Tir-au-poignet interminable entre la Ville et Le Chenail

Par Antoine Messier
Tir-au-poignet interminable entre la Ville et Le Chenail
Lynda Clouette-Mackay, directrice du centre culturel, se voit forcer à renégocier le bail de l’organisme à but non-lucratif alors que Le Chenail et la Ville sont aux prises au sujet d’une facture de gaz courante. (Photo : Antoine Messier)

Depuis 2015, la ville de Hawkesbury s’est attardée à rendre le mandat du Centre culturel Le Chenail plus difficile d’atteinte.

En 2014, le centre culturel avait signé un bail de 10 ans, valide jusqu’à la fin avril 2024, avec le mandat d’offrir des évènements culturels tout en assurant la rénovation de la Maison de l’île. En 2015, un an après l’entrée en vigueur du bail, la mairesse de l’époque Jeanne Charlebois envoie un avis d’éviction.

Le Centre culturel a combattu l’avis d’éviction et remport

é sa cause à la Cour supérieure de justice de l’Ontario en 2016. L’année suivante, Lynda Clouette-Mackay, directrice générale du centre culturel, affirme avoir reçu de la municipalité une facture courante de près de 5 000 $ par année en représailles.

Avis d’éviction

René Berthiaume était maire de Hawkesbury lors de la signature du bail en 2014. Cette même année, des élections municipales ont eu lieu en Ontario, et Jeanne Charlebois est devenue la nouvelle mairesse de Hawkesbury. Mme Charlebois avait des plans différents de son prédécesseur pour la Maison de l’île, occupée par le Centre Culturel. Elle souhaitait la transformer en un bureau d’information touristique.

Dans une lettre datée du 17 juin 2015, Mme Charlebois écrit à la présidente du Centre culturel Le Chenail de l’époque, Paula Assaly, expliquant que la Ville souhaite reprendre possession du rez-de-chaussée de la Maison de l’île. Après des discussions ultérieures, la Ville fait marche arrière sur cette décision. Dans une nouvelle lettre adressée à la présidence du centre culturel, la Ville indique désirer utiliser uniquement un coin du rez-de-chaussée. Selon Mme Clouette-Mackay, le centre culturel aurait initialement accepté cette entente, mais lors d’une réunion informelle à la Maison de l’île quelques jours plus tard, l’accord s’est effondré.

Dans une lettre des avocats de Vice & Hunter LLP datée du premier avril 2015, le Chenail a reçu un avis de violation du contrat de bail qu’il doit remédier avant le 29 avril. La Ville avait accusé le Chenail de ne pas leur avoir permis d’occuper l’espace au premier étage dans un délai de six mois après l’avis comme stipulé dans le bail.

La Cour supérieure de justice de l’Ontario avait conclu que la Ville avait omis d’agir de bonne fois depuis l’avis du 15 juin 2015 et de fournir au Chenail un avis d’infraction spécifiant exactement la violation alléguée. Le centre culturel a donc pu continuer d’occuper la Maison de l’île.

Le centre culturel avait d’ailleurs reçu en avril 2015, quelques jours avant l’avis de violation du contrat de bail, 200 000 $ en subventions du gouvernement provincial pour rénover les pierres extérieures, les planchers, les salles de bains ainsi que s’équiper d’une salle de service.

Ces subventions n’ont pas pu être utilisées jusqu’à ce que la cour supérieure rende son jugement le 10 novembre 2016. Si le centre culturel avait été obligé de sortir de la Maison de l’île, l’édifice n’aurait pas été rénové et les subventions seraient allées à un autre organisme, ailleurs dans la province de l’Ontario.

D’après Lynda Clouette-Mackay, Le Chenail a même failli perdre ses subventions. Alors que le centre culturel et la Ville débattaient en cour, d’autres organismes culturels dans toute la province attendaient des subventions gouvernementales pour faire des travaux de construction ou de rénovation.

Facture de gaz

En 2015, la Ville de Hawkesbury a fait construire une toilette publique à côté de la Maison de l’île. Le design du bâtiment, fait par le Centre culturel et approuvé par la municipalité, est une réplique miniature d’une forge qui se situait sur l’île du Chenail au XIXe siècle. La construction de la forge s’est terminée en décembre 2015.

