L’espace culturel Saint-Gilles (ECSG) a ouvert sa saison musicale il y a deux semaines avec un magnifique concert du duo Cavatine (piano, violoncelle). Le 3 février dernier, il inaugurait la première de ses trois expositions annuelles avec les sculptures de Stéphane Circé.
Ce sont d’étranges créatures que nous présente cet autodidacte venu à la sculpture sur le tard. Des êtres aux membres démesurés, filiformes, étiques; des corps tronqués, mutilés, à qui il manque le torse ou les jambes. Pourtant, si plusieurs des pièces exposées expriment la détresse ou la tristesse, ce n’est pas une exposition sombre.
L’humour y est également présent en dépit de la noirceur des sujets. Certains y verront du cynisme, d’autres seulement de l’ironie. On dirait que Circé s’efforce de tempérer la dureté de son propos par une touche plus légère.
La tête de son Apache est un bon exemple. Tournée vers le ciel la face de l’homme est figée dans un long cri muet où se mêlent douleur et fureur, une protestation peut-être à l’égard du sort que les colonisateurs ont réservé aux autochtones. Toutefois les vraies plumes fichées dans son crâne allègent en quelque sorte la colère manifeste du personnage.
M. Circé est un homme intense, mais ce n’est pas un violent. Pourtant un certaine violence habite ses tableaux comme ses sculptures? Les artistes éprouvent souvent la frustration de ne pas pouvoir exprimer ce qu’ils ressentent de manière satisfaisante. C’est sans doute pour cette raison que pour bon nombre d’entre eux la recherche constitue la clé de leurs travaux.
On dit de certains écrivains qu’ils réécrivent le même livre toute leur vie. Les artistes visuels disposent de moyens plus variés pour s’exprimer que les auteurs qui n’ont, au bout du compte, que la langue; outre le dessin, ils peuvent utiliser des supports variés, des techniques diverses, la couleur, les formes ainsi qu’une grande diversité de matériaux.
M. Circé, s’il privilégie la sculpture, ne dédaigne pas les toiles. Ses dernières explorations l’ont entraîné vers le numérique comme en témoignent trois grands tableaux qui combinent dessin et photo imprimés sur toile. On retrouve dans ces œuvres le même emportement dans les gestes et la même tristesse dans les yeux qui occupent un bon tiers de l’espace.
Mais il reste que s’il fait des incursions dans l’univers de la peinture et du dessin, la passion de Circé demeure la sculpture. Ses premières œuvres utilisaient le fil de fer auquel il ajoutait du plâtre ou des éléments de verre. Une visite à la fonderie d’Inverness en Estrie a déclenché chez lui une irrésistible envie de couler ses sculptures dans le bronze. C’est alors que sont apparus ces personnages filiformes, aux membres démesurés qui évoquent Giacometti.
Cet été, à la Route des arts, M. Circé espère pouvoir couler des œuvres devant les visiteurs de son atelier. Il possède un petit four qui peut atteindre les degrés nécessaires à la fonte du cuivre et de l’étain, deux métaux mous qui alliés en forment un dur : le bronze. Une de ses ambitions est de posséder sa propre fonderie d’art qu’il mettrait au service des artistes de la région las d’aller en Estrie ou à Montréal pour éditer leurs œuvres. Et comme c’est un homme déterminé, il a de fortes chances de réaliser son rêve.