Le 22 septembre 2022 au CISSS des Laurentides, meurt à l’âge de 95 ans l’abbé Clément Laurin de la paroisse Saint-Anastasie. Quelques jours plus tard, on apprend que l’abbé Laurin a écrit un testament olographe en vertu de quoi il laisse sa bibliothèque et ses archives à la ville de Lachute.
Le legs est énorme car il se trouve que l’abbé Laurin était npn seulement un intellectuel passionné d’histoire – en particulier d’histoire locale – mais c’était aussi un « ramasseux ». Il conservait avec un soin jaloux des centaines de livres sur le phénomène religieux de même que le moindre bout de papier ayant un rapport non seulement à sa passion de l’histoire. L’homme étant d’une curiosité insatiable, il possédait des livres sur une foule de sujets même si les quatre cinquième de sa bibliothèque se rapportait au phénomène religieux. Robert Simard qui a connu l’abbé révèle qu’on pouvait à peine bouger dans sa demeure de la rue Grace tant livres et revues s’empilaient dans toutes les pièces et les corridors.
Lorsque la ville prend possession du legs, c’est près de 500 boîtes qui prennent le chemin du sous-sol de la future bibliothèque de Lachute dans l’immeuble de l’ancienne église Unie de la rue Principale. 500 boîtes qui relèvent désormais de madame Claudia Tremblay, cheffe de division, bibliothèque et culture. N’étant pas archiviste, elle contacte Daniel Chouinard qui s’occupe des acquisitions à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) pour savoir quoi faire de cet ensemble de documents. L’homme lui dit qu’il faut d’abord trier, séparer pour ainsi dire l’ivraie du bon grain. Il énonce quelques critères qui doivent orienter le travail : d’abord, on se débarrasse de tout ce qui date d’après 1850 car la BaNQ possède la presque totalité des documents pertinents à partir de cette date. Ensuite, on écarte toutes les publications qui ne proviennent pas d’une première édition. Il n’est pas utile de conserver par exemple une troisième édition des Mémoires de Champlain. Évidemment, la correspondance et certains documents privés ou officiels (contrats, actes notariés, journaux personnels, etc.) n’entrent pas dans ces deux catégories.
Armée de ces recommandations, Claudia Tremblay fait appel à Robert Simard que son statut d’historien du territoire d’Argenteuil désigne tout naturellement pour sélectionner les documents intéressants.
Comme à l’époque, il œuvre comme intervenant au Carrefour Jeunesse/emploi, Robert propose de mettre à profit sa jeune clientèle en se disant que cela peut constituer une initiation intéressante au monde du travail. C’est une activité complètement atypique pour les jeunes du Carrefour, mais précisément à cause de son caractère inhabituel, l’exercice pourrait entraîner des résultats imprévus.
En novembre dernier, on se met donc au travail. Deux jeunes sous la supervision de Robert. Confrontés à une activité exigeant concentration et jugements, les jeunes réagissent tous deux avec émerveillement. Le garçon peu familier du monde des livres découvre les textes religieux et s’étonne qu’on puisse aborder des sujets tels l’histoire des religions ou la vie des saints. De son côté, la jeune fille qui connaissait déjà le plaisir de la lecture à travers les mangas, fait connaissance avec un autre genre d’écrit. Elle aime les livres. Si bien qu’elle se voit offrir par Claudia Tremblay un stage de formation à la bibliothèque.
Deux mois plus tard, on a procédé au triage d’environ 400 boîtes. Au bout de cette première étape, on procédera à un second triage avec l’aide cette fois des bénévoles du Musée d’Argenteuil afin d’identifier plus précisément les documents et d’estimer leur valeur patrimoniale ou historique.
Selon leur nature, les documents retenus seront alors envoyés aux institutions appropriées : le BaNQ, le Musée d’Argenteuil, la fabrique de la paroisse Ste-Anastasie. La bibliothèque de Lachute conservera certainement quelques artefacts dont la monographie sur la paroisse sus nommée que l’abbé Laurin a écrite. Des sociétés historiques comme celle de Saint-Eustache pourraient également se montrer intéressées par quelques documents. Rappelons que Clément Laurin s’est intéressé aux patriotes de 1837 à partir des 41 portraits que le notaire Jean-Joseph Girouard a fait de ses codétenus durant son incarcération à la prison du Pied-du-courant. Il a d’ailleurs écrit des commentaires biographiques aux sujets de ces hommes.
Robert Simard estime qu’il reste environ 5 heures de travail pour achever le premier tri. Par la suite, il faudra sans doute plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour venir à bout de l’analyse de tous ces documents parmi lesquels se trouvent peut-être des éléments inédits sur le passé de Lachute et de la région.