Le Protecteur : l’héritage de Gilles Lupien

Par Francis Legault
Le Protecteur : l’héritage de Gilles Lupien
Le journaliste sportif Martin Leclerc a eu la chance de s'entretenir avec Gilles Lupien peu de temps avant son décès. L’auteur s’est dit choyé d’avoir pu recueillir ses confidences avant qu’il ne passe l’arme à gauche. (Photo Francis Legault, EAP)

Son rôle avec le Canadien de Montréal était notamment de protéger Guy Lafleur. Son rôle lorsqu’il est devenu agent de joueur était de défendre l’intérêt de ses clients mais aussi de tous les jeunes hockeyeurs. Gilles Lupien aura laissé sa marque dans le monde du hockey de différentes façons et c’est ce que raconte sa biographie Le Protecteur – La fascinante histoire de Gilles Lupien, lancée le 30 octobre dernier à l’aréna qui porte son nom, à Brownsburg-Chatham.

C’est à l’invitation de la municipalité que les éditions Hurtubise ont tenu un premier lancement du Protecteur dans la ville natale de Gilles Lupien (un second lancement a eu lieu à Montréal). Qui plus est, ce lancement a eu lieu à l’aréna qui porte son nom depuis 1985. La Ville de Brownsburg-Chatham en a d’ailleurs profité pour faire une mise à jour de l’état d’avancement des travaux de rénovation de l’endroit (voir autre texte).

C’est le journaliste sportif Martin Leclerc qui signe Le Protecteur, lui qui a déjà publié les biographies d’Éric Gagné et de Daniel Brière. Il entretenait déjà une relation professionnelle avec Lupien, le contactant à l’occasion concernant certains dossiers de hockey. Mais au printemps 2021, lorsqu’il a été de notoriété publique que les jours de l’ancien joueur étaient comptés, Leclerc lui a envoyé un message d’encouragement qui a mené à une discussion entre les deux hommes. Après consultations avec ses proches et certains de ses anciens clients, Lupien a accepté qu’une biographie soit publiée.

« C’était très émouvant, j’ai passé les derniers mois de sa vie à le suivre, raconte l’auteur. Faire des entrevues avec quelqu’un, c’est une chose mais faire des entrevues avec quelqu’un qui sait qu’il ne sera plus là lorsque ce sera publié, c’est une expérience extraordinaire. J’ai été touché par cette confiance. »

Fier de ses racines

Né en 1954, Gilles Lupien a connu une courte carrière de cinq ans dans la Ligue nationale de hockey avec les Canadiens de Montréal, les Penguins de Pittsburgh et les Whalers de Hartford, remportant au passage deux Coupes Stanley avec la Sainte-Flanelle en 1978 et 1979. À 6 pieds et 6 pouces, il était reconnu pour ne pas avoir peur de se porter à la défense de ses coéquipiers.

Après sa retraite en tant que joueur, celui que l’on surnommait «Loupie» a touché à différentes carrières, de restaurateur (il a eu un Dunkin’ Donuts à Montréal) à propriétaire d’une franchise de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, les Chevaliers de Longueuil.

Mais c’est surtout comme agent de joueurs qu’il s’est fait connaître. Accrédité par l’Association des joueurs de la LNH en 1996, il a notamment représenté Roberto Luongo, Martin Brodeur et Enrico Ciccone, aujourd’hui député à Québec, au cours des années. Il a aussi été l’agent d’un autre joueur originaire d’Argenteuil, Denis Hamel.

Malheureusement, un cancer généralisé a mis un terme prématuré à la vie de Lupien en mai 2021. Il avait 67 ans.

Lors du lancement du Protecteur, Martin Leclerc a rappelé combien Lupien était fier de l’endroit où il avait grandi. « Lors de mes entrevues avec Gilles, il m’a beaucoup parlé de son enfance à Brownsburg, de ce qu’il y a appris, raconte l’auteur. Il m’a raconté le moment où la ville avait donné son nom à l’aréna. Je trouve ça touchant d’être ici. C’est une délicate attention de la ville de vouloir souligner le lancement de ce livre. »

Kévin Maurice, maire de Brownsburg-Chatham, a pour sa part indiqué que pour la municipalité, Gilles Lupien incarnait la détermination, l’intégrité et surtout l’humilité.

