Il y en a qui mettent du temps à choisir un métier ou une vocation. Certains trouvent vite: ils étudient puis obtiennent un job immédiatement dans leur spécialité. D’autres hésitent, tergiversent, temporisent naviguant de boulot en boulot, en espérant un jour trouver le bon.
Marie-Josée Clermont fait partie de ce groupe d’indécis. Son problème, c’est que tout dans la vie l’intéresse. Ce n’est qu’à 43 ans qu’elle s’engage dans la voie qui sera la sienne, l’enseignement, un engagement confirmé et sanctionné par le prix Coup de cœur.
Issue d’une famille ouvrière de Trois-Rivières, Marie-Josée Clermont s’inscrit d’abord en administration. Outrée par les affirmations d’un professeur de finances qui affirme que les trois obstacles au succès en affaires sont les clients, les actionnaires et les employés, elle change de voie et s’inscrit en sciences de l’enseignement option littérature et histoire. Bien qu’elle dispose de tous les outils pour enseigner, elle sent que l’avenir est bouché. Nous sommes dans les années quatre-vingt-dix alors «qu’il y a des piles de CV sur le bureau des commissions scolaires».
Quelqu’un lui fait remarquer que puisqu’elle a la parole facile et qu’elle possède de l’entregent, elle pourrait faire carrière en journalisme parlé. Intéressée, elle s’inscrit dans une école de radio à Montréal et se voit offrir un de deux emplois: Radio-Nord en Abitibi ou Radio-Nord à Lachute. Elle choisit Lachute au cas où, déçue par son emploi, elle pourrait revenir à Montréal plus facilement. Elle devient donc la femme orchestre de la station CJLA-MF: animatrice, journaliste, discothécaire, responsable des ressources humaines et tout le bazar.
L’aventure radiophonique dure sept ans. Sept années durant lesquelles elle apprend à connaître et aimer la région. Si à la radio, on parle aux gens, eux ne nous parlent pas. Marie-Josée éprouve le besoin de contact si bien qu’en 2005, elle accepte un poste au Carrefour Jeunesse-Emploi. L’événement est déterminant puisqu’il la mettra en contact avec une réalité qu’elle ne connaissait pas, celle d’une population défavorisée dont les besoins sont criants.
Les jeunes, souvent peu scolarisés, ignorent les codes du monde du travail, éprouvent des difficultés à conserver un emploi et, plus grave, doutent de leurs capacités et n’ont qu’une piètre estime de soi. Une amie, Catherine Bossé, lui soumet une idée: si on pouvait créer une entreprise qui permettrait aux jeunes de fabriquer un produit tout en les initiant au monde du travail.
Marie-Josée embarque et trouve le nom: Tricycle est né. Tri pour triage et cycle pour recyclage. Marie-Josée ne compte pas le nombre de jeunes gens qui ont trouvé le salut dans cette entreprise qui non seulement faisait du neuf avec du vieux, mais aussi leur fournissait une possibilité de développer leurs talents tout en leur redonnant confiance en eux.
En 2014, Marie-Josée est appelée à remplacer une enseignante à Performance Plus. Et la lumière fut.
Engagée à l’école Le Parallèle par la suite, c’est dans l’enseignement que Marie-Josée a trouvé sa voie.
«Je pense que je suis ici jusqu’à la fin, dit-elle. Ici, je me sens remplie, complètement.» Elle est comblée depuis qu’elle a pris en charge le projet Parents à l’école, un programme qui permet aux parents de compléter leur secondaire au même rythme que leur enfant. C’est une idée de Sonia Bradette, conseillère pédagogique au Centre de services de la Rivière-du-Nord, qui a donné naissance au projet qu’anime avec passion Marie-Josée Clermont.
Le reportage initial de Télé-Québec présente des images touchantes de mamans qui font leurs devoirs avec leurs enfants. Il s’installe une complicité entre les deux qui fait plaisir à voir. Certains enfants affirment leur fierté de voir leur mère retourner aux études. Cela a d’ailleurs des conséquences sur l’un et sur l’autre; ils s’encouragent mutuellement ce qui leur permet de traverser plus facilement les périodes difficiles que chacun peut connaître en cours de route.
Pour Marie-Josée, le plus important c’est que ses élèves adultes découvrent des capacités et des talents qu’ils ignoraient posséder. Une d’elles est parvenue en un mois à couvrir le programme d’une année complète. Pour l’estime de soi, c’est souverain. Quelques-unes de ces femmes ont même poursuivi leurs études au-delà du secondaire. Je suis venue à l’enseignement à quarante-trois ans, dit en substance Marie-Josée Clermont, mes élèves qui ont trente-cinq ans ont donc du temps devant elles pour réaliser leur rêve. Elle ajoute que l’obtention de leur diplôme de secondaire leur permet une plus grande liberté. Elles ont désormais des choix que l’absence de diplôme ne leur permettait pas.
Parent à l’école va-t-il faire de petits? Marie-Josée le souhaite fortement et elle espère que le prix Coup de cœur aidera à le faire connaître dans d’autres régions. C’est évidemment une question de ressources mais alors que l’éducation aux adultes perd de sa clientèle à cause du manque de main d’œuvre généralisé qui attire les élèves possibles sur le marché du travail, les centres de services cherchent des moyens de pallier le manque à gagner. Parents à l’école pourrait constituer une avenue prometteuse.