À l’intérieur, par contre, il est impossible de le confondre avec autre chose qu’un studio d’enregistrement. Des canapés bien-aimés, où reposent des coussins usés, sont entourés de murs ornés de posters de groupes, d’instruments de musique et de panneaux d’amortissement acoustique. La pièce sombre et miteuse n’est éclairée que par l’énorme écran de télévision qui affiche les ondes sonores, les morceaux de musique et les lectures de l’égaliseur, à partir d’un éventail vertigineux de boutons et de curseurs, sur le tableau d’écoute de la taille d’un billard situé devant lui. Dans l’air, une odeur, juste une suggestion des habitants de la pièce, qui enflamment leur créativité.
Assis devant la table d’harmonie, Steven Levac travaille sur son alter ego. Loin de la version branchée, rasée de près qu’il arbore sur les panneaux d’affichage de ses biens immobiliers dans toute la région, les baskets propres, le jean, la veste matelassée verte et la casquette de camionneur de M. Levac sont bien mieux adaptés à l’environnement actuel.
Magnat de l’immobilier le jour, chanteur country la nuit, Steven Levac vit un fantasme de Bruce Wayne avec des bottes de cowboy et des guitares à six cordes.
Une formation musicale
Bien avant de se lancer dans l’immobilier, Steven Levac a été séduit par la guitare à l’âge de 12 ans, en regardant son oncle se produire devant la famille à Noël.
« Il jouait tout le temps lors des Fêtes et m’impressionnait toujours. Je me suis dit : « Il faut que j’apprenne à faire ça », a-t-il raconté. »
Prendre la guitare est devenu une expérience bienfaitrice pour M. Levac. Son père est décédé dans un accident de voiture le jour de Noël, alors qu’il n’avait que dix ans, ce qui a rendu les sessions de jam de Noël avec son oncle, d’autant plus remarquables pour le préadolescent impressionnable.
« Jouer de la guitare était une libération émotionnelle. La musique était une reconstruction de mes émotions », a souligné M. Levac, confirmant ainsi sa passion pour la musique et les spectacles dans ces années les plus formatrices.
Commençant par des chansons d’Elvis, une préférence de ses oncles, Steven Levac a fini par se joindre à d’autres adolescents de la région et, à 13 ans, il se produisait déjà devant des foules, jouant des reprises allant de Chuck Berry aux Beatles. Après avoir déménagé à Montréal avec sa mère dans les années 1990, il s’est fait remarquer sur la scène musicale de la ville en jouant avec son groupe aux célèbres Foufounes Électriques. Le jeune Franco-Ontarien voit la musique comme sa carrière. Après s’être classé deuxième de l’édition canadienne de 1994 du Yamaha Music Quest et avoir joué sur les mêmes scènes que Nirvana, l’adolescent pensait avec certitude qu’il serait une rockstar.
« Quand on est jeune et qu’on écrit ses propres chansons, on se voit devenir le prochain Guns N’Roses, a précisé M. Levac. »
Comme pour beaucoup de rockstars en herbe, les feux de la rampe se sont éteints et les 15 minutes de gloire de Steven Levac ont pris fin avec l’arrivée de la réalité et des responsabilités.
« Si vous n’êtes pas sous contrat avec un grand label ou autre, ce n’est pas quelque chose qui peut vous rendre riche. Les factures commencent à s’accumuler, a confié M. Levac. Vous arrivez à un certain point où vous devez commencer à travailler. » Hiatus réel
Son retour en Ontario a marqué le début de sa carrière immobilière à Hawkesbury. Comme il se concentre entièrement sur son travail, la musique devient un moyen de se détendre à la fin de la journée ou d’une semaine stressante. La musique a bouclé la boucle dans la vie de M. Levac. La guitare n’est plus un moyen de revenu potentiel mais un instrument de libération émotionnelle.