Le système de chauffage électrique de la Maison de l’île ne pouvait pas subvenir aux besoins des deux bâtiments. La Ville a donc décidé de remplacer le système de chauffage électrique par un système de chauffage au gaz.

À ce moment-là, le centre culturel payait 20 % de tous les frais d’électricité et de chauffage de l’île, incluant les lumières dans le Parc de la confédération.

En février 2017, le Centre culturel Le Chenail a reçu une lettre de la Ville demandant de payer la facture de gaz. « Considérant que depuis octobre 2015 la maison est chauffée au gaz propane et que le centre culturel occupe entièrement l’espace loué, nous sommes d’avis que ces frais doivent être payés par votre organisme. »

La directrice du centre culturel, Mme Clouette-Mackay, croit que la facture de gaz a été imposée au Chenail en représailles à la victoire en cour supérieure du centre culturel. « C’est de la revanche. Ce n’est même pas fondé », a dit Mme Clouette-Mackay. Il est écrit sur le bail que le Centre culturel Le Chenail doit assumer les couts pour l’électricité et le chauffage pour les proportions occupée de l’espace loué, soit 20 % de l’île. Cependant, le chauffage ne sert qu’à la toilette et au centre culturel.

« Ils ont changé la fournaise parce qu’ils voulaient avoir les toilettes. Ce n’est pas de ma faute ça! », a affirmé Mme Clouette-Mackay. Elle affirme avoir consulté l’avocat Ronald Caza qui lui aurait dit qu’elle n’est pas dans l’obligation de payer le total de la facture de gaz, tel que demandé par la Ville.

Le centre culturel a donc continué de payer 20 % de l’électricité et 20 % du gaz. La facture imposée par la Ville étaient de 26 000 $ en octobre 2023.

Plus-value

La Ville de Hawkesbury et le Centre culturel Le Chenail sont présentement en renégociation du contrat de bail. Présentement, la Ville a renouvelé le bail jusqu’au 31 avril 2025. Néanmoins, le centre culturel espère obtenir un contrat de bail d’une durée de 10 à 15 ans pour pouvoir obtenir de nouvelles subventions.

D’après Mme Clouette-Mackay, le directeur général de la ville de Hawkesbury aurait demandé au centre culturel de présenter une plus-value à la municipalité pour justifier les frais de gaz payés par la Ville. En août 2023, elle a donc remis un rapport de quatre pages à la Ville pour justifier sa plus-value. « Depuis les 10 dernières années, on a mis plus de 300 000 $ dans la maison, a justifié Mme Clouette-Mackay. J’ai déjà payé mon chauffage pour une bonne année, pour les 10 prochaines années. »

Le centre culturel ne demande pas de fonds à la Ville de Hawkesbury pour ses frais d’opérations, mais occupe la Maison de l’île pour une somme nulle.

Le centre culturel a d’ailleurs investi des sommes importantes dans la propriété appartenant à la municipalité. D’après Mme Clouette-Mackay, le centre culturel a fait plusieurs rénovations nécessaires à la Maison de l’île, et serait en mesure d’obtenir des subventions pour entamer des nouveaux projets de construction, notamment la rénovation du toit du bâtiment, pourvu que le centre culturel puisse obtenir un bail d’au moins 10 ans. « Il n’y avait pas eu d’entretien de cette maison là depuis 25 ans avant qu’on arrive, a confié Mme Clouette-Mackay. Les toilettes n’avaient pas de fenêtres parce qu’elles étaient barricadées. »

Néanmoins, Mme Clouette-Mackay espère trouver une entente avec la Ville sous peu pour assurer la pérennité du centre culturel. « Je veux juste en avoir fini avec ça et qu’on s’entende », a-t-elle affirmée. Elle veut obtenir un bail d’au moins 10 ans pour pouvoir obtenir de nouvelles subventions et investir dans la Maison de l’île que le centre culturel occupe depuis maintenant 10 ans.

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