Mot de la rédactrice :
Tranquillement, la culpabilité s’efface, et même les travailleurs natifs d’Argenteuil pensent à voler vers un nid plus douillet. C’est que l’hôpital d’Argenteuil – celui qui porte le nom de Centre multiservices d’Argenteuil aux yeux du service des communications du CISSS des Laurentides, manque cruellement d’amour… et d’argent.
Le maire de Lachute, Bernard Bigras-Denis, publiait une lettre à M. Christian Dubé sur les réseaux sociaux mercredi dernier en faveur du maintien et du retour de services ici à Lachute. «J’étais folle à marde!», s’exclame une travailleuse du milieu qui tient à conserver son anonymat. Parce que dire tout haut, ce que tout le monde chuchote tout bas pourrait lui faire risquer de perdre son emploi. Même si la pénurie de main-d’œuvre est grande, on protège nos arrières -et ceux de nos parents- qui vivent dans ce système dans lequel il ne faut surtout pas tomber juste assez malade. Parce que comme le disait le candidat du PCQ dans Argenteuil, le Dr Karim Elayoubi, au Québec, on est A1 pour les urgences, les services de première ligne. De moins en moins vrai dans Argenteuil. La population explose, elle est vieillissante et vulnérable –le salaire moyen oscille autour du 39 000$- et il y a de plus en plus de familles sous le seuil de la pauvreté.
Qu’en est-il de la santé? Argenteuil a perdu son unique psychiatre pour enfants partie pour une retraite méritée, mais jamais remplacée; son seul pédiatre a quitté pour la banlieue de l’autoroute 15. Toujours, sous le couvert de l’anonymat, on nous répète «Les médecins veulent venir travailler ici, mais pas avec ces vieux équipements et ces services.» Les demandes au Centre de pédiatrie sociale explosent.
Le mois dernier, on annonçait la fermeture du service de radiologie de nuit pour un projet-pilote d’un mois. C’est la goutte qui a fait déborder le vase. Des médecins se sont levés pour créer un comité Sauvons notre hôpital. Il y a bien eu des bris de service en décembre, janvier et février, mais là, c’est un simple courriel qui annonçait à ce qui reste de l‘équipe : «last call, dernier service, on ferme ce soir pour un mois».
Voilà à peine 20 ans, il y avait environ 5, voir 6 technologues à l’Hôpital d’Argenteuil. Quelques départs à la retraite et aucun affichage de poste ont fait en sorte que l’équipe devient de plus en plus petite. On ne remplace pas. Aujourd’hui, elles sont 2 à temps plein et 2 à temps partiel (imaginez le roulement de personnel). L’ambiance de travail est telle que personne n’applique sur les postes affichés depuis la sortie de la fermeture du service de radiologie pour un mois dans les médias. Mais encore plus que ça, ce sont les équipements qui font défaut. Il n’y a plus de coordination, le personnel se blesse, les photos ne sont pas belles, il faut refaire des radiations sur des personnes humaines. «Tout ce qui radie demeure», s’insurge les travailleurs. Le CISSS a bien acheté aux frais des contribuables un nouvel appareil qui traîne en quelque part, mais il faut rénover la pièce et il manque d’argent.
Ce ne serait donc pas que le manque de personnel. On parle de conditions pour bien exécuter le travail. On parle aussi d’un chiffre de garde obligatoire de nuit (on appelle la radiologiste en plein cœur de nuit, une, deux, on a même vu trois fois) pour venir effectuer le travail, travail qu’elle reprendra à 8h le lendemain, faute de personnel pour la remplacer.
Un métier qui n’est, dit-on, pas tant valorisé. On dit d’eux qu’ils ne font que peser sur des pitons. La technique offerte au Collège Ahunstic dure pourtant 3 ans. On y apprend tout le corps humain. En sortant des bancs d’école, les technologues gagnent 24,37 l’heure, soit environ 44 000$ par année. De plus, ils doivent assumer plus de responsabilités comme maintenant lire seul, une responsabilité jadis réservé au bachelier en radiologie. À Lachute, le médecin s’y présente 3 fois par semaine. Jadis, ils étaient deux. C’est à peine si on leur fournit une agente administrative pour accueillir les patients. Les technologues doivent faire avec un vieil appareil, dont l’Hôpital Ste-Justine s’est débarrassé.
Tour d’ivoire
On dit que depuis la fusion en CISSS, cadeau de la réforme de M. Gaétan Barrette, rien de va plus à l’Hôpital de Lachute. Il n’y a plus de directeurs. Même pour obtenir des renseignements sur la paye, on se retrouve dans les 12 travaux d’Astérix. Avant, on pouvait aller cogner au bureau d’une agente administrative au 2e étage. Aujourd’hui, c’est à coup de courriels et de mot de passe qu’on gère les ressources humaines, des ressources qui portent un numéro d’identification.
Le CISSS a fait parvenir un communiqué jeudi dernier: «Bien que nous aurions préféré ne pas avoir à réduire temporairement les heures de service, cette décision s’est avérée nécessaire afin d’atteindre nos standards de qualité et de sécurité des soins. Avec les récents développements en termes de planification de nos ressources humaines, nous sommes confiants de pouvoir parvenir à atteindre cette date du 15 juin, à moins d’un changement majeurs hors de notre contrôle d’ici là.» Une travailleuse à temps complet applique sur un poste à Saint-Jérôme et nous voilà avec un changement majeur hors de contrôle. «Toutefois, notre réel objectif demeure d’assurer la pérennité de ce service, tout comme l’ensemble des services d’Argenteuil», indique la directrice-générale Rosemonde Landry, dont le contrat a été prolongé jusqu’en novembre prochain.
L’ensemble des services dans Argenteuil, c’est la fin des échographies cardiaques, la fin du programme Agir santé -qui faisait la gestion de plusieurs maladies chroniques-, la fin de la clinique du diabète, la fin des MPOM, tous partis vers Saint-Jérôme. Lorsqu’on a retiré le programme implanté par Pascale Bellemare, un programme qui, dit-on, fonctionnait à merveille, on aurait mentionné qu’on voulait uniformiser les services partout…
Alors que le gouvernement parle de soins à domiciles, on estime que des soins centralisés à plusieurs kilomètres des résidences de personnes âgées d’ici vers St-Jérôme et St-Eustache est littéralement de les abandonner. Surtout qu’elles sont moins mobiles (stationnements éloignés), ont tendance à se perdre et à oublier et ont, souvent, un plus mince portefeuille. Pendant ce temps-là, l’Hôpital de Hawkesbury en Ontario baigne dans les surplus, grâce à notre argent.