« [Ce lancement] est l’occasion de rendre hommage a un athlète qui a non seulement brillé sur la glace mais qui a aussi su marquer profondément notre communauté par ses valeurs et son intégrité, dit-il. Gilles Lupien était plus qu’un joueur de hockey : c’était un homme de cœur, d’une droiture exemplaire qui a toujours défendu ses convictions avec force et passion. »

Protéger les joueurs

L’ironie de la carrière de hockeyeur de Lupien était qu’on voulait qu’il se batte pour protéger ses coéquipiers. Or, il détestait lui-même la bagarre : lorsqu’il est devenu agent de joueurs, il a longuement milité pour que les combats sur glace disparaissent du monde du hockey. Il n’a pas eu peur de dénoncer d’autres situations où il croyait que l’intérêt des joueurs était compromise, se basant parfois sur ses propres expériences comme hockeyeur.

« Gilles, c’était un peu le chef de l’opposition dans la culture du hockey au Québec, illustre Martin Leclerc. Il se prononçait contre les bagarres, il dénonçait que les hockeyeurs juniors ne pouvaient pas étudier suffisamment, il s’était prononcé contre l’utilisation des drogues de performance au hockey junior tout comme les initiations… »

Selon le journaliste, Lupien a aussi apporté plusieurs innovations au métier d’agent de joueurs. Il aurait ainsi été le premier à utiliser l’informatique pour comparer des joueurs lorsque venait le temps de négocier des contrats. Il a aussi changé les contrats liant les joueurs à leurs agents pour qu’ils soient plus faciles de s’en libérer.

« Gilles est un personnage extraordinaire, dit-il. C’est quelqu’un qui a mené sa vie sans jamais faire de compromis sur ses valeurs, ce qui a fait en sorte qu’il a connu un parcours de vie unique. C’est devenu un personnage extrêmement important dans l’histoire du hockey du Québec. »

D’ailleurs, le plus grand leg de Gilles Lupien selon Martin Leclerc aura sans doute été d’avoir milité pendant de nombreuses décennies pour que cessent les bagarres au hockey junior. C’est ce militantisme qui a sensibilisé de nombreux intervenants du monde du hockey et qui a finalement mené à l’abolition des bagarres dans la Ligue de hockey junior Québec-Maritime l’an dernier.

« Il disait que la violence et l’intimidation, je sais ce que c’est : je les ai subies et je les ai pratiquées et que ça n’avait pas d’allure qu’on laisse nos enfants se battre sur la glace, raconte l’auteur. Malheureusement, sa plus grande victoire, il ne l’aura pas vue de son vivant et je trouve ça triste. Il a contribué à changer la culture du hockey à sa façon. »

Héritage vivant

Érik Lupien, le fils de Gilles, était présent au lancement du Protecteur dans l’aréna portant le nom de son père. Il dit avoir aimé le portrait qui est dressé dans la biographie de son paternel.

« C’est super bien écrit. J’ai reconnu mon père, Martin l’a fait revivre, raconte-t-il. Ma femme et moi, on a eu l’occasion de lire le livre et après l’avoir lu, on pleurait. Je suis vraiment reconnaissant. »

Très proche de son père, il a d’ailleurs repris son agence de joueurs. Il indique vouloir défendre les mêmes intérêts que son père défendait auprès des joueurs et du monde du hockey en général.

« J’essaie d’être la voix des jeunes qui ont parfois de la difficulté dans le monde du hockey, indique-t-il. Mon père était à l’écoute et il défendait sa justice à lui, ce qui faisait du sens pour lui. C’est comme ça que je veux qu’on me perçoit. Les joueurs que je représente aujourd’hui vont me voir dans ce livre-là car on défend la même idéologie mon père et moi. »

Le Protecteur – La fascinante histoire de Gilles Lupien de Martin Leclerc est disponible dans toutes les bonnes librairies.

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