davantage depuis la venue du télétravail, les saisonniers consernent leur adresse Montréalaise mais vivent souvent ici plus souvent, a-t-il remarqué. Mais les sous ne suivent pas, comme dans les hôpitaux et la construction de logements abordables.
Président de la Commission permanente sur l’environnement et de la lutte aux changements climatiques de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), Scott Pearce a un amour pour la nature qui se reflète aussi fortement dans son travail. Marié à la députée d’Argenteuil, biologiste de formation, il forme un couple pro-environnement, un sujet qui n’a pas toujours la cote auprès des grandes instances et du milieu des affaires. M. Pearce défend avec ardeur tous les styles de région diversifiée par ses vocations rurale, agricole, forestière, de villégiature et urbaine. Il comprend très bien que chaque municipalité, quelle que soit sa taille, a des problématiques importantes et différentes, qui doivent être défendues à la FCM et porter jusqu’aux oreilles du gouvernement canadien.
Scott Pearce s’accorde parfois un temps de repos pour taquiner le poisson sur un lac au nord de Mont-Laurier, un chalet sans wifi. Malgré les quelques jours de vacances, tous les jours, il gravit la montagne pour aller lire ses messages. C’est ici, au sommet de cette montagne, qu’il m’accordera une entrevue le lundi suivant. Il n’est pas surprenant que Pearce soit récipiendaire du prix Jean-Marie-Moreau 2021, remis par la Fédération québécoise des municipalités en reconnaissance de son engagement envers sa communauté, son leadership et son dynamisme. «Quand il n’y a personne pour déneiger et pour ramasser les vidanges, le monde capote. C’est nous qui a l’impact le plus grand sur la qualité de vie du citoyen, rappelle-t-il. Je suis très transparent. Je vais toujours dire les vraies choses, même si les citoyens n’aiment pas. Je prends le temps d’expliquer et je vais rester jusqu’à 10 heures au conseil pour répondre aux questions s’il le faut. J’appelle ça le courage d’expliquer les choses et de travailler pour l’ensemble de la communauté. La journée que je travaillerai juste pour sortir le vote, je ne me représenterai plus!»