La goutte de trop

Par Mylène Deschamps - EAP
La goutte de trop
Agnès Grondin observe l’eau du lac Beattie. (Photo : courtoisie)

Après le visionnement du documentaire «La goutte de trop» diffusé à Télé-Québec dans le but de sensibiliser les citoyens à l’importance de réduire contre consommation d’eau potable, L’Argenteuil a proposé à la députée Agnès Grondin, reconnue pour ses compétences comme biologiste et en protection de l’environnement, de répondre à un questionnaire sur le sujet de l’eau potable. 

Décrivez-moi votre rôle comme adjointe parlementaire au ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charrette, depuis le 9 novembre 2022?  

Je suis adjointe parlementaire du ministre pour les volets protection de l’eau et biodiversité.  

Depuis janvier 2023, le ministre m’a nommée présidente du Forum d’action sur l’eau, qui réunit les principaux intervenants dans le domaine de l’eau. Son mandat consiste à soutenir le gouvernement dans ses choix d’interventions prioritaires en fonction de l’évolution du contexte de gouvernance de l’eau au Québec et des changements climatiques. 

Quant au volet protection de la biodiversité, je participe à l’élaboration de la feuille de route du Plan Nature, un engagement du gouvernement à la COP15 de poursuivre sa contribution à l’atteinte des objectifs mondiaux en matière de biodiversité.  

J’accompagne également le ministre dans d’autres chantiers importants, notamment celui sur les milieux humides et hydriques et la révision sur le règlement sur des exploitations agricoles. Enfin, à quelques reprises, j’ai eu le privilège de remplacer le ministre pour une annonce ou une allocution. 

Vous avez participé à la COP 15 en décembre dernier, quels ont été les principaux objectifs qui ont retenu votre attention?  

Ce qui a retenu mon attention est avant tout les deux engagements phares dotés d’investissements historiques en protection de l’environnement annoncé par le  premier ministre du Québec, M. François Legault, accompagné du ministre Charette, devant les 196 délégués provenant des quatre coins du monde, soit la création du le Plan Nature (650 M$) pour atteindre de la cible de conservation de 30 % de notre territoire d’ici 2030 et le Fonds bleu (500 M$) entièrement destiné à la protection de cette richesse naturelle propre au Québec qu’est l’eau.  

Le Plan Nature est une feuille de route pour conserver des milieux naturels d’intérêt, soutenir les initiatives autochtones de conservation de la nature, agir sur les menaces qui pèsent sur la biodiversité et favoriser un accès à la nature à l’ensemble des Québécoises et des Québécois.  

Quant au Fonds bleu, il vise à permettre le financement adéquat, prévisible et suffisant de toute mesure que le ministre peut réaliser pour assurer la protection, la restauration, la mise en valeur et la gestion des ressources en eau. 

Vous êtes responsable de présider les travaux du Forum d’action sur l’eau formé en janvier 2023, en quoi consiste ce rôle?   

Le ministre de l’Environnement a confié un nouveau mandat au Forum, soit celui d’accompagner le gouvernement dans le développement d’un Fonds bleu et de son Plan d’action couvrant la période de 2024-2028.  

À titre de présidente du Forum, mon premier rôle consiste à de favoriser l’engagement et la mobilisation des principaux intervenants dans le domaine de l’eau au Québec, issus des secteurs du milieu municipal, environnemental et économique. Quatre ministères participent également aux travaux.  

Mon deuxième rôle, tout aussi important que le premier, est d’accompagner les membres du Forum dans le développement d’un plan d’action sur l’eau qui établit les priorités des investissements du Fonds bleu jusqu’en 2028. La clé du succès ici est de susciter l’intelligence collective des membres du Forum afin d’assurer la cohérence et la complémentarité des actions en cours et à venir. 

Que connaissez-vous de l’organisme Abrinord, OBV de la rivière du Nord, qui nous a aiguillés sur ce reportage percutant?  

Je connais très bien l’organisme pour en être l’une des membres fondateurs et pour avoir occupé un siège au conseil d’administration pendant les 15 premières années.  

Abrinord est responsable de planifier et de coordonner la gestion intégrée de l’eau dans la zone qui lui est confiée.  

Comme tous les autres organismes de bassin versant de la région des Laurentides, Abrinord a significativement contribué depuis plus de 20 ans à développer l’expertise québécoise en gestion intégrée de l’eau. L’organisme a formé de nombreux professionnels au cours des années qui œuvrent aujourd’hui dans différentes sphères de la région.  

Quels sont les principaux enjeux des infrastructures publiques et privées qui fournissent l’eau potable dans Argenteuil? 

De façon générale, avec les effets de plus en plus significatifs des changements climatiques, les enjeux liés à l’eau potable au Québec touchent à la quantité et à la qualité de l’eau. Dans Argenteuil toutefois, la pénurie d’eau ne semble pas, pour le moment, poser un grand défi.  

Comme il est dit dans le documentaire La goutte de trop, la surconsommation d’eau potable, les rejets nuisibles de nos eaux usées, la protection de nos sources d’eau potable ainsi que la gestion efficiente de nos eaux pluviales sont des défis auxquels nous devons nous attaquer sérieusement et ce, que l’on soit branché sur une infrastructure publique ou sur un système individuel.  

