Amélie Prévost fait du slam, c’est-à-dire qu’elle dit des textes de son cru sur une scène, parfois seule, parfois avec une complice. Il serait plus juste de dire qu’elle les joue, car Amélie est aussi comédienne; c’est ce qui fait la différence entre un banal récital de poésie interprété par des individus plus à l’aise devant leur écritoire que devant un auditoire.
D’aussi loin qu’elle se souvienne, Amélie a toujours été attirée par la scène. Adolescente, elle découvre le théâtre et la poésie. C’est le coup de foudre. Désormais elle suivra la voie des planches. Elle a seize ans, trop jeune pour viser l’École Nationale ou le Conservatoire qui exigent tous deux d’avoir dix-huit ans et de posséder un DEC en quelque chose. Elle s’inscrit donc à l’Option théâtre de Saint-Hyacinthe. Pendant son séjour à l’école, elle écrit des pièces, puis après ses études, elle décroche quelques rôles au théâtre et à la télévision avant de décider de créer son propre emploi en mettant sur pied des spectacles. C’est par hasard qu’elle tombe sur le slam. Parenthèse : Amélie ne planifie pas grand-chose. Elle met en pratique la devise carpe diem qui n’est pas un poisson vietnamien, mais un mot du poète latin Horace qui signifie profite du moment présent. Pour Amélie, la vie se charge de tout. En revanche elle ne refuse rien avec le résultat qu’elle s’est retrouvée un soir sur une scène à lire un de ses textes devant un public qui l’a vivement applaudi.
C’est un poète américain qui a créé le slam, un mot provenant du vocabulaire sportif (chelem). Assistant un soir à un récital de poésie, l’anémie des prestations l’a incité à proposer quelque chose de plus dynamique : une compétition de poésie. En réalité, il n’inventait rien puisque dans la Grèce antique, les concours de poésie faisaient partie des Jeux olympiques. À l’époque moderne, les jeux du Baron de Coubertin comportaient encore des épreuves de poésie jusque vers les années 1950. Plus démocratique que la poésie traditionnelle, le slam accepte d’entendre n’importe qui, même des amateurs. C’est le jugement du public qui détermine la valeur des joueurs.
Amélie a donc commencé à slamer un peu partout. Invité à Plus on est de fous, plus on lit, elle a remporté victoire sur victoire, non seulement à la radio, mais aussi partout au Québec où elle s’est présentée. Ces victoires l’ont amené à Paris en 2016 ou, seule concurrente francophone, elle a remporté les honneurs du Concours mondial de Slam. Depuis, elle consacre son temps à l’écriture et à la conception de spectacles solos ou en tandem qui sont des sortes d’hybrides entre théâtre et poésie.
Mais le slam est-il de la poésie? Les purs et durs prétendent que non. Les poètes reconnus, même s’ils se prétendent volontiers visionnaires, ont parfois la vue courte; ils ne voient pas plus loin que leurs livres. Pourtant la poésie, soutient Amélie, est faite pour être dite et entendue. L’aspect démocratique du slam rebute aussi aux poètes patentés. C’est pourtant cette caractéristique du slam qu’aime Amélie. C’est pourquoi elle donne des ateliers de slam comme cela s’est produit la semaine précédant son spectacle à l’espace Saint-Gilles. Invitée par La Branche culturelle, elle a participé à un Café canopée au grand plaisir de ceux qui se sont inscrits. Car Amélie est aussi bonne pédagogue. « Il y a de la poésie dans chacun de nous affirme-t-elle. Et pour le prouver, elle demande aux participants de se livrer à un petit exercice tout simple: il s’agit d’écrire cinq choses qui nous énervent ou nous mettent en colère. Puis, on relit cette liste en y ajoutant « nous sommes » ou « « je suis » avant chaque mot. Le résultat est étonnant puisqu’on se retrouve devant quelque chose qui ressemble à une sorte de poème. Essayez-le pour voir.
Amélie a déjà deux spectacles avec décors et accessoires qui roulent présentement. Elle en prépare un troisième, en duo avec sa complice Queen Ka (Elkahna Talbi, comédienne).
Quant à savoir si Amélie Prévost, slameuse, est poétesse, la question ne se posera plus au printemps puisque les Éditions de l’Hexagone, vénérable maison fondée par Gaston Miron (qui lui-même se produisait en spectacle) publiera un recueil de ses textes qu’il faudra bien appeler poèmes.