Deux femmes au Centre d’Art

François Jobin
Deux femmes au Centre d’Art
Marilyse Goulet dans son atelier. (Photo : Lucien Lisabelle)

Du 23 mars au 5 mai, Le Centre d’art d’Argenteuil présente une double exposition : En attendant le printemps de Marilyse Goulet et Devant la table de Céline Landry. 

Différentes tant dans leur démarche que dans le choix des matériaux et des techniques, les deux artistes possèdent pourtant d’indéniables liens de parenté. Elles puisent toutes les deux leur inspiration dans le monde qui les entoure qu’elles observent avec attention. La nature et la nourriture sont des thèmes que les deux artistes ont explorés et exploités.  

La nature, Céline Landry s’en est inspirée lors de sa dernière exposition au Centre d’art l’année dernière avec ses céramiques/sculptures débordantes de sensualité. On y retrouvait notamment des urnes aux couleurs inhabituelles en poterie qui renfermaient des artefacts rappelant des moments importants de la vie de l’artiste; il y avait aussi une série de cypripèdes (sabots de la vierge) qui renvoyaient  à des sexes humains.  

Devant la table

Cette fois, avec Devant la table, Céline explore un univers peu ou pas abordé en art : le repas social comme facteur d’exclusion.

L’œuvre consiste en une table chargée de plats tous plus appétissants les uns que les autres, réalisés de manière hyperréaliste en porcelaine; derrière cette table, une femme au visage émacié qui croise les bras dans une attitude de repli sur soi. Son regard fuyant semble néanmoins attiré par cette abondance à laquelle elle n’a pas droit. On y verra une métaphore de la faim qui affecte une partie croissante de la population dans notre société d’abondance.

« Cet enjeu plutôt tabou est rarement exposé au public puisqu’il touche des personnes marginalisées osant rarement prendre la parole » écrit Céline Landry dans son texte de présentation. Il s’agit d’une image forte qui traduit une réalité de plus en plus actuelle alors que les banques alimentaires n’arrivent plus à satisfaire à la demande et que le prix des aliments ne cesse d’augmenter.

En attendant le printemps.

Marilyse Goulet est une boule d’énergie qui affectionne les vêtements de couleur vive. Certains la disent excentrique. Elle assume. Cette femme exubérante a pourtant choisi pour dire sa vision du monde des moyens qui exigent non seulement du savoir-faire mais du temps, de la patience et de la précision dans le geste : la gravure.

Marilyse Goulet a déjà accordé dans son œuvre une place importante aux aliments. Elle leur a consacré trois expositions respectivement intitulées « Manger nomade » qui explorait les habitudes alimentaires à travers le monde, « Pique-nique », une célébration de la boîte à lunch et « Sucreries et mignardises » dédiée à ces bouchées qu’on déguste le petit doigt en l’air.

L’exposition qu’elle présente au Centre d’art d’Argenteuil concerne plutôt la nature. Intitulée « En attendant le printemps » cette prestation est un avatar de « Micro-macro, impressions phytologiques » consacrées à la vie végétale et qui roule un peu partout au Québec depuis l’été 2022. « C’est une œuvre en mouvement, dit Marilyse Goulet, une œuvre qui s’adapte au lieu dans lequel elle est présentée. »

Parrainée par une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), elle a été présentée dans une demi-douzaine de lieux d’exposition. Véritable « work in progress », l’exposition comporte dans chaque nouveau lieu des ajouts qui la rendent unique, pour ainsi dire. C’est ainsi qu’en Argenteuil, l’exposition sera accompagnée d’une vidéo d’art inédite que l’artiste a réalisée pour appuyer son discours botanique.

Revenons-en au lien de parenté qui réunit les deux artistes. Toutes les deux s’inscrivent dans une démarche thématique spécifique qui, à la différence des récentes expositions présentées au Centre d’art d’Argenteuil, permet aux visiteurs de se frotter au sens qui sous-tend les œuvres. Terre cuite et porcelaine pour Céline Landry, gravure et dessin pour Marilyse Goulet sont les outils au service d’un propos qui se situe au centre de la démarche. Ce propos peut être la dénonciation d’un phénomène social ou, au contraire, la célébration d’un aspect de la vie.

Dans les deux cas, les artistes invitent les visiteurs à examiner une réalité qui leur est somme toute assez familière d’un point de vue différent, prise de conscience et à la réflexion. Cela a pour conséquence de rafraîchir l’idée qu’on se fait de la réalité.

Le public est invité au vernissage de l’exposition ce samedi, 23 mars et se poursuivra jusqu’au 5 mai au Centre d’art d’Argenteuil, au 585 de la rue Principale à Lachute.

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