Requiem pour le Long’Sôh

François Jobin
Requiem pour le Long’Sôh
Denis Pelland et Maude, la mascotte du Long’Sôh. (Photo : François Jobin)

Le 27 avril, à Saint-André d’Argenteuil, on annonce la fin de ce qui aurait pu devenir un fleuron de cette municipalité d’Argenteuil, le Long’Soh. Prière de ne pas envoyer de fleurs. 

Après cinq années d’opérations, le Long’Sôh – ex Pub Sir John Abbott – ferme ses portes. Pour cause de non renouvellement de bail. Selon nos sources, la propriétaire de l’immeuble veut changer sa vocation; il est question d’appartements locatifs à court terme, mais rien n’est encore officiel. Peu importe. Le sort du Long’Sôh arrêté. 

Denis Pelland, le fondateur du restaurant a bien essayé de déménager ses pénates, mais ailleurs, les loyers sont astronomiques. Du moins pour un établissement comme le sien, c’est à dire avec des heures d’ouverture particulières, du jeudi au samedi à compter de 5h. Administrateur en restauration et enseignant, mais passionné de cuisine, M. Pelland a toujours dit que rien ne l’intéressait moins que d’acquérir son propre restaurant. Les heures sont longues, 7 jours sur 7, trois cent soixante-cinq jours par année, qualité de vie, zéro. Bref, un métier crève-cœur. 

Ouvert il y a cinq ans pour célébrer l’anniversaire de sa douce, Évelyne, M. Pelland voulait également faire une expérience : offrir un débouché aux producteurs locaux. Il a donc loué le local de l’ancien resto de la Marina pour deux fois quatre jours en 2018. Dans les à peu près du même temps, l’immeuble est vendu; la nouvelle propriétaire veut bien du bar situé au sous-sol, mais le restaurant à l’étage la laisse indifférente.

Elle l’offre contre un loyer tout à fait raisonnable à M. Pelland qui voit une occasion de vivre sa passion culinaire sans se crever à la tâche. Le resto s’appellera Pub Sir John Abbott en hommage à un premier ministre canadien originaire de Saint-Andrew devenu Saint-André. Farouche locavore, la coopérative de travail qui signe le bail se fixe comme objectif de servir des produits locaux accompagnés de vins et d’alcools québécois. Ouvert quatre soirs par semaine, M. Pelland estime qu’il devrait atteindre un seuil de rentabilité en peu de temps. 

C’était sans compter avec la pandémie. 

Quelques mois après son ouverture, le pub doit réviser de manière draconienne sa manière d’être. 

En bon gestionnaire, M. Pelland décide que si les clients ne peuvent venir chez lui, c’est lui qui ira chez eux. Il reste qu’on est en mode survie. Aujourd’hui, il avoue de s’il avait su que son bail ne serait pas renouvelé en avril 2024, il aurait mis la clé dans la porte dès l’annonce du confinement. Il profite quand même de son temps de loisirs forcés pour concocter un nouveau projet. 

Fasciné depuis longtemps par la cuisine asiatique (« on réalise une multitude de plats économiques avec les mêmes cinq condiments de base dosés différemment »), il s’entend avec la municipalité de Brownsburg pour ouvrir dans la capitainerie du camping de la ville un restaurant qui propose des variations sur le thème de la cuisine chinoise. Le lieu est approximatif; la cuisine est grande comme un mouchoir de poche; on ne peut guère accueillir plus de trente clients à la fois et laver la vaisselle relève de la haute logistique à cause du manque d’espace. Mais si les conditions de travail laissent à désirer, les plats sont quand même savoureux.

Hélas, devant les réticences de la ville pour rendre les lieux plus fonctionnels, on met fin à l’entente et le Long’Sôh de la capitainerie revient dans le local du Pub Sir John Abbott qu’on débaptise pour ne pas le confondre avec son presque homonyme de Lachute. 

Le menu du pub se modifie. L’influence orientale est évidente à quoi vient s’ajouter une touche mexicaine. De plus, comme durant la pandémie plusieurs producteurs locaux ont cessé de produire (Les Cassis d’Argenteuil n’existent plus, la ferme Belleroche non plus et la ferme Grand Duc a dû se défaire de ses canards à cause de la grippe aviaire), M. Pelland doit renoncer à l’idéal locavore. Certes, il y sert encore des produits locaux, quand il en trouve, mais il a introduit des vins français dans sa carte pour plaire à sa clientèle qui préfère les vins de Bourgogne à ceux des Basses-Laurentides. On déguste maintenant en plus des hamburgers de luxe et des plats de fruits de mer, tapas et tacos revus et corrigés à la sauce Pelland. 

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