Une entreprise innovante face à l’adversité

Par Karine Audet
Une entreprise innovante face à l’adversité

Possédant son siège social à Vancouver, Hive Blockchain Technologies, une entreprise du minage de cryptomonnaies s’établit dans cette usine à Lachute en 2020, puis au Nouveau-Brunswick (2021), après avoir fait ses classes en Suède et en Islande depuis 2017. 

Se classant parmi les leaders mondiaux de cette industrie plus connue sous le nom du bitcoin, lentreprise cotée sur la bourse du TSX-V et du NASDAQ se donne le mandat de fournir aux actionnaires un accès aux actifs numériques tout en étant une entreprise responsable et axée sur l’ESG (environnement-social-gouvernance). «Ce qui nous distingue des autres compagnies à travers le monde, c’est que dès 2017, on avait un focus sur l’ESG. Notre focus a toujours été sur l’énergie renouvelable. En Islande, on utilise l’énergie hydroélectrique et géothermique; c’était naturel pour nous de venir au Québec, lorsqu’on nous a invités», explique Gabriel Ibghy, avocat général chez Hive Blockchain. Neuf techniciens bien rémunérés travaillent à temps plein dans les installations situées à Lachute. 

En arrivant sur les lieux en marge de la population, entre l’autoroute 50 et Saint-Hermas, une clôture électrique, tel qu’on la voit dans les films, empêche quiconque de passer. L’empreinte environnementale du bitcoin a mauvaise réputation; il est difficile de ne pas se sentir comme Érin Brockovich. Mais voilà que l’équipe accueillante ouvre grandes les portes de ces installations grandioses d’une incroyable efficacité alors qu’ils ont innové avec un système de recyclage de la chaleur.  

Pour qui connait un peu le décryptage, on sait que le coût énergétique, le bruit et la chaleur produits par ces installations en sont les plus grandes problématiques. C’est ainsi que l’acquisition de terrains retirés en pays nordique, souvent en campagne ou dans de petites municipalités comme Lachute ou Saint-André (N. B.) pour Hive Blockchain, là où il y a aussi une énergie propre tel l’hydroélectrique, les attire. Pour Hydro-Québec, c’était aussi une façon de faire des profits avec les surplus de cette énergie renouvelable. 

À Lachute, l’architecture de l’édifice de 40 000 pieds carrés et loués à Trévi permet un refroidissement des équipements qui produisent une grande chaleur par l’air extérieur à l’aide de persiennes (et non par des airs climatisés). On y trouve des tonnes d’équipements informatiques qui utilisent de l’énergie (30 mW à Lachute et 80 mW à Grand Falls) et mènent un carnage (le mot est faible), mais qui dans un principe d’économie circulaire permet aussi de récupérer la chaleur produite par les serveurs et ainsi chauffer l’usine adjacente de 200 000 pieds carrés. Selon l’ingénieur de Trévi, Radu Ene, l’économie annuelle en GES pour l’entreprise Trévi est de 625 000 m3, soit plus de 300 000 dollars d’économie en frais de chauffage. La chaleur produite par la première industrie fait le bonheur de la deuxième. L’innovation pourrait même servir pour des serres, tel un des projets qu’on aurait voulu faire naître à Mirabel. Cette redoutable efficacité pour chauffer un autre immeuble pourrait aussi être utilisée, entre autres, pour des usines de séchage du bois et est l’une des fiertés de cette entreprise qui se distinguent des autres qui en font une entreprise plus écoresponsable.   

Mais en 2018, face à la volatilité des marchés, le grand intérêt des mineurs du monde et les tarifs réduits de son électricité, Québec devient frileux. Il entrevoit une trop grande demande du secteur et demande à la régie de l’énergie d’établir un cadre, que l’on nommera l’effacement. «En théorie, comme on fait partout dans le monde, on attend d’avoir une bonne balance pour utiliser les surplus des sociétés publiques et les redonner lorsqu’ils en ont besoin. Mais ici, la régie a décidé que durant 300 heures, Hydro-Québec peut prendre 95% de notre allocation, nos 30 mégawatts, ce qui est quasiment un shut down complet en plein hiver, explique M. Ibghy. C’est appliqué à l’industrie conformément, autant pour nous qu’une autre compagnie à Sherbrooke. On va avoir la même réduction en même temps.  Ce n’est pas une réponse à la demande réelle, c’est imposé. On ne sait pas ce qu’ils font de cette énergie, c’est possible qu’il la vende à New York ou pour faire autre chose, mais ce n’est pas comme les autres juridictions qui prennent seulement ce qu’ils ont besoin pour la population locale ou pour balancer leur réseau lors de demandes trop grandes.»  

Les 5% restants durant les 300 heures dispersées ici et là durant l’hiver ne génèrent pas suffisamment de chaleur pour chauffer l’immeuble, construit pour favoriser l’entrée d’air froid. Selon le directeur de l’usine, l’immeuble passe de 12 degrés à -30 degrés en moins de 5 minutes. «À moins zéro, les équipements commencent à briser», lance le technicien sur place, qui dit recevoir les avis par courriel environ 24 heures à l’avance.    

Mais puisque le principe de construction de l’immeuble implique d’y faire entrer l’air froid presque naturellement, il devient impossible pour Hive Blochchain de répondre aux nouvelles exigences d’Hydro-Québec entrer en vigueur en 2021. Les déchets électroniques produits par ces arrêts ne sont pas sans inquiéter les investisseurs. On estime les pertes à plus de 2,5 millions de dollars de bris d’équipements en une seule saison, obligeant même les entrepreneurs de payer des pénalités pour terminer leur dernière saison.   

Selon les calculs, on dit qu’une réduction de 80% permettrait à l’usine de demeurer fonctionnel et conserver un certain confort pour l’équipe sur place. Hive Blockchain Technologies, qui utilise 100 % d’énergie verte pour miner à la fois le Bitcoin et l’Ethereum, voit le Québec comme le seul endroit où leurs opérations sont mises à mal en raison d’une politique restrictive sur le chauffage. Devenant de plus en plus inquiets avec l’hiver qui arrive, ils ont l’impression qu’on met un frein à leur entreprise innovante. «Il y a beaucoup de bureaucratie, on ne sait plus à qui porter notre message, indiquent ceux qui investissent aussi dans la recherche et le développement. En Suède, il nous paye! Lorsqu’il y a une forte demande, on réduit la capacité pour la remettre au public 

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