«C’est dame nature qui décidera de la suite», lance Francis Cadieux de la 4egénération des Desforges à transformer l’eau en sirop sur la montée Vachon à Brownsburg-Chatham. Affairée à la tâche mardi dernier, sa conjointe Vanessa cannait leur 200e gallon, encore loin des 1000 gallons de la meilleure année.
Le vendredi précédent, c’est Luc Legault et son beau-frère Michel Bélanger, qui bouillaient pour une 2e fois ce printemps. Depuis 2 ans, sur la terre de son grand-père Hercule, à qui il a attribué le nom de sa petite érablière parsemée de 300 chaudières, il recueille l’eau d’érable à l’ancienne. Il s’enthousiasme de recevoir la classe primaire de sa petite Olivia, pendant qu’au même moment, sa sœur fait danser les 6 petits coquins de son service de garde au son de La bottine souriante. C’est la célébration du printemps dans toute sa splendeur à 2 minutes du centre-ville de Lachute.
Mardi, alors que le soleil frappe de plein fouet les érables, c’est les 3 joyeux lurons, Éric Foucault, Alain Ross et François Léveillé, qui s’activent autour de l’évaporateur de la vieille cabane toute neuve chemin Carrière. Construite à l’ancienne en 2000, l’allure est trompeuse, mais ô combien spectaculaire. Léveillé, le patenteux-machiniste d’Ivaco a l’expérience des sucres, Foucault fournit le poêle comme s’il avait peur qu’il puisse s’éteindre tandis que Ross parle des projets futurs de l’établissement au cœur de la nature avec enthousiasme. Durant ce temps, les filles, Karine Laramée (la conjointe d’Éric) et Katie Foucault (la sœur), mettent le sirop en canne pour un 60e gallon. «On fait ça pour le plaisir!, souligne Ross, propriétaire de la Société immobilière Les arpents verts. Je donne ça en cadeau, pour fidéliser ma clientèle.» Avec seulement 1000 entailles, l’idée n’est pas tant de rendre le projet rentable, mais plutôt d’y retrouver les amis et un équilibre avec la terre, tel le nom de la place, O’Nature!
Lundi matin, c’était Guy Sauvé, l’enseignant-vendeur de maison, et sa conjointe Suzanne Bertrand qui faisaient bouillir dans le coin de Marelan. Passant de 1125 chaudières à 1950 entailles à la tubulure, un projet réalisé au cours de l’hiver par Services d’érablières Quatre-Saisons du jeune acériculteur Liam Bernard, il profitait davantage des joies que la nature procure et de sa petite -fille Éva avec la famille élargie.
Chez la vieille garde, en après-midi, c’est Michel Lalande, attrapé entre deux voyages d’eau d’érable (c’est 10 000 entailles qui sont recueillies un peu partout sur le territoire avec un camion), et sa conjointe Andrée Pineault qui ont accepté de prendre la pose. Les Sucreries d’Argenteuil passeront aux mains de leur fille Raphaële et du gendre Danick Bourgoin, pour une 93e saison des sucres de Lalande. Depuis 3 ans, la nouvelle mouture se spécialise dans la transformation du sirop en sous-produits. Bien sûr, on y fabrique du beurre d’érable, de la tire et des cornets, mais ce sont les tartes au sucre et aux pacanes, la « croustarte aux pommes et aux bleuets sauvages», qui font chavirer les papilles. «On nous a fait une belle place au IGA de Lachute; on est choyé», de souligner la grand-maman, fière de son équipe et des travaux effectués. La cuisine est immaculée et les congélateurs sont pleins: cretons, tourtières, fèves aux lards, etc. Manque juste les oreilles de crisses et les omelettes. Pour ceci, il faudra aller déguster un repas dans les délicieuses cabanes à sucre du coin.
On estime que depuis 2021, 1200 entreprises acéricoles se sont ajoutées au Québec. Dans l’Outaouais et les Laurentides, c’est 43 nouveaux entrepreneurs -ou passionnés!- comme les acériculteurs visités, ou le pharmacien Mathieu Sabourin à Gore, les Nicolas Deschamps à Wenworth et plusieurs autres vieux routiers qui s’adonnent à une pratique ancestrale toujours de son temps.