Un élément qui m’appert important est de travailler avec les municipalités de la région pour qu’elles accompagnent leurs citoyens qui ont des infrastructures d’eau (puits artésien et installation septique autonome) afin qu’ils améliorent leurs pratiques pour mieux protéger leur milieu de vie.   

De quelles façons le citoyen peut-il être davantage être prudent et efficace dans sa consommation d’eau potable?  

Différentes campagnes de sensibilisation telles que Mon empreinte bleue du ministère des Affaires municipales ou celle du Top 10 des actions simples pour réduire sa consommation d’eau à la maison d’Écohabitation proposent aux citoyens des trucs et astuces pour adopter des pratiques plus responsables et réduire le gaspillage au quotidien. Tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de notre résidence, il est possible facilement de faire une différence significative. C’est toutefois l’usage des toilettes qui est la plus grande source de consommation de l’eau potable, mais c’est aussi l’usage qui a le plus grand potentiel d’économie d’eau, et ce sans grand effort de la part du citoyen.  

Dans le documentaire, on apprend que les réseaux d’aqueduc construits dans les années 1970 et 1980 peuvent perdent jusqu’à un tiers de l’eau potable avant de se rendre au robinet, est-ce que nos efforts sont vains?  

Notre collègue, Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales, déploie beaucoup d’efforts dans le cadre de sa Stratégie québécoise d’économie d’eau potable 2019-2025, laquelle vise principalement à améliorer la gestion de l’eau et des infrastructures et à réduire la consommation d’eau potable. Notre gouvernement agit et continuera de poser des actions pour accompagner les villes et municipalités dans leurs gestes pour réduire les pertes d’eau potable.  

Quelles sont les solutions afin de rendre les citoyens davantage conscients du coût que représente l’eau potable?  

Certaines municipalités ont installé des compteurs d’eau. Dans certains cas, cet outil aide les résidents à prendre conscience des quantités d’eau utilisée. Nous avons aussi, en juin, le Mois de l’eau qui a pour but de sensibiliser les citoyens à l’importance de notre or bleu. En somme, il faut poser des gestes tous ensemble pour le bien commun et réduire l’utilisation de la ressource. Des projets de nettoyage des berges sont aussi de belles activités qui frappent l’imaginaire et font prendre conscience de la fragilité de ces écosystèmes.  

Selon vous, y a-t-il un réel danger pour l’être humain, si nous ne prenons pas soin de notre eau?  

Il faut arrêter de penser l’eau comme une ressource naturelle renouvelable. Il faut en prendre soin et réduire notre consommation.  

Dans le documentaire, on stipule qu’au Québec, nous faisons face à plus de 60 000 débordements d’eau fluviale par année pour environ 1000 en Ontario.  Qu’est-ce qui explique cette différence majeure et comment les contrer?  

Bien que les débordements d’eaux usées ne soient jamais souhaitables, ceux-ci sont parfois inévitables et nécessaires. Des débordements planifiés sont parfois requis afin que les municipalités puissent procéder à des travaux préventifs ou correctifs sur leurs ouvrages, afin de prévenir des bris ou d’autres problèmes qui risqueraient de causer des débordements imprévus importants. 

Les débordements se produisent majoritairement lors de fortes pluies, parce qu’une grande partie des réseaux d’égout municipaux du Québec drainent à la fois les eaux usées et les eaux de pluie, et que leur capacité est limitée. Il s’agit pour la plupart de réseaux construits dans les années 1950 et 1960. Des travaux nécessitant des investissements majeurs seront requis afin de diminuer ces débordements. 

La meilleure façon de contrer les débordements excessifs est de réduire notre consommation d’eau. Il faut poursuivre l’éducation en ce sens et rappeler aux citoyens que cette ressource est vulnérable.  

Est-ce que les normes et règlements devaient être plus sévères au Québec?  

Le MELCCFP possède déjà plusieurs normes, règlements et lois. Il est certain que nous pouvons en faire toujours plus, mais le nerf de la guerre est de sensibiliser les citoyens à une meilleure consommation et à la vulnérabilité de la ressource.  

Comment le documentaire « La Goutte de trop » a-t-il résonné chez la députée de la CAQ versus en Agnès Grondin, biologiste de formation? 

Ce documentaire résume bien les enjeux sur lesquels j’ai travaillé pendant plus de 20 ans dans le cadre de mes activités professionnelles antérieures. L’eau est une ressource collective et l’enjeu de sa protection est transversal. Comme députée, j’ai le sentiment que je peux contribuer à mettre en place à l’échelle nationale cette nécessaire mobilisation des différents intervenants dans le domaine de l’eau pour identifier nos priorités d’actions. Le plan Eau et le Fonds bleu sont de bons exemples d’engagement de la part du gouvernement.  

Le documentaire est un outil d’éducation important pour sensibiliser la population à l’importance de protéger notre richesse nationale. Nous avons ici un grand défi de sensibilisation auquel nous devons répondre et les médias peuvent jouer un rôle important d’éducation relative à l’eau.  

Est-ce que la projection de ce documentaire dans les écoles secondaires du Québec pourrait s’avérer un outil efficace pour comprendre les enjeux reliés à la surconsommation d’eau potable?  

Oui, comme toute campagne de sensibilisation, car ce sont les jeunes qui vont changer le monde.  

Partager cet article