Cela fait maintenant un an que Michel-Olivier a lancé son troisième livre, Histoires analogues, un ouvrage regroupant une quarantaine de courts textes qui tournent tous autour de la musique, plus spécifiquement des disques vinyles ou vintage. Originellement publiées dans la revue Urbania, il était entendu d’entrée de jeu que ses chroniques deviendraient un livre. Michel-Olivier ne souhaitait pas faire de la critique musicale, mais plutôt plonger dans ce que ses sujets évoquaient pour lui.
Comme le titre l’indique, il s’agit d’histoires et non de recensions ou de compte-rendu. C’est d’ailleurs le potentiel évocateur des disques donc il parle qui a déterminé leur choix, beaucoup plus que son appréciation des musiques ou des textes. Il parle même de titres qu’il n’a pas aimés mais qui ont quand même été significatifs dans sa vie.
Michel-Olivier Gasse se défend d’être un collectionneur. Pourtant il l’est. Sans l’être. Il l’est parce qu’il est toujours à l’affût d’une trouvaille, la rareté à petit prix qu’il déniche dans une friperie ou chez un obscur disquaire. Il ne l’est pas dans le sens où il ne tient pas une liste d’objets qu’il doit posséder à n’importe quel prix; il ne veut pas non plus se retrouver «célibataire dans un demi-sous-sol de Saint-Léonard avec la plus envieuse collection (de vinyles) au nord du Mississipi». Autrement dit, la modération a toujours meilleur goût, dans tous les domaines. Il reste que son salon et son bureau comptent plusieurs centaines de vinyles (les CD sont ailleurs) méticuleusement classés par genre, titre et interprète.
Histoires analogues est donc un livre sur la musique? Oui et non. C’est plutôt un objet singulier qui raconte ce que son auteur a ressenti, vécu, subi, éprouvé en achetant, écoutant ou découvrant, tel artiste, ou tel titre. Dans son texte sur les Beatles, par exemple, il raconte une conversation avec Hubert, un collectionneur compulsif qui, à son corps défendant, doit faire le ménage dans sa collection et qui va lui vendre Magical Mystery Tour que Michel-Olivier n’apprécie pas particulièrement et qu’il ne voulait même pas acheter.
Michel-Olivier nous parle surtout de lui-même dans son livre: les vinyles lui servent d’entrée en matière, de prétexte si on veut. On en apprend beaucoup plus sur lui que sur Nick Waterhouse par exemple ou Zooey Deschanel, objet de ses fantasmes de jeune adulte et qui a perdu son aura lors d’un concert live à la salle Wilfrid-Pelletier. «C’tu moi ou si c’est plate en asti?» demande-t-il à Vincent Vallières, son complice depuis toujours. Et c’est ainsi que tombent les idoles.
Pourtant, il prétend que son prochain livre sera encore plus personnel. «Je ne suis pas l’écrivain que je souhaiterais être», dit-il. À quoi on pourrait ajouter «pas encore». Parce que cela viendra sans doute un jour.
Michel-Olivier Gasse est-il modeste ou sage? Il avoue dans le premier texte sur Sade (la chanteuse lumineuse, pas le sombre marquis) qu’il ne «cherche pas à écrire comme Carver ou Djian». Et en conversation, il se considère comme un honnête bassiste, «mais il y en a plusieurs qui sont meilleur que moi».
De sa formation musicale il reconnaît les lacunes, si tant est qu’on peut tenir pour telles des études axées davantage sur la pop qu’en classique. Pourtant, dans Histoires analogues, il glisse un mot sur Stockhausen, Schönberg et Pierre Boulez, trois figures importantes de la musique sérielle et dodécaphonique (de beau grands mots pour parler d’une certaine musique contemporaine dite sérieuse qui constitue «en somme, un sale moment à passer pour bien du monde») et qui en dépit de cette austérité a trouvé «le tour de (l)’émouvoir». Il consacre aussi un petit texte à Tomita qui a traduit en musique électronique les Tableaux d’une exposition de Moussorsky, dont il dit en conclusion qu’il était «content quand la fin est arrivée, ce n’était pas si bon que ça».
En fin de volume, on trouve un texte qui ne faisait pas partie des chroniques originelles. Boucanus raconte l’histoire d’un ex-producteur de jazz devenu marchand de disques qui, au bord de la faillite, se voit contraint de vendre des ticheurtes aux armes de groupes pop à la mode afin d’attirer une jeune clientèle et de garder ses propres narines en dehors de l’eau. Le personnage n’est pas très sympathique, mais le récit est néanmoins touchant.
En somme, ce qui intéresse Michel-Olivier Gasse dans la vie comme dans son œuvre, c’est l’être humain. La musique n’est qu’un prétexte.