« Certains agents immobiliers aiment aller jouer au golf le dimanche, mais moi je fais de la musique, a affirmé M. Levac. C’est mon moyen d’évacuer le stress. »
Au fil des ans, il a tâté la scène musicale locale. Un groupe se formait par-ci par-là, un spectacle live le weekend, une apparition au réveillon du Nouvel An, mais ses clients ont toujours eu la priorité à mesure que son empire immobilier de l’est de l’Ontario grandissait.
L’arrivée de la COVID a cependant changé la façon dont M. Levac travaillait. Les restrictions sur la présentation des résidences et le fait d’être coincé à la maison l’ont incité à se remettre à l’écriture de la musique. En jouant dans le studio de son ami Mike Seguin-Lavigne, près de Pleasant Corners, et grâce à une rencontre fortuite avec le musicien country acadien Stéphane Déraspe, M. Levac a composé sa première chanson en plus de 20 ans, donnant ainsi le coup d’envoi à une carrière en tant que vedette country.
D’Elvis à Twitty
Avec quelques chansons enregistrées et un album en route, Steven Levac, le producteur Mike Seguin-Lavigne et sa gérante et petite amie Elizabeth Blouin-Brathwaite ont envoyé, sur un coup de tête, son premier single country, Dis-moé le donc, aux stations de radio du Québec. La réception a été un peu surprenante. Le single a maintenant été joué dans toutes les stations de radio, en plus des dizaines de milliers d’écoutes et de vues sur Spotify et YouTube.
« Tout à coup, j’ai commencé à recevoir des appels de stations de radio de tout le Québec. C’était très cool. Adolescent, je rêvais de passer à la radio, a-t-il admis. Et deux semaines plus tard, j’étais sur les panneaux d’affichage. »
Un album terminé et un autre en route, Steven Levac est maintenant un artiste country à part entière. Ayant débuté comme rockeur gothique autoproclamé, il n’aurait jamais pensé qu’il chanterait avec un chapeau de cowboy.
« Je n’ai pas d’autre choix que de me considérer comme un artiste country maintenant, a-t-il confirmé en riant. J’ai toujours aimé la musique country, mais c’est, en quelque sorte, arrivé par accident. »
Le deuxième single de M. Levac, Dans ma boite de truck, a fait de sa carrière musicale une certitude, celle de Conway Twitty et non d’Axel Rose. Cette chanson pop-country, hymne classique des routes de campagne, de la consommation de bière et des camionnettes, a été écoutée près de 50 000 fois sur les plateformes de streaming.
Grâce à ce succès, Steven Levac se produit devant des foules encore plus grandes que celles de ses années d’adolescence, et ce, partout au Québec.
« Je suis béni vous savez, comme si tout n’avait pas été parfait toute ma vie, parce que tout le monde a ses hauts et ses bas, a-t-il confié. Mais en ce moment, c’est une bonne chose et je ne fais qu’en profiter. »
L’engagement de rester occupé
Après un album et un autre EP en anglais, M. Levac n’a pas l’intention d’arrêter la musique de sitôt. Même si l’immobilier le tient occupé, il se produit les weekends et continue d’écrire des chansons pendant ses temps libres. Pour l’instant, rien ne le ralentit.
Alors qu’il lui reste de nombreuses années à passer dans l’immobilier, il continue à faire de la musique comme un plan de semi-retraite. Lorsque le jour viendra où il transmettra son entreprise immobilière à son fils, M. Levac continuera à jouer et à enregistrer de la musique, aussi longtemps qu’il le pourra.
« Je vais continuer à travailler et à rêver. Ce sont les rêves qui vous font avancer, a-t-il affirmé. J’ai toujours rêvé de jouer dans un film. Et je vous promets que je trouverai un moyen de le faire dans les dix prochaines années. »
Mais en attendant de le voir sur le grand écran, vous le verrez sur ses panneaux d’affichage aux alentours de Hawkesbury, en costume-cravate le soir du Nouvel An, vous l’entendrez sur votre radio et vous le trouverez en train de travailler sur son prochain album à Pleasant Corners.