Louis Godbout, cinéaste iconoclaste

Par Karine Audet
Louis Godbout, cinéaste iconoclaste

De toute évidence, les spectateurs n’ont pas boudé leur plaisir et les commentaires ont été nombreux. Godbout était ravi. 

Les Tricheurs, de l’aveu de son auteur, est une fable avec le jeu de golf pour métaphore sur les travers et les contradictions d’une société qui se ment à elle-même. À cette enseigne, Louis Godbout, professeur de philosophie pendant 15 ans, est un homme à la fois courageux et lucide. Lucide parce qu’il observe froidement un monde qui «remplace les remèdes réels par des mots», une société qui ayant honoré ses vieux du terme «aînés» se sent quitte de toute dette envers eux, une société qui confond volontiers bienveillance avec condescendance. Courageux parce que, à une époque où le moindre écart de langage vous attire les foudres des bien-pensants et peut vous ruiner une réputation en cent quarante-huit caractères, il ose dénoncer les outrances hypocrites de la nouvelle morale.  

Godbout joue donc un jeu d’équilibriste. Tel un funambule, il s’avance prudemment sur le fil du discours en risquant parfois d’aller trop loin. Il existe d’ailleurs deux versions des Tricheurs, celle que l’on peut voir en salle et l’autre, le montage du réalisateur (la director’s cut) disponible sur DVD. Cette dernière comprend les éléments que le réalisateur a dû couper à la demande de son distributeur qui craignait une levée de boucliers de la part des exploitants de salle de plus en plus frileux devant la culture de la dénonciation ou de l’annulation.  D’ailleurs, un certain festival a refusé de programmer le film au motif qu’il risquait de perdre certains de ses commanditaires. Dans ce milieu comme partout ailleurs, money talks 

Louis Godbout est venu tard au cinéma. Son parcours est tout ce qu’il y a d’atypique. Après des études en droit, il se dirige vers la philosophie. Il s’intéresse particulièrement à Friedrich Nietzsche à qui il consacre sa thèse. Il devient professeur de philosophie.  En parallèle, passionné de musique, il s’intéresse à la carrière d’un ami musicien. Au cours d’un voyage en Suisse qu’il qualifie de pèlerinage sur les traces de Nietzsche, il découvre les paysages grandioses des Alpes qui joint à l’influence de Beethoven lui donnent envie d’écrire un film inspiré par son ami pianiste. En anglais, de surcroît. Il ne se fait guère d’illusion sur la destinée de ce scénario et non sans stupéfaction qu’il apprend que Téléfilm Canada accepte Coda, la vie en musique, c’est le titre du projet. La réalisation est confiée à Claude Lalonde dont c’est aussi le premier film. L’acteur britannique Sir Patrick Stewart (Capitaine Picard de Star Trek) en interprétera le rôle principal, ce qui ne nuit pas à la carrière d’un film ou d’un scénariste. 

Piqué par la bête, Louis assiste au tournage puis au montage. Il fait ses classes sur le tas, pour ainsi dire. Peut-être pas une mauvaise chose puisque cela lui permet de jeter sur l’univers du cinéma un regard différent de celui de ceux qui sont issus d’une école spécialisée ou qui ont gravi les échelons des plateaux.   

Après Coda, un autre scénario est accepté, Mont Foster que Louis Gaudreau entend réaliser lui-même et qui sort en 2020. Bourreau de travail, il coscénarise avec Normand Corbeil Une révision, dans lequel il tire profit de son expérience de professeur de philosophie. Le film, réalisé par Catherine Therrien sera porté à l’écran en 2021. Vient ensuite Les Tricheurs, grosse roche dans la mare de la production cinématographique où le réalisateur désirait «prendre le contrepied de l’esprit de sérieux qui règne dans le monde du cinéma.»  

Lors de la projection, la conversation s’est rapidement cristallisée autour de la pensée unique et de la bienséance sociétale. Louis Godbout ne mâche pas ses mots: 

 

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